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Situation des droits de l'homme au Sahara Occidental : Des parlementaires européens accusent Rabat

par Mahrez Iiiès

Une délégation «ad hoc» européenne pour le Sahara Occidental, présidée par le Grec Ioannis Kasoulides a finalisé la rédaction d'un rapport accablant sur la situation des droits de l'homme dans les territoires occupés par le Maroc.

Un rapport qui n'a pas encore été rendu public, mais dont une copie a été mise en ligne hier, par le journal espagnol El Pais.

Cette délégation de parlementaires européens, qui n'a pu entrer au Maroc selon son souhait, que trois années après en avoir informé les autorités marocaines, confirme dans son rapport l'état de délabrement des droits humains au Sahara Occidental occupé, et la situation déplorable des militants sahraouis. La mission européenne, qui s'est déjà rendue dans les camps de réfugiés sahraouis et a rencontré les responsables du Front Polisario au mois de septembre 2006, n'a pu accéder aux militants et associations sahraouis des territoires occupés que les 26 et 27 février 2009, après la visite en mai 2008 du président du parlement européen Pöttering qui a permis de surmonter le différend avec les autorités marocaines qui avaient contesté certains membres de cette délégation, notamment son président. Cette délégation parlementaire européenne devait ainsi, dés 2006, se rendre dans les territoires du Sahara Occidental occupé par le Maroc à la suite de la répression sauvage des manifestations indépendantistes de mai 2005. Après avoir rencontré les «politiques» et les ONG humanitaires marocaines proches du Palais Royal, la délégation de parlementaires européens s'est ensuite rendue à Layoun, pour s'enquérir de la situation des droits de l'homme dans la région. Son constat et ses recommandations contenus dans son rapport final sont éloquents quant à l'état des lieux en matière de droits humains dans cette région. Sur place, elle rencontrera plusieurs membres des associations sahraouies de défense des droits de l'homme, dont le Collectif des Sahraouis défenseurs des droits de l'homme (CODESA) et l'Association Sahraouie des victimes de violations graves des droits de l'homme (ASVDH). Au coeur des entraves et des violations des droits de l'homme au Sahara Occidental, il y a ainsi, selon ce rapport, «l'impossibilité de certaines associations (Sahraouies) d'accéder à un statut légal, les entraves à la libre expression et au droit de manifestation même pacifique, de multiples formes de harcèlement des militants et des défenseurs des droits de l'homme, des arrestations arbitraires et des mauvais traitements, voire de torture.»

Par ailleurs, la majorité des interlocuteurs ont déploré «le traitement inéquitable des militants sahraouis devant la justice marocaine, le recours à des chefs d'accusation de droit commun cachant des motivations politiques, l'impunité des auteurs de violations des droits de l'homme et le manque de suivi des plaintes''. Le rapport souligne, en outre, que ''pendant et après le séjour à Layoun, la délégation a reçu des témoignages de personnes qui rapportaient avoir été empêchées par les forces de l'ordre marocaines d'accéder au lieu de réunion de la Délégation à l'hôtel Parador, et (...) prend note de certaines affirmations portées à sa connaissance qui font état d'intimidations, de mauvais traitements, voire même d'agression physique. La Délégation a notamment reçu des certificats médicaux attestant les dommages physiques subis par certains militants sahraouis, et constate que le nom de l'agent de sécurité cité pour avoir été impliqué dans ces événements se recoupe avec celui mentionné dans le rapport de «Human Rights Watch» relatif à un cas grave de violations des droits de l'homme et de tortures dans un commissariat de police à Layoun en mai 2005, sur le sillage des manifestations pour le droit des Sahraouis à un référendum d'autodétermination. Ainsi, les parlementaires européens parlent dans leur rapport, d'atteintes récurrentes aux droits de l'homme au Sahara Occidental, notamment à la liberté d'expression, d'association, de manifestation, de communication, de mouvement et d'accès à la justice. Il y a également, selon le rapport de cette délégation européenne, la question des disparus au Sahara Occidental «qui appelle un travail en profondeur, incluant la trace des destins individuels, l'immunité accordé aux témoins, l'identification des emplacements des tombeaux et des fosses communes, l'identification des corps à l'aide de la mise en place d'une base d'ADN, le retour des corps aux familles.»

Dans ses recommandations, elle invite «la Commission européenne, à travers sa Délégation à Rabat, de suivre la situation des droits de l'homme au Sahara occidental et d'envoyer régulièrement des missions d'information sur place. Ainsi, et à l'instar de pratiques déjà existantes de la part de certains Etats-Membres, elle recommande à la Délégation de la CE de dépêcher des observateurs aux procès impliquant des militants sahraouis et s'attend à ce que le Parlement européen soit tenu informé de ces développements.» Le rapport appelle instamment également «la Commission européenne à profiter pleinement des possibilités offertes par le dialogue sur les droits de l'homme dans le cadre du sous-comité mis en place avec le Maroc pour soulever ces questions.» Trois ans après, le président de la commission «ad hoc» européenne sur le Sahara Occidental, Ioannis Kasoulides a pu, en fait, constater l'état déplorable dans lequel sont confinés les droits de l'homme dans cette région du Maghreb. Ainsi que l'entière disponibilité des autorités sahraouies à travailler de concert avec la communauté internationale pour la mise en place d'un référendum d'autodétermination pour décider démocratiquement de l'avenir politique de ce territoire, classé par l'ONU non autonome et à décoloniser.