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L'Algérie vue du ciel !

par Cherif Ali

«Le tourisme n'est pas fait pour ceux qui ont la colonne vertébrale rigide ». (Président Tebboune)

Une phrase lourde de sens qui traduit parfaitement l'état d'esprit de l'Algérien qui a souvent du mal à se plier aux caprices de ses clients. Évoquant le sujet du tourisme lors de la 2e rencontre nationale avec les opérateurs économiques, tenue dernièrement au CIC d'Alger, le président de la République avait affirmé qu'«il n'y a pas de modèle unique sur lequel se baser, mais ce qui est sûr c'est que l'Etat soutiendra le tourisme à travers le bon accueil, la propret酻. « Si l'Algérie s'ouvrait au tourisme, ce serait bien pour ce pays, car il est mieux que le Maroc et la Tunisie réunis. Je rajouterai que j'ai visité plus de deux cents pays, je dois dire que pour moi, l'Algérie est le plus beau ! »

La déclaration est de Yann Arthus Bertrand. Reporter / photographe, auquel nous avons emprunté le titre de son documentaire sur l'Algérie et ses énormes potentialités touristique. Un éminent spécialiste en tourisme international l'affirmait : «Une destination touristique, en tant que produit national, se construit sur la durée, 10 à 20 ans (construction d'infrastructures adaptées, formation de personnel, campagnes promotionnelles ciblées, etc.)».

Dieu et la nature ont doté l'Algérie d'une richesse aussi variée qu'exceptionnelle, mais l'apport des hommes qui avaient la charge de promouvoir et de séduire les touristes n'était pas en rapport. Les Algériens qui avaient pris date, par exemple, avec la première déclaration du ministre du Tourisme sortant à la presse, ont été encore une fois déçus; ce responsable, à l'instar de ceux qui l'ont précédé, n'a rien entrepris pour dynamiser le tourisme algérien, l'un des moins performants au monde qui ne peut sortir la tête de l'eau en l'absence d'une réelle volonté politique de le libérer du carcan bureaucratique et juridique dans lequel on l'a enfermé.

Il a sa part de responsabilité, lui, qui, lors de son investiture, avait affirmé en bombant le torse : « Je ne ménagerai aucun effort pour redresser ce secteur vital et important en remédiant aux insuffisances».

Un ministre chasse l'autre et l'instabilité du secteur n'en finit pas, alors que le pays reste le même, dans ses constantes.

Plus de 2.148 km de bord de mer, selon l'ancienne ministre de l'Environnement et des Energies renouvelables, Fazia Dahlab, des montagnes boisées surplombant plusieurs vallées et même des cours d'eau, des sources minérales à ciel ouvert, dans le Sud et l'immensité saharienne, on trouve les ergs, les oasis et les parcs du Tassili du Hoggar; en amont, des installations touristiques louables mais franchement insuffisantes; en aval, une demande interne, de plus en plus croissante, de vacanciers, effectifs ou potentiels, aspirant à la détente ! Certes, le parc hôtelier a besoin d'argent pour son développement, comme il est nécessaire, aussi, de libérer le foncier pour permettre un maximum d'investissements, mais il a aussi besoin et surtout de se débarrasser de tous ceux qui font fuir les investisseurs, lassés d'être rackettés par des responsables beaucoup plus soucieux de leur avenir que de celui du tourisme national !

Depuis 1976, d'ailleurs, il n'y a eu qu'une seule véritable politique de tourisme qui accordait la priorité au tourisme interne en faveur des nationaux.

Depuis plusieurs décennies donc, il n'y a que des tentatives puériles et sporadiques qui n'ont pas produit de résultats probants.

Sur le terrain, les nationaux se plaignent de la médiocrité des services et les étrangers se sont raréfiés déjà bien avant 1991, début des années tragiques; quant aux émigrés, malgré l'accueil officiel et personnalisé qui leur est spécialement réservé, ils s'en retourneront lourdement chargés, mais néanmoins mécontents de n'avoir pas réussi à négocier au plus fort leurs euros au «black change» !

On a toujours parlé au ministère du Tourisme de lancer le tourisme ou de le relancer, et selon le point de vue de tel ou tel ministre, on vise en même temps, de satisfaire la demande interne et de nous ramener des devises, est-ce possible? Si un jour, on me confiait les rênes du ministère du Tourisme et de l'Artisanat, je commencerais par m'élever. Non par orgueil, mais pour voir plus loin. Je monterais haut, très haut, jusqu'à ce que l'Algérie se déploie sous mes yeux comme une carte vivante, immense et palpitante.

Vue du ciel, l'Algérie ne connaît ni frontières ni préjugés. Elle est vaste, belle, rugueuse. Elle respire. Elle attend.

Je la regarderais avec patience. Du bleu profond de la Méditerranée aux teintes fauves du Tassili, des ruelles de la Casbah aux oasis endormies de Timimoun, chaque fragment du pays me parlerait. Non comme un ministre à ses dossiers, mais comme un homme à sa terre. Et je comprendrais que le tourisme, ici, ne peut être un simple projet économique. Il doit être une traversée. Une découverte de soi dans le miroir du paysage.

Alors moi, ministre*, je refuserais les visions à courte vue !

Je ne bâtirais pas des hôtels sans âme, mais des ponts entre les peuples. Je ne vendrais pas une carte postale figée, mais une expérience sincère, une émotion durable. Je poserais les bases d'un tourisme humble, enraciné. Je ferais de nos routes des chemins d'éveil, de nos maisons d'hôtes des lieux de mémoire, de nos marchés artisanaux des galeries vivantes.

Je défendrais l'artisanat comme on défend une langue en voie de disparition : non par nostalgie, mais par conscience. Chaque tapis, chaque céramique, chaque broderie raconte une Algérie que les chiffres ignorent mais que les âmes reconnaissent. Je voudrais qu'on vienne chez nous non pour consommer, mais pour écouter. Observer. Respirer. Se laisser surprendre. Et pour cela, il faudrait du courage. De la constance. Une vision.

Vue du ciel, l'Algérie est un poème silencieux. Mais elle a besoin de voix pour être dite, de gestes pour être révélée, de regards pour être aimée. Et si je rêve, laissez-moi rêver avec la clarté de l'altitude. Car parfois, il faut prendre de la hauteur pour voir ce qui est juste.

L'Algérie vue du ciel évoque immédiatement la hauteur, la vision globale, presque une contemplation poétique du pays dans son ensemble.

Il suggère aussi un regard neuf, distancé mais amoureux, qui embrasse la totalité du territoire, ses contrastes, ses silences, ses promesses. Il contient surtout :

1. une dimension poétique, presque cinématographique,

2. une symbolique politique et personnelle, comme si on observait le pays dans son entièreté pour mieux le comprendre et le servir,

3. et un souffle littéraire, qui invite à la réflexion plus qu'à la consommation.

* Tourisme en Algérie : pourquoi ça bloque ? Cherif Ali

Quotidien d'Oran 04 juillet 2023.