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« L'engagement,
c'est un mur conçu expressément pour que l'on fonce dedans. » Citation d'un
auteur inconnu
Introduction, digression Commençons déjà par lever l'équivoque au sujet de la notion de code, qui par excès de langage fait croire par exemple que la wilaya et la commune disposent d'un code. En fait, ou plutôt en droit, le concept de code renvoie à la codification juridique qui se fait de deux manières : soit une codification à droit constant qui regroupe un ensemble de textes juridiques épars qui s'appliquent à un domaine déterminé, mais qui n'apporte aucune innovation, soit une codification classique qui consiste en un double travail, qui va du recensement des textes existants à leur mise en cohérence, qui emporte aussi une création juridique. Cette dernière catégorie de codification intervient en particulier lorsqu'il est constaté l'obsolescence ou la dépréciation de certains textes qui exigent une mise en phase ou un rattrapage juridique qui met à jour des textes qui étaient même susceptibles de se contredire. Cela dit, la codification officielle se fait en deux temps : un temps pour la codification législative et, un temps pour la partie règlementaire. C'est vrai cependant, qu'à côté de ce type de codification qui est conduite par l'autorité, qui entérine le travail d'une commission d'experts en droit, il existe une codification éditoriale qui n'a pas de valeur du point de vue du droit mais qui permet, à tout le moins, aux juges, aux praticiens de droit, aux enseignants universitaires et aux étudiants en droit, de mieux se retrouver dans la profusion de textes qui n'ont connu aucune rénovation. Toutefois, on peut observer que les textes d'origine régissant certains domaines, telle la législation applicable à la commune ou à la wilaya sont bien dénommés codes dans leur version initiale issue, pour l'une de l'ordonnance 67-24 du 18 janvier 1967, et, pour l'autre de l'ordonnance 69-38 du 23 mai 1969. Cela s'explique par le fait que l'un et l'autre de ces deux codes faisaient œuvre de législation typiquement algérienne, qui se devait de remplacer rapidement les anciens textes de la puissance occupante. Si on veut, certaines lois, voire ordonnances, appelées codes pour la circonstance devaient marquer le recouvrement de la souveraineté du peuple algérien et donner ainsi le point de départ d'un nouvel ordre légal et le point d'appui de nouvelles institutions nationales. Il était donc fort normal, que les deux ordonnances citées plus haut soient éligibles au concept de code, en ce qu'ils condensaient, sur le moment, toutes les dispositions existantes qui pouvaient concerner, d'une manière ou d'une autre, soit la commune, soit la wilaya. Signalons pour ceux que ça intéresse, que certains domaines sont systématiquement régis par des codes, à l'instar des codes fiscaux qui enregistrent automatiquement des ajouts, des modifications ou des suppressions au fur et à mesure des lois de finances qui s'enchainent d'année en année. Par contre, on note que les codes intéressant la justice, n'ont pas enregistré des mises à jour depuis très longtemps malgré les apports à foison qu'à connu ce secteur. I-Les collectivités locales à travers le temps 1-les collectivités locales du temps de la colonisation jusqu'à l'indépendance et plus L'organisation territoriale de l'Algérie n'est pas venue de nulle part. Elle est le fruit d'une histoire coloniale très chahutée, qui par soubresauts violents a accompagné l'organisation administrative et la mise en place des institutions de « l'Algérie française ». Jusqu'à tard après l'indépendance, l'autorité souveraine a été obligée d'accepter un intermède forcé, si on peut dire, que représentait l'ordonnance 62-177 du 31 décembre 1962, portant reconduction de la législation en vigueur au 31 décembre 1962, sauf dans ses dispositions contraires à la souveraineté nationale algérienne. En conséquence, la commune et le département, ainsi dénommé en ce temps-là, se sont vus régis provisoirement par les lois françaises pendant un moment après l'indépendance. Les communes, ont connu pendant un long moment les avatars de la commune indigène, ensuite la commune mixte, pour enfin basculer dans le régime de la commune de plein exercice. Celle-ci est née de la loi du 28 septembre 1848, et s'est inspirée de la commune de plein exercice en vigueur en France. Ce modèle d'organisation communale s'est appliqué au début principalement aux zones où résidaient les colons européens. Le décret du 22 juin 1956 a supprimé les communes mixtes et généralisé le statut de commune de plein exercice à toutes les communes d'Algérie. De fait, la commune algérienne, celle du tell ou « de l'Algérie utile » d'abord s'est identifiée à la commune métropolitaine, régie notamment par la loi municipale de 1884. Il savoir que tous ces changements sont passés par plein de péripéties au cours desquelles la colonisation a fait œuvre d'expérimentations successives pour organiser le territoire à sa convenance. En premier lieu, le colonisateur a traité la question de façon différenciée, soit comme le voulaient les militaires, soit comme ce qui arrangeait les colons. On a vu ainsi les territoires du sud, annexés dès 1902, longtemps restés sous domination militaire avant de subir plusieurs séquences d'organisation qui ont fini par installer les communes mixtes en territoire militaire et plus tardivement dans les territoires civils. Après l'indépendance, la commune, tout en étant encore régie par la loi française, a été dotée d'un « conseil municipal » dont les membres étaient élus, sauf le maire lui-même. Peu de temps après, elles sont transformées en « délégations spéciales ». Bien en entendu, et en raison même de sa dénomination, on était loin de ce que pouvait signifier la décentralisation. Sur le moment, il n'était pas envisageable de doter cette structure de pouvoirs propres compte tenu du sous encadrement qui a suivi le départ massif des fonctionnaires communaux français et étrangers vers la métropole après l'indépendance du pays. Concernant les départements, ils étaient d'abord au nombre de trois, soit Alger, Oran et Constantine et étaient régis par une loi française de 1871. En 1955, et en raison de la croissance démographique et pour mieux contrôler le territoire l'occupant augmente leur nombre à douze. A l'indépendance ils conserveront l'appellation de « département », même si dans un premier temps ils constituaient de simples divisions administratives. Cette départementalisation va perdurer sous cette dénomination jusqu'en 1969, année qui a vu la création des wilayas à la faveur de l'ordonnance 69-38 du 23 mai 1969. Il faut reconnaitre que les autorités de l'époque n'ont pas attendu cette date pour entreprendre de réformer les structures héritées de la période coloniale. Avant même la création des wilayas, le préfet, ou l'actuel wali, a été rapidement investi par l'ordonnance du 9 août 1962 de toutes les responsabilités qui incombaient au département. Ce haut fonctionnaire, véritable proconsul de la république, s'est substitué dans la foulée au Conseil général et s'est adjoint une « commission économique et sociale » dont les membres étaient en partie nommés par lui-même. Cette commission avait un simple rôle consultatif, qui n'évoluera pas davantage sous l'appellation de « l'Assemblée départementale économique et sociale » (ADES), créée en vertu de l'ordonnance du 19 octobre 1967. Ce rappel, succinct il faut le dire, au sujet des formes d'organisation du pays avant 1962, était plus moins nécessaire pour comprendre l'état d'esprit qui a prévalu lors de la mise en place de l'organisation territoriale après l'indépendance. 2-les collectivité locales postindépendance dans les différentes Constitutions et textes assimilés 2.1. La Constitution de 1963, seule et unique Constituante A voir de près, cette Constitution s'intéresse très peu aux collectivités locales et encore moins aux pouvoirs qu'il fallait leur consentir. Seul l'article 9 y fait allusion, un peu elliptiquement, en déclarant « la République comprend les collectivités administratives dont l'étendue et attributions sont fixées par la loi » et, il ajoute « la collectivité territoriale, administrative, économique et sociale de base est la commune ». En fait, c'est très normal que dans le contexte de l'époque, la Constitution s'attache en priorité à formaliser les règles essentielles de l'organisation et du fonctionnement de l'Etat. L'autorité politique devait se donner le temps avant de penser à organiser les collectivités locales. Ceci dit, on remarque que la Constitution du moment fait du FLN, parti unique, l'origine et la source du pouvoir de l'Etat, en tant qu'il représente la souveraineté nationale. C'est tellement vrai, que les règles d'organisation de l'Etat sont à peine évoquées. Le gouvernement lui-même est cité in absentia, comme étant le prolongement du pouvoir exécutif du président de la République, comme s'il n'a pas une existence propre, encore moins une existence politique. L'Etat lui-même est décrit comme un simple appareil à la disposition du FLN, parti d'avant-garde, au sujet duquel le préambule de la Constitution rapporte « (...) il base son organisation et ses structures sur le principe du centralisme démocratique (...). Il ajoute encore « les régimes présidentiels et parlementaires classiques ne peuvent garantir cette stabilité (celle des institutions), alors qu'un régime basé sur la prééminence du peuple souverain et du parti, peut l'assurer efficacement (...). L'article 24 proclame de son côté « le Front de Libération Nationale définit la politique de la nation et inspire l'action de l'Etat. Il contrôle l'action de l'Assemblée nationale et du gouvernement (...) ». Aussi, on ne peut que penser que le pouvoir exécutif du président lui-même a besoin du consentement du Parti pour s'exercer, même si le président est élu au suffrage universel direct et secret. De tout cela, on doit comprendre, à fortiori si on évoque le Programme de Tripoli de juin 1962, particulièrement dans une de ses son annexes, traitant des relations du Parti et de l'Etat, qui proclame sans ambages que c'est le Parti qui dirige, inspire et contrôle la politique de l'action de l'Etat, que l'Etat doit se mettre en réserve du parti, et que les membres disposant de l'autorité exécutive et les membres du Parti doivent fusionner, quand bien même les deux institutions doivent se séparer physiquement. 2.2. La Charte d'Alger d'avril 1964, considérée par ses concepteurs comme texte politique et juridique supérieur à la Constitution Sur la question de la souveraineté, la Charte d'Alger innove au point de mélanger les concepts. D'une part, elle déclare que le peuple exerce sa souveraineté par l'intermédiaire de ses représentants à l'Assemblée nationale, pendant que d'autre part, elle explique que le Parti FLN doit contrôler autant l'action gouvernementale que celle de l'Assemblée nationale. Contrôle qui va du choix des candidats à la députation, au contrôle des activités des députés, qui peut aller jusqu'à les déchoir de leur mandat. Plus loin encore, elle clame, qu'il est nécessaire de donner aux collectivités locales des pouvoirs réels pour qu'elles puissent mener et conduire le développement économique. Dans cette généreuse harangue, la Charte n'omet pas pour autant de préciser que le Conseil communal doit conduire, sous l'impulsion du Parti et de l'Etat, les tâches de construction en s'inscrivant dans l'option socialiste. 2.3. Proclamation du 19 juin 1965 L'ordonnance 65-182 du 10 juillet 1965, portant constitution du premier gouvernement de Houari Boumediene, ne va par quatre chemins pour affirmer que le Conseil de la Révolution est le dépositaire de l'autorité souveraine. Exit donc le mythe de la souveraineté populaire, ni directe, ce qui d'ailleurs n'était possible que du temps de l'Agora grecque, ni indirecte par le biais de l'Assemblée nationale. Au surplus, celle-ci acceptait son rôle de comparse en s'empressant même d'adresser une motion de soutien chaleureuse au Conseil de la Révolution, qui venait pourtant, de se substituer à elle comme source de la souveraineté nationale. De fait, la Proclamation du 19 juin rendait caduque la Constitution de 1963. 2.4. La Constitution de 1976, révisée en 1979,1980, et 1988 articulée à la Charte nationale du 5 juillet 1976, considérée comme texte à valeur supra-constitutionnelle Dans son article 7, cette Constitution, adoptée sous Boumediene, déclare que « l'Assemblée populaire communale est l'institution de base de l'Etat. Elle est « (...) l'assise fondamentale de la décentralisation ainsi que de la participation des masses populaires à la gestion des affaires publiques à tous les niveaux (...). Les articles 34, 35 et 36 mentionnent tour à tour, que « l'organisation de l'Etat est fondée sur la décentralisation (...), que « la décentralisation est basée sur une répartition judicieuse des pouvoirs (...), « Elle vise à donner aux collectivités locales les moyens humains et matériels et la responsabilité de promouvoir elles-mêmes le développement de leur région (...) » et enfin, que « les collectivités locales sont la commune et la wilaya et que la commune est la collectivité territoriale politique, administrative, économique, sociale et culturelle de base ». Cette Constitution n'omet pas également de rappeler qu'elle s'inscrit dans une démarche socialiste qui s'enracine dans la Charte nationale, qui reste son référent idéologique et politique. Plus loin encore et pour bien confirmer que l'option socialiste n'est pas négociable, elle ajoute que « dans leur composition, les assemblées populaires élues sont représentatives des forces socialistes de la révolution. La majorité au sein des assemblées élues est composée de travailleurs et de paysans (...) ». Les révisions constitutionnelles intervenues sous Chadli en 1979, 1980 et 1988, traitent essentiellement des modalités de dévolution du pouvoir en cas d'empêchement du Président de la République. Dans un deuxième temps, elle institue la Cour des comptes et en troisième intention, elle marque la frontière entre les pouvoirs du Président de la République et de son chef du gouvernement. Par contre, ce qui est remarquable, c'est que, pour la première fois, une Constitution mentionne que la souveraineté nationale appartient au peuple, qui peut l'exercer par voie de référendum ou par l'intermédiaire de ses représentants élus. 2.5. La Constitution révisée de février 1989 Beaucoup de gens pensent que la Constitution de février 1989 est en droit de se revendiquer comme Constitution originaire. En fait, et malgré sa totale rupture avec les textes constitutionnels antérieurs et en dépit même de toutes les innovations qu'elle a produites, tel le multipartisme, une plus grande affirmation des droits individuels et collectifs, le droit d'association et de réunion, la liberté de presse, l'égalité d'accès aux mandats publics et tout un corpus de règles tendant à promouvoir et protéger la démocratie, n'a pu accéder au label de Constitution originaire. Et dire que la Constitution de 1989 s'opposait frontalement aux constitutions qui l'ont précédé avec lesquelles elle avait très peu d'affinités. Certaines personnes, ont même suggéré, avec force raison, que la Constitution de 1989 soit déclarée comme point de départ de la deuxième République, non pas que depuis l'indépendance la nation aurait connu la féodalité, la monarchie, la royauté, ou l'empire, mais plus simplement parce que cette Constitution a marqué une telle rupture avec la situation institutionnelle d'avant, comme d'avoir mis fin à l'option socialiste, pourtant affirmée par les textes antérieurs comme horizon indépassable. Il n'y a pas besoin de surenchérir sur les dispositions de la Constitution de 1976, révisée en 1979, 1980 et 1988, car à regarder de près, elle n'a pas apporté de quoi la distinguer fondamentalement des précédentes constitutions. 2.6. La Constitution révisée de 1996, elle-même révisée en 2002, 2008, 2016 et 2020 La Constitution de 1996 ne dira pas plus que celle de 1976, révisée, au sujet des collectivités locales. Elle s'est juste contentée de déclarer que « les collectivités locales sont la commune et la wilaya. La commune est la collectivité de base (art. 15). Un peu plus loin, elle confirme ce qui a été dit antérieurement, à savoir que « l'Assemblée élue constitue l'assise de la décentralisation et le lieu d'exercice de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques (art.16) ». Ce qui fut sera et ce qui s'est fait se refera. Les versions de 2002 et 2008 énoncent certes des dispositions importantes mais elles ne traiteront pas de la thématique des collectivités locales. De son côté, la Constitution de 2016 reprend à son compte ce qui a été dit, à quelques variations près, par la Constitution de 1996. Concernant la Constitution de 2020, soit celle qui est en vigueur, et bien qu'elle ait procédé à une révision intégrale des Constitutions qui l'ont précédé, en allant bien au-delà d'un simple bouquet d'amendements modifiant, complétant ou abrogeant l'état constitutionnel antérieur, elle ne fait que récidiver sur la question des collectivités locales dans ses articles 17, 18 et 19. Ce faisant, elle emprunte quasiment les mêmes formules à la différence qu'elle mentionne pour la première fois le concept de déconcentration, pour l'accoler à la décentralisation, laissant comprendre que ces deux notions sont indissociables et doivent obligatoirement fonctionner en couple. 3- les retombées des textes constitutionnels et assimilés sur les collectivités locales Il faut convenir, qu'au tout début, la perspective tracée par la Constitution de 1963 et, celle encore de la Charte d'Alger et, tout autant la proclamation du 19 juin 1965, ne pouvaient pas impacter sérieusement le concept de collectivités locales. L'urgence était de construire l'Etat unitaire, qui fait que le chef de l'exécutif provisoire ou, un peu plus tard le président de la République devaient transiter par une période qui commandait d'installer et de fortifier un centre unique d'impulsion. Dans cette situation, ni la commune, ni le département issu du commencement de l'indépendance, ne pouvaient prétendre à des pouvoirs propres. Au mieux, ces collectivités ne pouvaient fonctionner que comme divisions administratives pour délimiter le territoire en vue de lui donner corps et constituer en même temps un cadre d'exercice du pouvoir central. On aura donc compris, qu'en ce temps-là, on ne pouvait s'attendre que la commune remplisse les conditions pour solliciter une quelconque autonomie, ou telle forme ou telle autre de la décentralisation. Ce qui l'était encre moins pour le département, devenu wilaya en 1969. Ce que devait faire l'Etat pour les collectivités locales, il l'a fait même en étant très centralisé. Il a promu et mis en place très vite des services territoriaux étatiques, longtemps appelés services extérieurs, puis plus tard services déconcentrés, qui existent encore aujourd'hui sous cette appellation. Ces services ont permis de faire fonctionner l'Etat au quotidien en prolongeant son action aux quatre coins du territoire, en y distribuant de façon optimale ses agents et ses fonctionnaires pour créer un réseau de services publics essentiels au plus près des citoyens. Tout cela, relève bien entendu de la pure déconcentration, pour ne pas dire de la centralisation, qui n'empêche pas de toute manière de déléguer le pouvoir de décision à des autorités inférieures ou à de simples agents qui sont plus proches du terrain. Cependant, celles-là ou ceux-ci sont strictement subordonnés à l'autorité centrale par un lien hiérarchique, qui en fait des représentants de l'Etat et qui agissent en son nom. D'ailleurs, les actes qu'ils prennent engagent la responsabilité de l'Etat (le préfet et les chefs d'arrondissement du moment, comme le wali actuellement, les chefs de daïra et les responsables des services déconcentrés). 4- les lois relatives à la commune et celles qui régissent la wilaya dans les textes 4.1. L'ordonnance du 18 janvier 1967, une séquence transitionnelle Selon son exposé des motifs, cette ordonnance se devait de se démarquer de la législation antérieure du colonisateur, ce qui bien entendu n'était ni aisé, ni rapidement faisable dans les circonstances du moment. En conséquence de quoi, et, ce qui est aussi le cas d'autres secteurs, l'autorité politique de ce temps-là a dû composer, ne voulant pas voulant, avec l'ordonnance 62-157 du 31 septembre 1962, déjà citée. Dans leur démarche, les rédacteurs de cette ordonnance ont considéré que c'était l'occasion de rompre même progressivement avec l'ancienne législation conçue avant tout dans l'intérêt des Européens. L'autre impératif, était de rendre la législation communale compatible avec l'option socialiste clairement revendiquée par la Charte d'octobre 1966, devenue le mot d'ordre du Conseil de la révolution. Aussi, l'exposé des motifs de l'ordonnance assigne à l'institution communale réhabilitée le rôle de « cellule de la nation, étant à la fois une unité insérée dans l'Etat et comme unité décentralisée (...) ». Il précise cependant que les organes communaux ont toute l'autorité nécessaire et répondent à l'exigence démocratique, de la collégialité et de l'élection ». On ne saurait mieux dire pour caractériser la décentralisation. Comme mesure phare, cette ordonnance a d'abord institué l'Assemblée populaire communale (APC) en remplacement des « délégations spéciales, » ayant elles-mêmes succédé au« Conseil municipal » hérité du colonisateur. Il est évident qu'on y trouve de nombreuses ressemblances avec le modèle colonial, sauf que, et il fallait s'y attendre, les délégués communaux sont élus sur une liste unique présentée par le Pati unique. Fait remarquable également, l'ordonnance réserve un titre entier aux opérations électorales comportant jusqu'à 45 articles. Elle y pourvoit avec un luxe de détails qui ne dépareraient pas des dispositions actuellement en vigueur. Ceci étant, cette ordonnance s'est même substituée au décret 63-306 du 20 août 1963 qui faisait office de code électoral adopté dans l'urgence au lendemain de l'indépendance. Le dispositif encadrait et donnait assise à un processus électoral sécurisé. Sur un autre plan, on constate aussi, que relativement aux modalités de fonctionnement de l'Assemblée communale, les articles 79 à 99 se confondent facilement avec les dispositions de l'espèce fixées par la loi communale en vigueur. N'y figurent pas cependant, et ça se comprend, les dispositions de l'article 19 de loi actuelle qui permettent à l'Assemblée de se réunir hors de son siège habituel en cas de force majeure. Pour le reste, comme pour le régime des délibérations, du statut des élus et de lexécutif communal, des attributions de l'Assemblée, de l'administration communale, de ses services publics de base, des modalités des marchés publics et des adjudications, de son régime financier et autres, tout est dit ou presque, de manière singulièrement agencée et particulièrement logique. On ne pouvait décemment, trouver à redire par rapport à une période qui se devait de faire un difficile apprentissage avec des moyens humains et matériels très limités. 4.2. La loi commune de 1990 Sur la forme, on peut observer que cette loi est mieux structurée, mieux organisée, ses chapitres mieux distribués que celle qui lui a succédé. Sur le fond cependant, on ne recense aucune disposition qui aurait pu se distinguer de l'ordonnance de 1967. 4.3. La loi communale 11-10 du 22 juin 2011, soit la loi actuelle 4.3.1. Comprendre la problématique de la commune algérienne L'article 18 de la Constitution en vigueur dispose que « les rapports entre l'Etat et les collectivités locales sont fondés sur les principes de décentralisation et de déconcentration ». Conjugué à l'article 3 de la loi 11-10, relative à la commune fixant que « la commune exerce ses prérogatives dans tous les domaines de compétence qui lui sont dévolus par la loi (...) », peut faire croire, à première vue, que la commune s'administre librement. En fait, les deux formules ne sont pas vraiment équivalentes. Il faut retenir simplement que la commune dispose de compétences qui sont déterminées par la loi et que celles-ci sont mises en œuvre sous la surveillance de l'Etat unitaire, dont elle fait partie en tant qu'institution administrative. Cela étant, la vraie question c'est de savoir si, à l'usage, cette liberté surveillée n'a pas écorné, voire restreint, au quotidien les pouvoirs, accordés aux élus. En fait, ceux-ci sont, le plus souvent et d'une manière ou d'une autre, tenus en laisse par des procédés ou par des comportements dilatoires qui vident de toute leur substance les dispositions affirmées par la loi, ou par la Constitution elle-même. Parmi ces procédés, il en est un qui relativise complètement le principe de la décentralisation : il s'agit du décret exécutif 16-320 du 31 décembre 2016, portant dispositions particulières applicables au secrétaire général de la commune. Ce texte a été présenté en son temps comme novateur et pouvant rationnaliser et moderniser l'activité des services communaux. On peut très bien comprendre que c'est une démarche qui protège le secrétaire général de la commune vis-à-vis de son environnement. Néanmoins, l'argument qui plaide que le secrétaire général de la commune soit nommé par décret dans les communes de plus de 100 000 habitants, ou dans les communes de la wilaya d'Alger, ou par arrêté du wali dans les communes dont la population est égale ou inférieure à 100 000 habitants, n'en reste pas moins une atteinte au principe de base de la décentralisation. C'est sûr que le secrétaire général de la commune, qu'importe le gabarit de la commune, mérite d'être classé et rémunéré dans les conditions qui le mettent à l'abri du besoin, cependant, il doit être nommé par le président de l'Assemblée communale (PAPC), pour la raison simple que le président de l'Assemblée doit être libre de choisir la personne qu'il considère comme étant la plus compétente ou la plus méritante pour occuper le poste de secrétaire général de la commune, sans oublier déjà que c'est d'abord un poste de confiance, dont le titulaire doit loyauté et fidélité au PAPC. Le secrétaire général de la commune reste et demeure un fonctionnaire qui bénéficie des protections renforcées du statut général de la fonction publique. Si le président de l'Assemblée le relève de son poste et qu'il estime que son éviction est discriminatoire ou manifestement abusive, il peut toujours en référer au juge administratif qui appréciera si la fin de fonctions dont celui-ci a fait l'objet n'est pas entachée d'un abus de pouvoir, auquel cas, même si la nomination à ce poste est considérée comme discrétionnaire, il pourrait prononcer sa réintégration à son poste. Au bout du compte, il faut comprendre que la faculté pour le PAPC de nommer lui-même son secrétaire général n'est que la conséquence non récusable de la démocratie. 5. Observations factuelles au sujet de la loi communale 11-10 du 22 juin 2021 a) au sujet de l'élection du président de l'Assemblée populaire communale (APC) Le nouveau mode d'élection du président de l'Assemblée populaire communale a été remplacé à nouveau par l'ordonnance 21-13 du 31 aout 2021, modifiant et complétant la loi 11-10 susmentionnée. On peut y lire à cet effet, dans son article 4, modifiant l'article 65 de la loi 11-10 du 22 juin 2021 que « le candidat à l'élection à la présidence de l'Assemblée populaire communale, est présenté parmi la liste ayant obtenu la majorité absolue des sièges (...) ». A chacun son point de vue, néanmoins on peut craindre, ce qui s'est produit maintes fois dans l'histoire récente de la commune algérienne, que ce mode de désignation du président de l'Assemblée populaire communale, qui privilégie la liste ayant obtenu la majorité des sièges, a vocation à transformer l'Assemblée communale en un bloc monolithique qui isolera les listes minoritaires et les privera du moindre poste de responsabilité. Il en va de membre de l'exécutif, comme de président de commission. Le président de l'Assemblée communale, issu d'une liste majoritaire, aura tendance lui et les autres élus de sa liste à confisquer le pouvoir à leur profit et au profit des leurs, ce qui ne manquera pas par ailleurs d'entrainer les élus des listes minoritaires de perturber le fonctionnement de l'Assemblée, voire de la boycotter. b) au sujet de la clause générale de compétence de la commune La remarque a trait au titre II de la deuxième partie de la loi au sujet des compétences de la commune. A lire la très longue liste, totalement indiscriminée, des compétences de la commune, on est prédisposé à tirer la conséquence que celle-ci jouirait de l'omni compétence, ce que les juristes appellent la clause générale de compétences. Dans la réalité de tous les jours, cette clause n'est que pure illusion car elle repose sur un présupposé qui donne à croire que la commune est en capacité de répondre, avec ses seuls moyens, aux besoins de ses citoyens. En fait, c'est une vaine hypothèse qui suggère qu'il est faisable de déterminer ce que sont les « affaires locales » et que, ces affaires ne peuvent être que de la compétence de la commune. Par ce raisonnement, on oublie que nombre d'affaires, dites locales ou qui s'expriment localement, sont en fait de la responsabilité de l'Etat ou marginalement à la charge de la wilaya. Ce qu'il faut, c'est d'en finir avec ce mythe de vocation générale de la commune pour lui substituer un dispositif qui garantirait un bloc de compétences attribuable et gérable par niveau institutionnel, Etat, wilaya et commune. Les secteurs du sport, de la jeunesse et de la culture offrent deux exemples typiques dont les prérogatives s'enchevêtrent avec celles de la commune, qui demandent une clarification, voire une sanctuarisation des attributions de chacun de ces secteurs, même s'il peut advenir qu'ils peuvent être amenés à coopérer momentanément lors de situations exceptionnelles. Aussi, la commune n'a que faire de la généreuse clause générale de compétence qu'elle ne peut assumer. Il lui faudra plutôt une compétence d'attribution, qui séparera et déterminera nettement ses domaines d'intervention par rapport à ceux des services déconcentrés. Le problème sera encore plus marqué si demain la wilaya accède à un statut avéré et authentique d'institution décentralisée. c) au sujet du contrôle de légalité On aurait pu lire et dire que la commune est protégée jusqu'à un certain point par les articles 56 à 58, lesquels semblent baliser à vue d'œil un circuit vertueux de nature à préserver celle-ci des dépassements inhérents à un contrôle de légalité, qui bien souvent excède les limites auxquelles il doit s'astreindre. De prime abord, il faut reconnaitre que le dispositif est bien réfléchi et qu'il protège, formellement en tout cas, les intérêts de l'Assemblée communale au moyen d'un mécanisme de validation des délibérations et des actes des communes, dont les garanties semblent avoir été parfaitement étudiées et raisonnées. Mais très fâcheusement, ce dispositif a été dévoyé au fil du temps, non pas délibérément par l'autorité, mais surtout par les agissements de fonctionnaires, qui pourraient être de simples agents, s'appropriant mentalement le personnage du wali pour exercer un contrôle sur l'Assemblée communale qui confine à la tutelle au sens civil du terme. Certains de ces fonctionnaires, croient même qu'en faisant cela, ils protègent les élus qui ne savent pas s'acquitter de leurs missions et qui ne sont pas très respectueux de l'intérêt général. Au bout du compte, par leur façon d'agir, même s'il ce n'est pas intentionnel, ces vérificateurs contribuent, sans le vouloir certainement, en viennent à rogner sévèrement sur la liberté d'action de la commune. En vérité, ce comportement, vient du fait que ces collaborateurs-contrôleurs se projettent et s'identifient à leurs chefs, à tel point qu'ils ont fini par être définitivement conditionnés pour agir comme il le font, c'est-à-dire sans aucune mesure et ne concevant pas que les élus n'ont de comptes à rendre qu'à la loi et aux règlements de la République. Ce qui n'exclue pas que lorsque le président d'APC agit en qualité d'agent de l'Etat, il doit bien évidemment déférer sans renâcler aux instructions, voire aux injonctions du wali ou du chef de daïra. d) au sujet du dispositif de validation des délibérations et des actes des communes Notre analyse portera ici sur les dispositions des articles 56, 57 et 58 de la loi communale, se rapportant au « régime de délibération », pour ainsi dire aux modalités de leur validation. Ce panel d'article est au cœur des relations de l'Assemblée communale avec le wali. Il faut dire que le législateur a fait le maximum pour « flécher » et mettre en place un circuit strictement délimité qui engagent la responsabilité des deux partes, wali et Assemblée communale. Tout cela est bien dit et ne prête pas a priori à une quelconque difficulté pour que l'Assemblée communale puisse « s'arrimer » au dispositif. Celui-ci prévoit que si celle-ci, n'ayant pas reçu de réponse de la part du wali au sujet d'une délibération ou d'un acte, après un délai de vingt et un (21) jours (article 56) ou de trente (30) jours, selon le cas, (on doit comprendre que le temps de passage par la daïra est compris dans ces délais) l'Assemblée est habilitée à exécuter de plein droit la délibération ou l'acte soumis au contrôle. C'est facile à dire, mais le problème, il en va ainsi du contentieux judiciaire, c'est de pouvoir prouver que les délais cités ci-dessus ont bien été respectés. Aussi, le mieux serait d'envisager que la wilaya, ou la daïra comme relai de celle-ci, doit délivrer un accusé de réception, du genre de l'accusé postal, via un bureau dédié, rattaché au service de l'animation locale. On pourrait imaginer qu'un préposé serait affecté à plein temps à cette unique tâche. Son rôle serait de réceptionner tout courrier comportant délibération ou acte soumis au contrôle de légalité, de mentionner la date de remise du bordereau, d'apposer cachet et signature sur le ledit bordereau, de remettre le double de celui-ci ainsi renseigné au fonctionnaire communal, dûment habilité pour effectuer cette formalité. Le président de l'Assemblée communale, pourrait donc s'en prévaloir, sous sa responsabilité, d'avoir respecté les délais légaux. Il en remettra copie, selon le cas, du bordereau de transmission excédant les délais légaux, au contrôleur financier ou au trésorier communal, qui seront par ce fait dégagés de toute responsabilité, sauf du contrôle qui leur incombe, par lequel ils restent liés. D'aucuns trouveraient à dire que c'est extravagant. C'est à voir et à étudier. Si ce n'est pas de cette façon qu'il faut opérer, il faut trouver une parade qui devra contenir le comportement exorbitant des services du contrôle de la wilaya et plus sûrement ceux de la daïra, agissant sur délégation du wali, qui, par méconnaissance ou par mauvaise compréhension ou interprétation des lois et règlements, sont enclins à tergiverser et à prendre du temps avant de statuer sur les délibérations et les actes des communes qui sont soumis pour contrôle de légalité. Il est une autre solution, qui exige cependant de convaincre le législateur d'accepter de remanier légèrement la loi communale, pour permettre au wali de ne pas sanctionner systématiquement les actes communaux, en proposant plutôt à l'Assemblée communale, par simple courrier, de retirer les actes qui seraient manifestement irréguliers, soit en les annulant, soit en les rectifiant, si tant est qu'ils soient rectifiables. Cette démarche suspendra évidemment les délais tout le long de la tentative informelle entreprise par le wali. Cette approche serait certainement de nature à établir une relation de confiance entre les deux parties. Si, par contre, cette relation n'aboutit pas parce que l'APC refuse ou tarde d'y souscrire, le wali pourra se rétracter et appliquer les délais en vigueur depuis le commencement. e) les pouvoirs de police administrative du président d'APC * de son pouvoir de police administrative générale Ce pouvoir résulte des articles 88 et 89 de la loi communale. Il s'agit de dispositions classiques qui confèrent au président d'APC le pouvoir, voire l'obligation, d'assurer sous le contrôle du wali, l'ordre public. Il y va du bon ordre, de la sûreté, de la tranquillité et de la salubrité publique sur tout le territoire de la commune. Bien évidemment cette liste est loin d'être exhaustive. Elle peut même aller jusqu'à inclure la commodité de passage dans les rues (nos rues montrent à quel point elles en souffrent et font souffrir les passants), les rixes, les disputes, la prévention des accidents, le contrôle des rassemblements publics, la lutte contre les nuisances etc. Le problème, c'est que tout cela n'est que fiction tant que le président d'APC ne dispose pas une police communale. L'article 93 de la loi communale en convient sans détour, en fixant que « pour la mise en œuvre de ses prérogatives de police administrative, le président d'APC dispose d'un corps de police communale (...) ». De nos jours, on a surtout besoin d'une police communale formée aux métiers de la police et dont les agents reçoivent une formation dans les instituts ou les écoles relevant de la police nationale, en attendant que des écoles leurs soient distinctement destinées. Assurément, on peut très bien concevoir que les grandes villes, ou les villes chefs-lieux de wilaya, restent sous régime exclusif de la police d'Etat en zone urbaine et sous régime gendarmerie nationale en zone rurale. En revanche, il n'est pas contestable que dans villes de moyenne population et dans les petites communes, l'action de la police communale serait plus appropriée et même plus légitime. La police communale aura l'avantage de mieux connaitre le terrain, voire l'état d'esprit et la mentalité des populations. On peut prévoir aussi qu'il serait logique et approprié que le statut de la police communale confère aux agents de la police communale la qualité d'adjoint ou d'agent de la police judiciaire, de telle sorte que dans certaines situations particulières, l'adjoint ou l'agent de police communale, intervenant dans un contexte de police administrative, puisse opérer en même temps en tant qu'assistant de police judiciaire, si l'infraction en cours évolue vers une qualification pénale. Auquel cas, l'agent de police communale entreprend les mesures d'urgence de police judiciaire avant de se dessaisir de l'affaire et la confier à un officier de police judiciaire. |
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