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La nouvelle crise du gaz en Europe est-elle une aubaine pour l'Algérie ?  A moins d'un nouveau Hassi R'mel...

par M. Saâdoune

Les malheurs des uns font le bonheur des autres. L'adage est peut-être vrai, mais à condition d'avoir les capacités de saisir l'opportunité.

Dans la crise russo-ukrainienne du gaz et ses conséquences immédiates et durables sur les livraisons à l'Europe, on se pose immédiatement la question si l'Algérie est en mesure d'en profiter et donc d'accroître ses parts de marché. La question est légitime, Sonatrach et Gazprom, en dépit des convergences qu'ils peuvent avoir, sont, dans l'absolu, dans une logique de concurrence sur le marché européen. La réponse dépend d'une donnée concrète : Sonatrach dispose-t-elle d'une capacité d'offre supplémentaire de gaz à mettre sur le marché ? A l'évidence et au vu des données disponibles, si cette offre existe, elle reste très limitée. Si Gassi Touil n'avait pas connu les retards que l'on sait et qui a conduit à la rupture du contrat liant Sonatrach au consortium, il y aurait eu une offre à dégager pour venir au secours du marché européen. Mais le fait est là, en attendant Gassi Touil et, peut-être des découvertes de gisements substantiels, l'offre algérienne en gaz n'est pas extensible. Chakib Khelil l'admet implicitement en indiquant que l'Algérie était prête à augmenter ses quantités de gaz livrées à ses partenaires européens si les contrats gaziers qui la lient à ces derniers le permettent. En d'autres termes, les quantités fixées dans les contrats constituent une limite au-delà de laquelle Sonatrach ne peut aller. «Nous avons des contrats à long terme qui nous lient à nos différents partenaires en Europe, (...) nous pouvons augmenter les quantités livrées à ces partenaires si les contrats le permettent», a déclaré le ministre de l'Energie, à l'issue d'un entretien avec la ministre néerlandaise des Affaires économiques, Mme Maria Van Der Hoeven, en visite de travail de deux jours en Algérie.



La consommation locale va doubler...

 

Mais «si les contrats ne le permettent pas, nous ne pouvons augmenter notre approvisionnement», a-t-il ajouté. On peut en conclure que les quantités, y compris additionnelles, prévues dans les contrats tiennent compte des capacités algériennes de livraison.

Sonatrach ne pouvant s'engager sur des livraisons qu'elle ne peut faire. C'est en soi une indication sur le fait que l'Algérie n'est pas en mesure dans l'immédiat et sans doute à moyen terme de compenser les défaillances éventuelles, volontaires ou subies, d'approvisionnements venant de Russie. Le ministre algérien a donné raison aux Russes en estimant que le problème posé actuellement sur le prix du gaz livré à l'Ukraine est «commercial et non pas politique». Il a fait, à cet effet, le parallèle avec le contentieux de l'Algérie sur le prix du gaz avec l'Espagne. Il a ajouté, dans ce qui peut passer comme une pique à l'adresse de la Russie, que le différend sur le prix du gaz avec l'Espagne ne constituera jamais une «raison pour l'Algérie de couper ses livraisons de gaz à l'Espagne». L'occasion est en effet tentante pour démontrer, au coeur de la crise actuelle, la fiabilité de l'Algérie en tant que fournisseur de gaz à l'Union européenne. Il est vrai que l'Algérie, reliée désormais par plusieurs tuyaux à l'Europe, n'a pas connu dans ses relations avec les partenaires européens des crises similaires avec ce qui se passe pour le gaz russe. Contrairement à la Russie, l'Algérie n'a pas eu des problèmes significatifs avec les pays de transit des gazoducs (Tunisie, Maroc) et les approvisionnements n'ont jamais remis en cause, sauf dans les cas d'accident. Il reste que son offre, à moins de grosses découvertes, restent limitée. Elle le sera d'autant plus que la consommation nationale du gaz doublera d'ici 2017, selon les dernières prévisions rendues publiques par la Commission de régulation de l'électricité et du gaz (CREG). Ainsi donc, la consommation locale pourrait se situer entre 50 et 65 milliards de m3. Une part de plus en plus grande de gaz va donc être destinée à la consommation nationale - outre l'accroissement de la consommation des résidents, de nombreux investissements industriels vont solliciter des quantités de plus en plus grandes de gaz - au détriment de l'exportation. Il n'y a donc pas, dans les limites de la production actuelle du pays, une capacité de forte extension de l'offre algérienne sur les marchés extérieurs. La nouvelle crise pourrait convaincre -et ce serait très positif - une Europe, encore réticente, de l'intérêt à participer au financement du gazoduc entre le Nigeria et l'Algérie...

En clair, notre capacité à profiter de la crise est faible. A moins, bien sûr, que le généreux Sahara ne nous fasse la divine surprise d'un autre Hassi R'mel. Ou de plusieurs...