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![]() ![]() ![]() ![]() L'Histoire est pleine de surprises. Elle est un va-et- vient incessant entre le présent et le passé, et le
retour à d'anciennes formes historiquesdans un
nouveau contexte. Le président Trump voit le futur
des Etats-Unis dans le mercantilisme, une théorie économique née au 16ème
siècle
Il est intéressant de constater comment l'histoire des idées suit l'Histoire éco nomique et sociale et les bouleverse ments politiques. La théorie mercan tiliste était née au 16ème siècle dans le contexte de la «découverte» de l'Amérique, celui du premier bond du commerce international, et l'afflux de métaux précieux or et argent qui en a résulté, notamment vers l'Espagne ce qui avait fait de celle-ci la première puissance mondiale. Les mercantilistes voyaient donc naturellement la richesse des nations dans l'accumulation de métaux précieux, l'or et l'argent, et donc dans un commerce international poursuivant cet objectif. Ils en déduisaient qu'une sage politique économique de l'Etat devait viser à un maximum d'exportations, et un minimum d'importation grâce à des barrières douanières, c'est-à-dire une politique protectionniste de l'économie. Ce protectionnisme aurait ainsi l'avantage de favoriser le développement de la production du pays, tout en augmentant les recettes de l'Etat. Les mercantilistes jugeaient donc que le monde était ainsi fait qu'une nation ne pouvait gagner que si l'autre perdait. Aujourd'hui le président Trump pense et veut faire exactement de même. Il veut protéger l'économie des Etats-Unis par des taxes douanières. Il reproche aux autres pays, notamment les plus développés, qu'ils soient amis ou non, d'avoir «profité» des Etats-Unis, d'avoir beaucoup exporté vers eux, mais d'en avoir peu importé. La Chine comme l'Europe se trouve l'objet des griefs des Etats-Unis. Il veut supprimer le déficit de la balance commerciale américaine, pour avoir un excédent commercial et liquider la dette extérieure abyssale de son pays de 32 000 milliards de dollars. On voit les Etats-Unis d'Amérique de Donald Trump revenir donc au mercantilisme aujourd'hui. L'Histoire ne serait-elle qu'un perpétuel recommencement? Pas tout à fait. Car entre-temps, il y a eu Smith et Ricardo, Marx, etc. qui ont démontré que la source des richesses était, non dans la sphère commerciale, mais dans la sphère productive des valeurs matérielles, et donc dans le travail humain. La fin de «la mondialisation heureuse» Les économistes classiques croyaient, au contraire des mercantilistes, aux vertus de la concurrence généralisée. Ils pensaient qu'une «main invisible», celle du marché, le régulait automatiquement. C'est donc toute une période historique qui est remise en question par Donald Trump, celle du libre-échange, celle du fameux slogan du «gagnant-gagnant», celle après la guerre froide de la «mondialisation heureuse». La concurrence, le libre-échange ont amené les pays précédemment développés à délocaliser leur production. Leur production réelle, matérielle, industrielle agricole a chuté progressivement. D'autres pays ont émergé puissamment économiquement dont notamment la Chine qui domine désormais le commerce mondial. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Si la pensée politique officielle économique des Etats-Unis retourne au mercantilisme, c'est que leurs échanges commerciaux leur sont devenus défavorables ou du moins ne leur permettent plus la domination mondiale, c'est que leur production matérielle agricole et industrielle est menacée par la concurrence et qu'elle demande à être protégée. La main invisible n'est apparemment plus là. Le mercantilisme est remis au goût du jour. Il devient l'idéologie officielle. Mais voyons cela de plus près. Le monde bascule Aujourd'hui»l'Occident collectif», ou ce qui en reste, ne sait plus où donner de la tête, face au choc du «trumpisme». Les grands médias, les partis politiques agréés, les think tanks, la multitude d'universitaires officiellement reconnus, celle des éditorialistes, des experts, de journalistes d'opinion, bref tout l'establishment, tout le système médiatico-politique, toute l'industrie de production et de reproduction de l'idéologie mainstream essaient de retrouver des repères, de retomber sur leurs pieds, de fournir des explications. Mais le problème pour eux, c'est qu'ils continuent d'évoluer dans les paradigmes de l'occidentalisme. Cette réflexion actuelle haletante, urgente, sur les causes de la crise est empêchée, freinée ou rendue impossible par le poids d'une idéologie qui se refuse à voir la fin de l'hégémonie occidentale et s'enferme dans le déni des nouvelles réalités mondiales ou le refus de les l'accepter. Il n'y a là aucun projet généreux, aucun projet de réforme du monde. Il n'y a que le projet de rétablir une domination occidentale perdue. Et il n'y a qu'un ressentiment envers les Etats-Unis coupables de vouloir construire leur puissance désormais sans eux, coupables de «trahison». En réalité, les choses sont beaucoup plus simples que les analyses compliquées et sophistiquées qu'on ne cesse de proposer à une opinion occidentale déboussolée par un divorce américain qui ne semble pas devoir se dérouler à l'amiable. Quand les Etats-Unis, à la sortie de la deuxième guerre mondiale représentaient la moitié du PIB mondial, ils étaient pour le libre-échange et tout l'Occident avec. Le dollar a suivi et a naturellement régné en maitre dans les échanges internationaux puisqu'il était la monnaie qui permettait l'accès à l'économie dominante et à l'achat de la plus grande quantité des marchandises manufacturées et de la technologie. Il est devenu la monnaie de réserve. Mais les choses ont évolué. L'économie des Etats-Unis représentait en 1960 40% du PIB mondial. Elle n'en représente plus que 18% en 2024 en parité de pouvoir d'achat (PPA), qui est en fait l'indicateur le plus représentatif de l'économie réelle car il élimine les biais des taux de change. En 1950, la Chine représentait 4,6% du PIB mondial en valeur nominale. En 2018, son PIB nominal (en dollars), selon certains classements (FMI), était déjà supérieur à celui des Etats-Unis: 25 270 milliards de dollars contre 20 494 milliards de dollars. Et en 2024 son PIB en PPA, 41 304 milliards de dollars, représentait presque le double de celui des USA, 25 362 milliards de dollars (selon le «World Economics») . En même temps, à la même date, le secteur industriel de la Chine représentait 39,5% de son PIB, tandis que celui des Etats-Unis n'en représentait que 19,5% et l'agriculture 1,1% ! Le G7, club des principaux pays occidentaux, qu'on disait «les plus riches», est passé d'un PIB nominal de 44,5% de la production mondiale en 1980 à 29% en 2022. Il y a la montée irrésistible des pays émergents .En 2024, le groupe des BRICS représentait 36% du PIB nominal mondial contre 20,9% pour le G7 (source «le Grand Continent.eu» ). Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le monde basculait. Le trumpisme, un nationalisme Le capital financier avait conçu une nouvelle division du travail en pensant ainsi diriger le monde à travers son pouvoir financier et les services de haute technologie, et en délocalisant les activités industrielle vers le monde non occidental. Ce fut d'abord les industries les plus polluantes puis peu à peu de larges pans du tissu industriel, par la logique même du marché et des mécanismes de la concurrence et du développement. Des pays comme la Chine, qui était entrée dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et donc dans le libre-échange, ont pris alors non seulement l'avantage industriel mais aussi technologique. La «mondialisation heureuse» a abouti alors, surprise des surprises, à la montée irrépressible des pays émergents et notamment de la Chine dans le commerce international et la production mondiale. La délocalisation a eu des effets pervers inattendus pour l'Occident, les pays occidentaux s'affaiblissant industriellement et donc économiquement et militairement dans le secteur de la production matérielle. Le conflit en Ukraine a accéléré un processus déjà largement entamé de perte d'hégémonie de l'Occident collectif. Il a rapproché politiquement et économiquement la Chine et la Russie, renforçant leur alliance stratégique. Il les a amenées à élargir le groupe des BRICS. Les sanctions économiques contre la Russie ont probablement non seulement échoué mais elles ont contribué à éloigner les Etats Unis de l'Europe occidentale jusqu'à en arriver à la crise voire la rupture actuelle. La guerre en Ukraine a joué un rôle révélateur. Elle a dévoilé les faiblesses de l'industrie de guerre occidentale en même temps que les causes de la résilience et des succès de la Russie face à la coalition occidentale, aussi bien sur le plan économique que militaire. Le mépris dont faisaient preuve les commentateurs occidentaux envers un PIB de la Russie, qu'ils disaient à peine «supérieur à celui de l'Espagne», ne leur permettait pas de comprendre les différences qui s'étaient creusées entre les économies basées essentiellement sur des services et celles de la production matérielle. L'industrie de guerre de la coalition contre la Russie des 30 Etats de l'OTAN, Etats-Unis donc compris, peinait à s'opposer à celle de la Russie. Le sort de la guerre était dès lors scellé à terme, s'il ne débouchait pas sur un affrontement nucléaire. C'est ce qu'a compris probablement le président Trump tout préoccupé de se libérer de cette guerre pour s'attaquer aux véritables raisons, selon lui, du déclin de la puissance américaine. Toute l'explication du trumpisme économique est là. Redonner aux Etats-Unis leur puissance, la prédominance économique, matérielle, industrielle et agricole qu'ils ont perdue. Le trumpisme est un nationalisme américain, un nationalisme de milliardaires mais un nationalisme, qui défend l'industrie automobile de Detroit comme l'agriculture du Midwest. C'est un nationalisme de droite, en cela qu'il n'a pas d'amis, pas de projet de démocratie internationale. «American First», tel est son slogan. Il n'est plus occidental. Seul compte les intérêts des Etats-Unis. Il va donc se heurter inévitablement aux forces de l'économie financière du libre-échange à tout crin, du mondialisme, et à leurs élites. Prochain article, jeudi 17 avril 2025 - «Le président Trump: nationalisme contre mondialisme». |
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