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Deux ans de prison requis contre des «recruteurs» syriens: Grosse arnaque à l'emploi à Oran

par H. Saaïdia

« Une agence de recrutement syrienne, à Oran, cherche main-d'oeuvre algérienne pour de grandes compagnies dans les pays du Golfe. Tous les candidats, quels qu'en soient le métier et la qualification professionnelle, sont éligibles. Pas de limitation d'âge, ni de conditions sur la situation sociale». «Dossier du visa, frais compris, billet du voyage, hébergement et restauration à l'arrivée... Les postulants seront pris en charge à 100% par nos soins».

C'est l'offre, frisant le surréalisme que proposait un certain «bureau de main-d'oeuvre» syrien qui s'est installé, en plein centre-ville d'Oran, fin août dernier. Local loué, décor planté... une petite annonce de 1/16e dans un journal pour terminer. Il n'en fallait pas plus pour attirer des dizaines de jeunes Algériens, des quatre points cardinaux du territoire national. Voulant coûte que coûte saisir cette opportunité de rêve, ces citoyens, chômeurs pour la plupart, ne se sont pas posé trop de questions avant de s'inscrire auprès de cette antenne d'embauche syrienne, en s'acquittant d'un montant entre 13.000 et 16.000 DA, chacun. Cette affaire, dite de «Djar El-Kamar», au nom de la société syrienne qui a mis en place, de manière tout à fait clandestine, une agence de recrutement à Oran, était, hier, devant le tribunal correctionnel d'Oran. A la barre des accusés, six personnes comparaissant sous les chefs d'accusation d'«association de malfaiteurs en vue de commettre une escroquerie et faux et usage de faux».

En posture d'accusés principaux, trois prévenus, en détention: G.H.K., le patron de la société «Djar El-Kamar pour les partenariats et la célébration des fêtes» (tel que mentionné, en tout cas, dans les pièces du dossier), M.A.AC, le D.G de la même compagnie ainsi que M.A., partenaire algérien, originaire de Mascara, de ces «opérateurs» syriens. Leurs présumés complices dans cette arnaque sont trois jeunes Oranais embauchés par les Syriens en qualité d'agents d'accueil au niveau du bureau de recrutement en question ainsi que l'homme qui leur a loué un local, sis quartier Plateaux (Oran) et une employée chez ce dernier. Ces deux derniers comparaissaient libres.

La genèse de l'affaire remonte au 27 août 2008, jour où les deux ressortissants syriens et leurs collaborateurs ont été arrêtés pour exercice illégal d'une activité et escroquerie. Interpellation suivie par la perquisition du local loué par ces étrangers et transformé en une agence de recrutement, avec un décor et une enseigne publicitaire plutôt sobres et discrets. Après interrogatoire, il s'est avéré que les deux Syriens sont arrivés à Alger le 17 août 2008, ont loué un premier local à Gambetta le 22, ont ouvert ce bureau le 23, ont déménagé à Gambetta le 24, où ils ont exercé leur sombre activité jusqu'au 27, date où leur entreprise a été mise à nu. L'acte d'accusation -avec un appel à manifestation de victimes encore ouvert- fait état de 61 Algériens dupés, dont des jeunes femmes. A ces derniers qui ont payé des montants entre 13.000 et 16.000 DA chacun, les Syriens n'ont remis qu'un vulgaire bout de papier en guise de garantie, portant le cachet de la mystérieuse société «Djar El-Kamar», dont «le siège social est basé à Dubaï et qui possède plusieurs succursales à Damas, à Pékin entre autres». Un grand doute, au moins, entoure cette compagnie activant dans des créneaux divers (conclusion de partenariats, célébration de fêtes, organisation d'événementiels, ameublement...).

D'autant qu'aucune enquête n'a été commandée par les autorités judiciaires algériennes par voie de commission rogatoire avec l'entraide des autorités syriennes ou des Emirats Arabes unis pour faire la lumière sur cette présumée compagnie.

Il ressort du débat qui a eu lieu au procès que le projet de créer une agence de recrutement en Algérie ait été conçu à Damas entre les deux Syriens mis en cause et un Algérien qui travaillait pour le compte d'une entreprise jordanienne avant d'être recruté par Djar El-Kamar. Ce dernier a été chargé des démarches inhérentes à l'installation d'une antenne à Oran. Mission qu'il a accomplie... mais sans l'agrément des instances algériennes compétentes. En tout et pour tout, et au bout de cinq jours d'ouverture, les Syriens ont amassé 92 millions de centimes. Recette qui aurait pu être autrement plus importante si leur plan n'a pas été aussitôt déjoué. Car, selon l'acte d'accusation, les mis en cause savaient bien que leur entreprise était illicite, dans le fond et dans la forme, et c'est pourquoi ils ne comptaient pas activer durablement en Algérie mais de s'installer ailleurs, peut-être, une fois qu'ils auront fait le «plein» à Oran.

A la barre, les deux Syriens et leur ex-partenaire algérien se sont disputés. Les deux camps se sont échangé les accusations et se sont mutuellement enfoncés. Le défenseur du droit public a requis deux ans de prison ferme contre les deux Syriens et leur partenaire algérien. Il a requis la même peine contre les trois Algériens employés comme agents d'accueil. Une peine d'un an de prison ferme contre l'opérateur algérien qui leur a loué le local ainsi que son employée. Le verdict sera prononcé ultérieurement.