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21énième anniversaire de la disparition du Commandant Ben Ahmed Mohamed dit Moussa Mourad: De la bataille d'Aflou à l'alerte politique : l'héritage vivant de Moussa Mourad

par Salah Lakoues

Il avait mis en garde Bouteflika : 21 ans après, l'appel de Moussa Mourad résonne encore

Hommage national au Commandant Ben Ahmed Mohamed, héros de la Révolution et conscience oubliée de la République.

Vingt et un ans après sa disparition, la mémoire du Commandant Ben Ahmed Mohamed, plus connu sous son nom de guerre Moussa Mourad, reste vivace dans le cœur des Algériens. Héros de la guerre de Libération, stratège redouté, patriote intransigeant, il fut aussi une voix lucide qui, avant sa mort en 2004, osa avertir le président Abdelaziz Bouteflika contre les prémices d'une dérive du pouvoir.

Son nom est désormais gravé dans la pierre : l'université d'Oran et le centre des congrès de la ville portent son nom. Mais pour beaucoup, son héritage dépasse ces honneurs symboliques : il incarne la fidélité aux idéaux du 1er Novembre, à une Algérie libre, juste et souveraine.

Commandant de l'ALN dans la région d'Aflou, il s'était illustré, en 1956, lors de la bataille du djebel Amour, infligeant des pertes considérables aux troupes coloniales françaises. Cette victoire militaire fut suivie d'un drame personnel d'une cruauté inqualifiable : en représailles, l'armée française assassina sa fille, Fatima Zahra, âgée de seulement 11 ans. Une tragédie qui marquera à jamais l'homme, sans jamais affaiblir sa détermination ni son engagement pour la patrie.

Jusqu'à la fin de sa vie, le Commandant Moussa Mourad est resté fidèle à ses convictions. Malgré la maladie, il observa avec inquiétude l'évolution politique du pays. Ses mises en garde, discrètes mais fermes, adressées au chef de l'État d'alors, dénonçaient les signes d'un pouvoir personnel et les risques de dérive autoritaire. Des avertissements qui, à l'époque, furent peu entendus, mais qui aujourd'hui prennent un relief particulier.

Tous saluent la mémoire d'un homme dont la vie fut un sacrifice permanent pour l'Algérie, de la guerre à l'indépendance, de la victoire au devoir de vigilance. Moussa Mourad n'est pas seulement un héros de guerre. Il est le symbole d'un patriotisme éclairé, d'un courage politique rare, et d'un amour indéfectible pour une Algérie qu'il a servie jusqu'au bout, quitte à en payer le prix le plus lourd.

Le Chant éternel d'une âme rebelle

Sous le ciel enfiévré d'Oran, là où la mer murmure aux dunes les secrets des temps anciens, naquit un jour un enfant destiné à faire vibrer les cordes de la liberté. Le 2 juillet 1920, dans le tumulte des vents et l'éclat des premières lueurs, un destin se dessinait pour Mohamed Ben Ahmed, futur Commandant Moussa, porteur d'un nom de guerre qui, tel un astre, viendrait illuminer l'obscurité d'une époque tourmentée.

L'Éveil de la flamme

Issu d'une famille oranaise prospère, jeune Mohamed sentit, dès son premier regard posé sur l'horizon, l'appel irrésistible d'un idéal plus grand que lui-même. Comme une étoile filante traversant la nuit, son esprit s'enflamma aux feux sacrés de la justice et de la dignité. Entre les murs feutrés d'un lycée aux allures d'antre de savoir, il fut d'abord enseignant, avant de troquer sa plume contre le courage d'un combattant. Sa vie se transforma en un poème vibrant, où chaque vers était une incantation à la liberté.

La métamorphose du combattant

Les chemins de la lutte se mirent alors à s'ouvrir devant lui, tissés de rencontres et d'engagements passionnés. Imprégné par la sagesse des anciens – ceux qui, tels des phares dans la nuit, guidaient la barque des opprimés – il s'engagea dans les cercles du Djamaïat El-Oulama, où le verbe et l'esprit se liaient en une danse ardente de patriotisme. Comme le fleuve qui sculpte son lit dans la roche, il se fraya un passage dans le tumulte des révoltes, rejoignant, tour à tour, l'UDMA et le MTLD, avant de répondre à l'appel vibrant du soulèvement armé.

L'Apogée du maquis : Commandant Moussa

Sur les cimes escarpées du Djebel Amor, le destin se fit écho du fracas de ses pas. Le 2 octobre 1956, lors d'un combat où la terre semblait vibrer sous les tambours de la révolution, il se transforma en Commandant Moussa – un nom qui résonne comme un hymne dans le cœur des opprimés. Dans la pénombre des maquis, il orchestrât avec une virtuosité légendaire la symphonie de la résistance, redessinant les contours d'une wilaya meurtrie et d'un rêve insatiable de souveraineté.

L'Ombre et la Lumière d'un héros incompris

Pourtant, même le plus éclatant des astres se heurte aux ombres des faux prophètes du pouvoir. Refusant la soumission, le Commandant Moussa devint le héraut des idéaux indomptables. Son opposition intrépide aux dogmes socialistes imposés, son insoumission face aux tyrannies post-indépendance, firent de lui un exilé dans son propre pays, un héros parfois oublié par les plumes qui préfèrent la facilité des faux récits. Incarcéré puis libéré, son âme, telle une flamme vacillante mais jamais éteinte, continuait de danser dans l'ivresse de l'espérance et de la dignité retrouvée.

L'héritage d'une épopée

Au crépuscule d'une vie marquée par des combats épiques et des sacrifices incommensurables, le Commandant Moussa laissa derrière lui un sillage de lumière. Lorsqu'en 2004, son souffle s'éteignit à Oran, ce fut comme le dernier battement d'un tambour de guerre qui annonçait la fin d'une ère. Pourtant, l'écho de son courage, la musique de ses idéaux, résonne encore dans le cœur de ceux qui rêvent d'un monde régi par la justice et la liberté. Son histoire se transforme en légende, un conte euphorique et métaphorique qui transcende le temps et invite chaque génération à redécouvrir le prix de la dignité et du combat.

Ainsi se tisse la trame d'une vie hors du commun, celle d'un homme dont le nom, murmuré par le vent et gravé dans les étoiles, demeure l'incarnation même de la résistance et de l'espérance. Commandant Ben Ahmed Mohamed, dit Moussa Mourad, reste à jamais le poète guerrier d'une Algérie souveraine, une muse pour les âmes en quête de vérité et de grandeur.

L'âme de fer et l'esprit éveillé

Dans le tumulte des révolutions, alors que les vents du changement soufflaient avec fureur sur les camps de l'ALN au Maroc et en Tunisie, se dressait un homme à la poigne de fer et à l'intelligence éclatante. Son regard pénétrant, capable de déchiffrer l'invisible, en faisait le chef incontesté de l'ordre au sein d'un maquis enflammé, où la discipline et la passion s'entremêlaient en une danse héroïque.

L'art de restaurer l'ordre dans la tempête

Désigné par l'état-major de l'Armée de Libération nationale pour mettre de l'ordre dans les camps, il insufflait à ses compagnons l'assurance d'un avenir lumineux. Sa maison, véritable carrefour des esprits éclairés, devenait le refuge des personnalités politiques en quête d'inspiration. Ici, sur fond de discussions passionnées et d'analyses affûtées, chaque échange était une source d'idées nouvelles, un baume pour les âmes en lutte.

Le poids des choix et des oppositions

À l'approche de l'indépendance, dans l'effervescence des conflits internes entre le GPRA et ses dissidences, son destin prit une tournure décisive. Nommé chef d'état-major suite à la démission de Boumediene, dans la confusion générale qui régnait il refusa d'endosser ce rôle officiel, préférant rester fidèle à ses convictions. La divergence d'orientation le conduisit à une opposition résolue contre Boumediene et Ben Bella. Libéré après le coup d'État en 1966, il reçut alors une offre inattendue : celle du poste de ministre du Commerce, une proposition émanant d'un Boumediene pragmatique. Mais, fidèle à sa vision et soucieux de l'avenir de sa famille, il déclina, préférant consacrer son temps à l'éducation de ses enfants, transmettant ainsi l'héritage de ses valeurs et sa quête inébranlable de savoir.

La Bataille épique de Djebel Amor

Au cœur du tumulte guerrier, la légende se forgea lors de la bataille de Djebel Amor, dans la région d'Aflou. Ce combat titanesque, rapporté par des voix aussi prestigieuses que celles du quotidien ‘Le Monde' et du ‘New York Times', marqua à jamais l'histoire militaire. Plus d'un millier de vies furent fauchées du côté de l'armée française, tandis que les survivants, tant soldats qu'officiers, portaient en eux le souvenir gravé dans la pierre d'un affrontement qui frôla l'abîme de la mort. Nombreux furent ceux qui, ayant échappé aux griffes de l'anéantissement, s'inspirèrent de cette épopée pour écrire des livres, perpétuant la mémoire d'un duel aux accents légendaires.

Un héritage inaltérable

Ainsi, entre l'ordre rétabli dans la tourmente et les batailles mythiques, l'homme à poigne et à l'intelligence hors du commun reste le symbole d'une époque où la rigueur et la passion se confondaient pour forger le destin d'un peuple. Sa maison, sanctuaire d'idées et de débats, résonne encore des voix des esprits éclairés qui s'y sont rencontrés, et la légende de Djebel Amor continue d'inspirer ceux qui osent défier le cours de l'histoire. Par son refus des honneurs imposés et sa quête perpétuelle de vérité, il a su transformer chaque défi en une ode à la liberté, rappelant que, parfois, l'essence d'un héros réside autant dans ses choix personnels que dans ses exploits sur le champ de bataille. Ce récit, mêlant passion, métaphores et une verve euphorique, rend hommage à l'homme qui, par son intelligence et sa détermination, a su imposer l'ordre dans le chaos et faire vibrer les cordes de la liberté dans une époque tourmentée.