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Suite et fin
Allah (swt) dans l'alternance des civilisations nous fait voir que des civilisations ont duré des siècles, car leur contribution au bien de l'humanité était supérieure à leurs effets de nuisance. Allah garantit la durée au plus efficace et au plus utile. La foi, le nationalisme, les intentions affichées sont sans valeur et sans perspective de devenir ou de témoignage historique si l'œuvre de bien n'est pas fondatrice et fédératrice. Les Romains avaient dominé le monde bien qu'ils fussent païens et colonisateurs. Leurs possibilités de faire le bien en développant l'agriculture, l'architecture, les arts et techniques ainsi que l'administration et le droit apportant progrès social et technique à l'humanité sont incontestables. Dans la logique historique, les Romains ne devaient s'éclipser qu'une fois leur vocation achevée devant l'émergence d'une communauté monothéiste plus civilisatrice. Les musulmans se sont éclipsés lorsque leur nuisance est devenue supérieure à leur bien. Constitution, Dawla islamiya, ou autre slogan, n'a aucune valeur s'il n'y a pas de forces sociales et politiques en mouvement intellectuel, scientifique, moral, technique et économique. La Constitution n'est pas un livret juridique ou une recette de cuisine, mais l'idée, la feuille de route et le désir d'une communauté de se constituer en nation civilisée et civilisatrice de la même manière que des associés se constituent en société pour produire, commercer et gagner ensemble selon des règles convenues et des moyens partagés. La Constitution (les statuts juridiques) est le document fondateur qui concrétise le désir d'être ensemble, les objectifs, les droits et devoirs des participants. C'est un acte de liberté, c'est un acte de conscience, c'est un projet délibéré dont l'énonciation et la réalisation exigent l'existence et la collaboration d'un maître d'usage, d'un maître d'œuvre, d'un maître d'ouvrage, d'un maître d'exécution et d'un maître d'homologation pour témoigner d'une présence et montrer le bien que l'on est capable de produire dans une période de temps, dans une étendue de territoire et dans des conditions culturelles, sociales et économiques. C'est ainsi que se réalise le destin des hommes, que prospère leur compétence à faire le bien et que s'inscrivent leurs témoignages dans le temps et dans l'espace : {Nous vous avons avantagés les uns par rapport aux autres afin que vous soyez mutuellement les uns au service des autres} Coran Le processus de constitution est un processus foncièrement libertarien même si la liberté reste tributaire des contingences du temps et de l'espace. Les tribus, les ethnies, les peuples, les nations et les civilisations se sont constitués à la fois par leur volonté libre et par les exigences du lieu et du moment dans la quête de la nourriture, de l'abri, des outils, de la socialité et de la sécurité. En s'associant avec les voisins ou en se mobilisant contre les envahisseurs. En évoluant et en se civilisant, les membres constitués raffinent la manière dont ils seront gouvernés, taxés et jugés. Il est impensable de parler de Constitution alors que la Liberté qui la constitue est absente ou que les préoccupations de nourriture, de sécurité, de territoire, de justice, d'alliance qui concernent l'ensemble des membres, ne se fassent pas ou se fassent dans la clandestinité, l'exclusion et l'exclusive. Les élites algériennes au pouvoir ou dans l'opposition n'ont pour référence que les états-majors de la révolution française ou le schéma contemporain des institutions françaises. Le pourquoi, le comment et le devenir de ce qu'ils ont plagié ne les intéresse pas, puisqu'ils ne cherchent que l'alibi et la forme qui fait illusion. Les maffias et les organisations terroristes sont une autre forme de constitution fondée sur l'usurpation, la violence et le partage de territoire ou de butin. Le chef organise la rapine et arbitre lorsqu'il faut coopter un nouveau membre ou éliminer un ancien. L'arbitre-chef de la maffia peut concentrer en apparence tous les pouvoirs, mais dans la réalité il décide selon le consensus des petits chefs qui l'ont désigné auparavant. J'ai cité Machiavel pour illustrer mes propos, car il illustre la pensée de la Renaissance et de l'émergence de l'État nation (État moderne) porté par le développement des sciences, des arts et de la philosophie. Le discours (du bigotisme ou du laïcisme) veut faire croire que les Européens se sont civilisés une fois qu'ils avaient abandonné leur religion alors qu'en vérité ils avaient rompu avec l'oppression sous toutes ses formes et consenti le prix pour cette rupture salutaire. Il illustre aussi l'idée de l'émergence de la civilisation occidentale au détriment de la civilisation musulmane. Cette dernière -ayant sombré dans le juridisme stérile des clergés et des rentiers de la religion et de la politique- ne pouvait plus produire de la pensée innovatrice ou s'occuper des problèmes de la cité des hommes. Au moment où le monde musulman sombrait dans le fatalisme, le piétisme, l'oppression et l'ignorance l'Occident s'éveillait au débat philosophique sur la Souveraineté, la République, la Démocratie. Ils se construisaient des concepts pour lire la réalité et la changer. Nous continuons à ne pas lire objectivement leurs concepts et à vouloir importer ou à refuser leur réalité comme si notre mental binaire ne pouvait que penser en terme d'importation des choses ou d'autarcie. Les uns ne voient pas la réflexion et la démarche historique pour construire la liberté et la justice qui manquent dans nos cités et se contentent d'importer des parlements, des constitutions, des élections comme on importe des pommes de terre. Les autres refusent de voir l'expérience des autres et se contentent de traduire l'Islam en une série d'interdits et de tabous figeant la pensée dans un rituel de comportements et de mentalités anachroniques et inefficaces. Que nous nous déclarions partisans de l'Occident ou ses ennemis jurés, c'est toujours notre façon de penser et nos confusions sur les réalités et nos incohérences sur la vérité qui ont véritablement produit notre décadence puis notre colonisation par les Occidentaux. C'est notre mentalité qui continue de nous imposer les schémas mentaux du colonisé dont l'unique promotion est d'être l'axillaire du bureau arabe dans l'administration coloniale ou porteur de fardeaux dans le comptoir commercial. Nous refusons de produire notre résistance et notre développement. Je ne vais pas finir ce sujet sans poser une autre question : est-ce que le bien est accessible à tous ? Oui, par notre nature primordiale nous avons la disposition de nous émouvoir devant le bien et le mal comme de nous émouvoir devant le beau et le laid ainsi que devant le juste et l'injuste. Mais la routine insensée et la quête des intérêts contaminent notre nature et la rendent insensible à la vérité et à la réalité. Allah (swt) dit : {Celui-ci est Allah, votre Seigneur Al Haqq. Au-delà du Haqq qu'y a-t-il donc sinon l'égarement ? Comment se fait-il que vous vous en détourniez ? »} Les subtilités du langage vont nous donner des interprétations et des traductions dont le sens profond est à chaque fois différent : {Tel est Dieu votre vrai Seigneur. Au-delà de la vérité qu'y a-t-il donc sinon l'égarement ? Comment se fait-il que vous vous en détourniez ? »} {Tel est Dieu, votre Seigneur véritable. Au-delà de la vérité qu'y a-t-il donc sinon l'égarement ? Comment se fait-il que vous vous en détourniez ?} {Tel est Dieu, votre Seigneur véridique. Au-delà de la vérité qu'y a-t-il donc sinon l'égarement ? Comment se fait-il que vous vous en détourniez ?} Toutes ces traductions ont manqué de vérité et de réalité en oubliant que les termes « vrai », « véritable » et « véridique » ne sont pas synonymes même s'ils sont proches. Le plus grave c'est que le terme Al Haqq n'est pas un attribut ou une épithète qualifiant Allah, mais un Nom parmi les saints noms d'Allah (swt). Il faudrait plutôt lire l'Aya comme ceci : {Celui-ci est Allah, votre Dieu (qui est) la Vérité-Réalité. Au-delà du vrai et du réel qu'y a-t-il donc sinon l'égarement ? Comment se fait-il que vous vous en détourniez ?} En se détournant du réel et du vrai il est impossible d'accéder à Dieu comme Vérité et Réalité tant dans son existence, que dans Ses Actes et Paroles pour se trouver dans la situation d'inventeur d'idoles et de mythes. En se détournant de Dieu, l'homme faillible ne peut accéder à la réalité objective ni à la vérité absolue dans ce monde et il sera privé de la rencontre de Dieu dans l'Au-delà. Cette Aya n'est pas seulement une déclaration d'identité sur Dieu, mais un concept de déconstruction des fausses croyances, une mise à l'épreuve de l'esprit devant les légendes, les narrations, les idoles et les illusions. C'est l'invitation spirituelle et philosophique la plus complexe qui soit donnée à l'humanité pourvue de raison, de logique et de quête de sens. Le rapport entre la vérité et la réalité et ses incidences sur la liberté, la justice, l'art et l'épistémologie scientifique est sans doute le débat le plus étendu et le plus complexe de l'Antiquité à nos jours. C'est sur ce terrain que se construisent la certitude et la connaissance, y compris en matière de foi. Je reviendrai une prochaine fois, inchaallah, en détail sur quelques sens spirituels et philosophiques de cette Aya coranique. Pour l'instant, elle va nous guider à poser les dernières questions sur le leurre et le mensonge entretenus par la médiocratie et son réseau de clientèles : Celui qui ne dispose pas de la vérité (sémantique du texte, concepts philosophiques, grands principes moraux, amour désintéressé, acuité intellectuelle, méditation sur l'histoire, quête sur le sens des phénomènes, vigilance de discernement) peut-il s'émanciper de la perception, des représentations et des modèles donnés à voir ou à imiter pour se libérer et enfin voir et comprendre la réalité objective puis la transformer ? Celui qui est ignorant de la réalité objective des choses peut-il accéder à la vérité, c'est-à-dire trouver le sens logique et gnoséologique qui lui permet de penser, d'agir et témoigner avec connaissance et certitude, et non par suggestion ou impulsion, fascination ou manipulation, leurre et fiction, peur ou cupidité ? Comment la réalité et la vérité participent-elles ensemble à l'élaboration de la pensée et de la certitude? Est-ce que la pensée peut se passer de vérité et de réalité ? Est-ce que l'action peut se passer de pensée ? La vérité statique et la réalité figée du moment ou du passé ne sont-elles pas un frein à la réalité du devenir et au devenir de la vérité au point de mutiler l'esprit et la société ? Est-ce que la liberté et la justice sont des accessoires ou des composants essentiels dans l'acquisition et la formulation de la vérité et de la réalité ? Est-ce que le bien, le concevoir et le faire, peut-il se passer de la vérité, de la réalité, de la justice et de la liberté ? Est-ce que la quête de vérité et l'observation de la réalité peuvent guérir l'homme de l'incohérence ontologique et de l'illusion de la représentation qui lui fait superposer ou coexister plusieurs « réels » et plusieurs « vrais » ? Les énarques algériens qui n'ont jamais mis les pieds dans un atelier de fabrication ou de réparation et n'ont aucune disposition pour réparer ni Algérie ni vélo vous diront que l'Algérie n'a besoin ni de philosophie, ni d'art, ni de Coran, mais de technique alors qu'ils ont démantelé tout l'appareil industriel et technique acquis en clé en main et en produit en main. Si les Algériens, nationaux et binationaux, gouvernants et gouvernés, mono- ou biculturels, continuent de croire qu'ils peuvent se dispenser de penser et qu'il leur suffit d'importer leurs modèles d'administration et de gouvernance, alors tous les ans nous aurons une nouvelle Constitution pour cacher les dislocations de ce qui fait une civilisation : le territoire, la langue, la mentalité collective, l'histoire et l'économie. C'est par la pratique pensée de la réalité, de la vérité, de la justice et de la liberté dans ce qui fait ou défait la civilisation que l'homme prend toute la mesure de sa faillibilité et de son drame ainsi que de sa grandeur et de sa dignité. À travers ces exemples nous pouvons déduire que nous mettons toujours la charrue devant les bœufs et que nous occultons la priorité, en l'occurrence revendiquer le droit du sens et le retour aux fondamentaux qui sont les véritables garanties de notre devenir ainsi que de nos ambitions légitimes à la promotion intellectuelle, sociale et politique. Je fais le choix, ici, de rester proche de la vision kantienne, car elle me semble la plus proche de l'idée coranique et revendiquer l'État qui n'a pour vocation que d'être l'unique garant de la liberté collective et individuelle, de défendre la justice qui doit demeurer équitable, indépendante et impartiale. Quiconque occupe ou cherche à occuper des fonctions étatiques supérieures ou subalternes doit : « Entrer dans un État juridique est un devoir, un impératif catégorique juridique. Dès lors, chacun doit se considérer comme contractant, comme membre de la volonté unifiée d'un peuple ». Pour le reste, c'est à la société de se prendre en charge sous les formes organisées les plus adéquates à son dynamisme social, culturel, économique et intellectuel. En tout lieu et en tout moment, il devrait y avoir un contrat librement négocié, une adhésion librement consentie et des règles communes à respecter. Les grands principes universels de droit et d'éthique de la gestion de la cité et de la relation entre les citoyens sont les suivants : {? ce qui est auprès d'Allah est meilleur et plus durable pour ceux qui sont devenus croyants, qui s'en remettent à Dieu, qui évitent les péchés les plus graves ainsi que les turpitudes, qui pardonnent après s'être mis en colère, qui répondent à l'appel de leur Seigneur, accomplissent la Salat, se consultent (librement) entre eux à propos de leurs affaires, dépensent (au profit des pauvres et des faibles) de ce que Nous leur attribuons, et qui, atteints par l'injustice, ripostent. La sanction d'une mauvaise action est une peine identique. Mais quiconque pardonne et réforme, son salaire incombe à Allah. Il n'aime point les injustes ! Quant à ceux qui ripostent après avoir été lésés, ?ceux-là pas de voie (recours légal) contre eux ; il n'y a de peine que contre ceux qui lèsent les gens et commettent des abus sur terre, contrairement au droit, alors ceux-là auront un châtiment douloureux. Et celui qui endure et pardonne, cela en vérité, fait partie des bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires.} As Choura 36 à 43 Il ne s'agit que de droit, de justice et de liberté. Ce sont leurs valeurs, leurs principes, leurs règles et leurs pratiques qui effaceront les disparités fabriquées, les leurres entretenus, les discriminations subies. Encore une fois, s'il est libre de rêver de son Algérie et de voir la réalité algérienne comme il la perçoit, mais lorsqu'il s'agit du destin d'un peuple et de ses sacrifices alors les attentes changent selon les niveaux d'exigence morale, intellectuelle et patriotique que l'on s'est fixés ou que l'on s'est forgés dans sa vie. * Auteur et écrivain |
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