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![]() ![]() ![]() ![]() La
démocratie est une image, un modèle. Une image qui ne permet pas aux individus et
aux collectivités de s'approprier leur vie. Elle contribue à la brouiller dans
de nombreuses sociétés qui, dans le cours du monde, adoptent le modèle. Car de
la théorie à la pratique, il y a un hiatus originel.
Société de classes, démocratie et conquête Dans les sociétés éminentes, de souche guerrière, la démocratie légitimera une différenciation de classes par la conquête. Le rapport de la conquête nourrissant le compromis de classes, le peuple conquérant faisant de la démocratie le régime politique d'une société. La liberté faisant la guerre aux sociétés fermées, aux ennemis de son expansion. Les conquêtes instrumentalisant et justifiant l'expropriation sociale pour et par l'expropriation du monde et faisant faire corps à la société. Expropriation sociale et mondiale transformée en division du travail fructueuse. Le compromis de classes que réalise la démocratie s'effectue sur la base d'une expropriation et exploitation du monde. Les travailleurs privilégiés ne s'uniront pas aux travailleurs subalternes, dépossédés de leur travail. Ils seront membres d'une classe d'expropriés dans une société dominante, pas d'une classe d'expropriés dans une société dominée. Expropriés expropriateurs. Mais jusqu'où peut tenir ce compromis avec l'extension de l'expropriation du travail vivant par le travail mort ? Malédiction de l'énergie fossile qui chasse l'énergie en tant que bénédiction. La lutte des sociétés pour la monopolisation des ressources aura cessé d'être intra-européenne pour devenir mondiale. La formation des nations européennes est alors achevée, elles ne se disputent plus leur territoire, mais le monde. Les aristocraties et leurs bourgeoisies délaissent la lutte pour la formation et la domination de l'empire chrétien, elles déportent leur compétition sur l'arène mondiale pour la formation d'empires mondiaux. Aux guerres coloniales succéderont des guerres mondiales. Cette association paradoxale entre démocratie et dépossession dans les sociétés modernes repose ainsi sur une condition fondamentale : l'érection de la société dans le monde en société dominante. Dès lors qu'une telle position est menacée par la compétition mondiale, il faut repartir à sa conquête et revoir le compromis de classe. Voilà pourquoi ces sociétés de classes sont devant un dilemme : remise en cause de la dépossession interne ou guerre mondiale. Démonopolisation interne - la monopolisation interne ayant perdant sa légitimité sociale, ou remonopolisation externe par la violence pour refaire une légitimité sociale. La puissance militaire doit rebattre les cartes de la compétition économique. L'image de la démocratie, que l'on représente par une séparation des pouvoirs et des élections libres, est l'image d'une société idéale. Le spectacle du monde offre cependant de LA démocratie une image après laquelle on ne cesse pas de courir, une réalité qui s'éloigne au moment où l'on croit s'en être le plus rapproché. Tel est le cas pour les sociétés dominantes. Pour les sociétés dominées, la démocratie ne hante que le rêve des élites qui ne se gênent pas pour aller en jouir en dehors de chez elles. C'est que la séparation des pouvoirs opère ici sur un pouvoir réel, des pouvoirs de classes, et là, sur un pouvoir apparent, celui d'une société mal différenciée et mal régulée. Cette séparation est donc, dans un cas, une différenciation du pouvoir qui s'accroît, dans un autre, elle le diminue, étant sans prise avantageuse sur lui. La division des pouvoirs ne peut pas être multiplication, si elle n'est pas accroissement du pouvoir. La confusion des pouvoirs s'impose dans certaines sociétés parce que la multiplication des pouvoirs affaiblirait, brouillerait le pouvoir. La différenciation des pouvoirs (spécifiques) n'y est pas accroissement du pouvoir (global) et ne trouve pas sa voie. Les différents pouvoirs ne tiennent pas d'un seul pouvoir, ils ne différencient pas un pouvoir, qui reste indifférencié et se démultiplie pour s'inscrire dans le cours des choses comme pouvoir d'une société ou d'un peuple. Leur différenciation les exposerait à être dispersés par le cours des choses. Ce modèle, auquel on voudrait soumettre le réel, a été performant dans les sociétés qui l'ont vu naître et dans les sociétés aux cultures robustes qui ont pu l'internaliser. Elles ont pu transformer une séparation des pouvoirs, une différenciation multiplication des pouvoirs en division sociale du travail performante, en puissance globale. Il a été atomisant chez les sociétés aux cultures fragiles qui n'ont pu recomposer le pouvoir. Elles n'ont pas pu refaire corps après leur atomisation, refaire l'unité de leur pouvoir (politique, économique et social). De la pratique à la théorie et de la théorie à la pratique, toutes les sociétés n'accomplissent pas à partir du même point de départ ce cycle nécessaire à l'accumulation du savoir. Le modèle de la démocratie est inévitable dans un monde qui a été construit sur le modèle de l'État-nation. L'État-nation étant la nation en armes, la démocratie doit être son modèle. Les sociétés qui doivent débuter le cycle par la théorie le bouclent rarement. Elles doivent faire toujours violence à la pratique, elles réussissent rarement à avoir une bonne pratique de la théorie à partir de laquelle elles pourraient reprendre la théorie. L'imitation ne surpassera pas le modèle. Sans théorie de la pratique, sans le fil conducteur de la théorie, la pratique est condamnée à l'incohérence. Ces sociétés échouent ainsi à obtenir un fonctionnement régulier. Les sociétés aux cultures robustes ont réussi à se recomposer rapidement après avoir subi la violence de la théorie révolutionnaire qui les a décomposées. Défaites d'abord, les forces dispersées par le choc occidental, elles sortent du statu quo dans lequel elles étaient enfermées, leur donnant l'occasion de se recomposer dans un ordre de combat mieux adapté au cours des choses. L'imitation est surclassée. Quelqu'un disait que la culture est ce qui reste quand on a tout oublié. Elle est comme ce sol nu dans lequel la graine qui a été semée pousse, pourrit ou se dessèche. Capacité et liberté d'expérimentation Il n'y a pas une démocratie, mais des démocraties. Retenons la définition suivante : un gouvernement par le peuple et pour le peuple dont le gouvernement représentatif n'est qu'une formule particulière. La démocratie caractérise donc le fonctionnement institutionnel d'un peuple, d'une société composée d'individus qui s'autogouvernent. La démocratie est aussi plurielle que les peuples et sociétés du monde et leur fonctionnement. Un fonctionnement peut être harmonieux ou pas. Le peuple est composé d'individus, mais n'est pas une simple collection. La société non plus, si l'on se rappelle qu'elle n'est pas composée seulement par des préférences individuelles, mais aussi par des préférences collectives. Préférences qui gravent son fonctionnement. Posons-le pour dit : il n'y a pas de préférences individuelles là où il n'y a pas de préférences collectives. On ne préfère qu'en différant dans ce que l'on dispose. Il y a des préférences individuelles chez Robinson Crusoé, mais aussi naturelles que les offres de son milieu. Il ne pourra préférer que par les choix dont il dispose. Chez un individu vivant en société, il ne peut confectionner ses préférences qu'à partir des préférences collectives. La liste des produits qu'il veut obtenir dans un certain ordre, ne peut l'être que des biens de la liste collective, qui elle-même a été obtenue selon un certain ordre. Les deux ordres ne peuvent pas être incompatibles. Ordre qui ne dépend pas de la seule volonté, mais aussi de la disponibilité, de la facilité ou de la difficulté à obtenir ce qu'elle veut. Le vouloir n'a pas d'autre fin, sinon perverse, que d'accroître le pouvoir. Vouloir pouvoir, par cette association, la société s'identifie au cours des choses pour mieux en saisir les opportunités et accroître son pouvoir. Il n'y a pas de réelles différences entre peuple et société, ils constituent deux aspects d'une seule réalité, diffère cependant leur champ sémantique. Le peuple souligne la volonté collective, la société les libertés individuelles. Le peuple est société et la société tend à être peuple quand cela est nécessaire et possible. S'il n'y avait pas de peuple anglais « il n'y a pas de société » disait Margaret Thatcher en interne, pour mieux combattre les syndicats - pourquoi les Anglais auraient-ils choisi de quitter l'Union européenne ? Pourquoi les Anglais auraient-ils voulu différer des Européens ? Ils ont fait preuve d'une certaine volonté collective pour garantir des libertés individuelles à leurs yeux menacées. Une démocratie qui permet aux individus et aux collectivités de se réapproprier leur vie de par un fonctionnement autonome en prise sur le cours des choses, est une organisation sociale qui leur permet de faire face à leur destin, de l'accomplir et de l'assumer. Une telle organisation fait faire corps à la société, lui fait faire peuple dans le cours des choses. De manière générale, la société doit s'accorder au cours des choses, bon gré mal gré. En se réduisant au strict minimum ou de manière adéquate à son développement. Elle se fait et se défait, s'affaiblit ou se renforce, dans le cours des choses. Elle émerge avec et parmi d'autres sociétés. Ce qui importe pour elle, c'est de pouvoir toujours tirer avantage du cours des choses duquel elle tire son énergie et ses relations. Du cours des choses, il lui faut tirer l'énergie, sans laquelle elle ne pourrait transformer et se transformer. De son organisation dépend son rapport au cours des choses. Il n'y a pas d'organisation parfaite, mais des organisations adéquates au cours des choses, des organisations qui permettent aux sociétés de bien se porter dans le cours des choses, de vivre en bonne énergie avec lui pour être à la fois puissantes et résilientes. Il y a de bonnes et de mauvaises constructions sociales, en bonne ou en mauvaise intelligence avec le cours des choses. Les constructions émergent toujours du cours social. Ces constructions sont d'autant plus solides et élaborées qu'elles sont le fait de théories d'une longue pratique, le fruit d'une expérimentation permanente réussie. Le cours des choses offre au savoir d'une société l'énergie (et la matière) qui lui permet de se transformer en pouvoir dans le cours des choses. Bonne société Retirons l'exemplarité à la notion de société démocratique pour la confier à la notion de bonne société. Renonçons à l'idéal démocratique, pas seulement tel que représenté par le monde occidental. Il n'y a pas d'image presque parfaite d'une société, le gouvernement du peuple par le peuple se construit dans le cours des choses, il cherche la voie de sa puissance et de son harmonie. Une bonne société n'est donc pas un bateau ivre, c'est une société bien ancrée dans le cours des choses et disponible à l'égard du changement, des retournements de situation, qu'ils soient favorables ou défavorables. Un retournement n'excluant pas un retournement de retournement(s). Une bonne société peut être libre, peut s'accorder le comportement le moins contraint possible, l'expérimentation la plus large, parce que ce comportement libre se produit dans une structure que la liberté n'entamera pas, mais renforcera. L'expérimentation étant d'autant plus nécessaire que le cours des choses s'avère changeant de manière rapide. Une société libre est une société qui dispose d'une structure de base que l'expérimentation rend plus forte dans le cours des choses. Confondre la liberté avec celle de l'individu est trop superficiel. La liberté est expérimentation et encapacitation (empowerment). Si à force d'épreuves, une telle structure réussit à s'expliciter dans l'esprit d'une société, on peut alors se considérer en présence d'une société qui tient sa construction et peut garder son cap. Elle peut alors participer à sa réfection, l'adapter à ses objectifs et au cours des choses. Consciente de sa structure et de son comportement structurel, elle peut adopter au gré du cours des choses le comportement adéquat quant à son organisation. Une bonne société n'est donc pas simplement une société d'individus libres, c'est essentiellement une société capable d'expérimentation et d'innovation. C'est une société qui a su gérer son énergie, en garder suffisamment en réserve pour disposer d'un surplus qui lui permet d'expérimenter généreusement. Des libertés individuelles sans expérimentation sociale sont le signe d'une société perdant sa substance. L'avenir de l'automatisation Avec la séparation du savoir humain et de l'énergie humaine, la substitution de l'énergie fossile à l'énergie humaine et l'objectivation du savoir humain en automate non humain, la progression de l'automatisation a multiplié les automates non humains, a dévalorisé l'énergie humaine et a concentré le savoir humain entre les mains d'une minorité, séparant la majorité des êtres humains du savoir, transformant une partie d'entre eux en populations inutiles. L'automate cesse d'être humain et le complément qui le prolonge. L'automate non humain se substitue de plus en plus à l'automate humain, leur relation de complémentarité s'inverse. L'automate non humain devient le prolongement du détenteur du savoir humain séparé de l'énergie humaine, et l'automate humain le prolongement de l'automate non humain. L'automate non humain a déclassé celui humain dans l'exécution du savoir. Malédiction et bénédiction de l'énergie fossile. Avec la réduction de l'énergie fossile et la multiplication de l'énergie humaine libre, l'automatisation doit passer dans le procès de travail, de l'externalisation - la multiplication des automates non humains, à l'internalisation - la multiplication et la complexification des automates humains. Elle doit inverser la substitution du travail mort au travail vivant. Elle passera aussi et d'abord par la réduction de la consommation de masse (d'automates non humains) avant de toucher la puissance productive, le procès de travail. S'inversera par conséquent la substitution du travail salarié au travail domestique, la substitution des grandes entreprises aux petites et moyennes. On se place ici dans la perspective d'une transition pacifique qui n'a pas besoin de détruire les populations inutiles, mais de les convertir en forces qualifiées. Dans la chaîne alimentaire, l'humain, en tant qu'omnivore, se place au-dessus de toutes les espèces. Il a un rôle régulateur sur le développement des différentes espèces. La substitution des automates mécaniques et chimiques aux automates vivants a conduit à l'élimination de beaucoup d'espèces considérées comme antagoniques ou peu performantes. Au moment où il faudra user de moins d'énergie fossile, il faudra faire un meilleur usage de l'énergie solaire non plus seulement pour produire de l'électricité, mais pour intensifier la vie matérielle, celle de nombreuses espèces. L'industrialisation de l'agriculture, qui a fait de l'exploitation agricole une usine à l'image de l'usine industrielle, qui a chassé les populations du monde rural, devra s'inscrire dans des circuits plus courts, faire place à plus de travail vivant, naturel et humain. La société industrielle tire son énergie de celle fossile. De l'énergie humaine et animale, elle ne fait plus beaucoup cas. Elle ne tire plus sa value de l'énergie humaine, comme le croyait Karl Marx. De l'humain ne compte plus vraiment que le savoir objectivable en mesure d'user de cette énergie supérieure. Mais si cette énergie venait à faire défaut, que deviendrait le savoir qui ne peut plus être objectivé, que deviendra l'humain qui s'est départi de ses automatismes en faveur des automates mécaniques ? D'où proviendra la plus-value nécessaire à l'investissement requis par la transformation ? L'être humain pourra-t-il reprendre les automatismes qu'il a externalisés, les revoir pour les faire fonctionner avec son énergie et d'autres renouvelables ? La réversion du processus d'externalisation prendra-t-il le cours d'un processus d'internalisation sélectif à la suite d'une simplification du processus de travail et de régénération du travail vivant ? Quoiqu'il s'agisse d'un processus d'internalisation, on peut dire que tout ne sera pas internalisé et que ce qui sera internalisé ne visera pas à la reproduction du même, mais au développement des nouvelles énergies, et particulièrement celles qui permettront la régénération de la vie matérielle non marchande. On refera de la place alors au travail vivant, avec une réappropriation du savoir par le travail vivant. Entre les automates humains et non humains des échanges permanents. Au départ de l'industrialisation, ce sont les automates humains qui fournissent les modèles aux automates non humains ; avec l'explosion du savoir humain, ce sont désormais les automates non humains qui offrent aux humains les modèles à l'automatisation des comportements humains. La dichotomie entre humains et non humains empêche ceux qui en sont victimes les humains de s'identifier aux automates non humains desquels désormais ils ont beaucoup à apprendre. On s'étonne de la supériorité extrême-orientale en matière de travail, c'est que les rapports entre les automates humains et non humains y sont plus fluides. L'automatisation des comportements y a été poussée très tôt et sur une plus grande échelle à la différence des autres civilisations. Et l'absence de dichotomie entre humains et humains facilite l'identification des uns aux autres. Les sociétés industrielles, qui ont depuis quelques siècles substitué du travail mort au travail vivant, et donc du travail salarié au travail domestique, souffrent maintenant d'un déficit en énergie humaine. Elles peuvent disposer de celui des sociétés non industrialisées qui souffre d'un excédent d'énergie humaine. Dans celles-ci, la substitution du travail mort au travail vivant a détruit nettement plus d'emplois qu'elle n'en a créés au profit des sociétés industrialisées. Vouloir vivre comme les sociétés avancées a été le péché des sociétés postcoloniales. Elles ont abandonné leurs emplois en préférant les produits étrangers, renonçant ainsi à l'effort d'internaliser le savoir-faire mondial dans leur travail vivant. Empire, race et classe La démocratie dont l'Occident défend les institutions est l'organisation politique d'une société de classes qui vise à réaliser des compromis de classes au-delà de l'ethnie. Elle trône sur des luttes de classes mondiales. Promue théoriquement pour le bien du monde, mais pratiquement pour son propre intérêt, elle brouille les rapports sociaux des autres et entame leur compétitivité. Non seulement la démocratie importée n'est pas nécessaire au changement progressiste dans les sociétés non occidentales, elle peut même l'entraver en brouillant les rapports sociaux au lieu de les clarifier. La démocratie se transformant en instrument d'impuissantiation plutôt que de puissantiation. Mais elle est elle-même en crise, du fait qu'elle prétend être ce qu'elle ne peut plus être : une organisation de classes se prétendant le résultat d'une association d'individus libres. Elle cesse d'être une société ouverte aux libres associations. Le peuple reprend le pas sur la société, l'ethnie et les gens de souche sur la classe, l'ethnonationalisme sur le cosmopolitisme de classe, bref, la volonté collective sur les libertés individuelles. La démocratie libérale, société ouverte constituée d'individus s'associant librement, est une performance qu'elle n'a été en mesure de réaliser qu'avec sa capacité de soumettre les autres sociétés du monde. Avec l'ébranlement de cette domination mondiale, l'ethnie, que les classes avaient exclue de la compétition pour fabriquer une classe des travailleurs ouverte aux étrangers, refait son apparition pour reprendre en main l'association des individus. La démocratie libérale cède la place à la démocratie illibérale. L'Union européenne se découvre des relents d'Empire chrétien. Pour les sociétés occidentales qui sont menacées de relégation par la compétition mondiale, la régulation illibérale s'impose au système de gouvernement représentatif. Le resserrement ethnique du compromis de classe doit lui permettre de préserver ses capacités d'innovation adaptative en liquidant l'État social. La solidarité non marchande publique doit céder la place à une solidarité non marchande ethnique. Cette solidarité resserre le lien de classe, revoit le compromis de classe en même temps qu'il déclasse l'élément non ethnique. La révision du compromis de classe pouvant aller jusqu'à l'inversion du rapport de la classe et de l'ethnie. Le facteur emportant la décision étant la compétitivité. Ce qui se joue dans le conflit avec l'ancienne puissance coloniale n'est pas simplement politique, il est d'abord d'essence économique. La puissance militaire peut intervenir alors pour pallier la défaillance économique. La droitisation et l'illibéralisme de la société, avec la réduction de ses ressources, traduisent une fermeture de la société et une volonté de combat quant aux ressources mondiales. Avec la Russie et l'Ukraine se joue pour l'Union européenne et les États-Unis un rapport de forces entre consommateurs et producteurs de matières et d'énergie. Avec le Maroc, qui gère sa pauvreté et coopère avec les grandes entreprises françaises, la France concède des ressources et en obtient d'autres. L'ethnonationalisme est au cœur de la formation des nations européennes. En formation, il a défait l'empire chrétien. Il s'est consolidé dans la compétition mondiale et s'est logé au cœur de la formation des empires coloniaux. Les différentes ethnies européennes se sont drapées dans un universalisme sécularisé pour mieux s'agréger le monde. Autour d'un noyau ethnique préservé ont été agrégées des populations diverses. Le nazisme n'a été qu'une exacerbation d'un tel ethnonationalisme. L'impérialisation du monde sur le mode occidental est l'impérialisme, domination d'une « race » sur les autres. La race étant socialement construite dans et par la compétition pour la monopolisation des ressources. Elle englobe les classes, mêle biologie, culture et croyances. L'impérialisation du monde a toujours eu comme moteur une compétition des « races » au-delà des frontières établies. La compétition mondiale est une compétition et coopération entre classes dominantes qui intègrent les classes dominées dans une appartenance de « race ». L'ethnonationalisme de l'Empire chinois est ancien, il a été moins affecté par la différenciation de classes. Celui des sociétés européennes s'est développé avec le capitalisme, la volonté guerrière des sociétés marchandes, se logeant ainsi au cœur des empires coloniaux. À la différence du premier, le dernier s'est drapé des vertus d'un universalisme missionnaire qui, de celui des chrétiens qui associaient le sabre et le goupillon, est devenu celui des citoyens libres. Une contre-stratégie doit substituer à la confrontation une coopération qui en défait les causes. Elle doit opposer une société qui s'ouvre à une société qui se ferme. La confrontation fait partie du jeu des puissances guerrières. En offrant un champ d'investissement commun à différentes forces séparées et une perspective de paix, on empêche l'ethnonationalisme de la société de classes de faire son lit. Cela suppose non plus la négation des ethnies, mais leur reconnaissance, leur coexistence pacifique. Ce qui est en jeu est le rapport de la classe et de la « race », une « race » non plus le jouet des classes dominantes, rapport tantôt refoulé et tantôt sublimé selon le besoin, donc non plus soumis à une division de classes, mais se soumettant la différenciation sociale. Une telle « race », en mesure d'administrer la différenciation sociale et de soumettre l'intérêt des classes à l'intérêt général de « race », n'est pas donnée. Des « races » sans racisme peuvent être construites. L'empire prenant la forme non pas de la prééminence d'une « race » sur les autres, mais celle d'une « égale supériorité », dans une coopération-compétition pacifique. Avec cette notion de race, il n'est plus nécessaire d'opposer de manière dichotomique nature et société. Les sociétés doivent pouvoir se réguler, trouver la régulation qui leur permette de se stabiliser dans le cours des choses et entrevoir la voie qu'elles peuvent emprunter pour ce faire. Se réguler c'est accepter des règles, aussi peut-on parler de régulation démocratique au lieu de système démocratique. Mais là encore, il faut rappeler que la régulation est toujours le fait du peuple et du cours des choses, elle est bonne ou mauvaise selon le rapport du peuple au cours des choses. |
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