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ARCHIVES (ENCORE) BRÛLANTES !

par Belkacem Ahcene-Djabllah

Livres

5 octobre 1988. Pour mémoire. Le Comité de coordination interuniversitaire (Cciu). Bulletin de liaison n°1, 2 et 3. Hors série, Archives n 1. Edité par Naqd, Alger octobre

2024, 148 pages, 800 dinars



L'explosion populaire d'octobre 1988 avait été précédée durant l'été de la même année de bien de mouvements de colère de la population dans plusieurs villes du pays, mais aussi par des mouvements de grèves dans plusieurs entreprises. Des signes avant-coureurs qui ont culminé à la fin du mois de septembre. Beaucoup plus préoccupés par les querelles internes au système (réformateurs en salle d'attente et conservateurs en poste), et incapables de faire face aux problèmes économiques soulevés, ça et là, les pouvoirs en place n'avaient alors pas saisi la gravité de la situation... sociale, tout particulièrement au niveau de la jeunesse des villes et des villages et des travailleurs. Une mal-vie. Un mal-être. Aggravés par mille et une rumeurs (sur la corruption, la «hogra» administrative et institutionnelle, la hausse des prix des produits de large consommation...). Ce qui avait facilité toutes les manipulations perverses.

4 octobre : premières manifestation, à Alger, au niveau de certains quartiers. Premières arrestations. 5 octobre: le mouvement s'étend. Premiers morts. 6 octobre : Grosses manifestations et violents accrochages au Centre-ville (Alger). Vendredi 7 octobre : première nuit d'état de siège...

Le reste est une longue, très longue nuit faite d'affrontements fratricides, car s'ils avaient accéléré l'ouverture démocratique attendue (avec la création, entre autres, de partis politiques et la libération du champ de l'expression et de la presse), ils avaient aussi, hélas, ouvert la voie au radicalisme politique et à l'intégrisme religieux.

Le recueil actuel se limite à présenter seulement le mouvement d'Octobre, ses causes, son déroulement et surtout ses dérapages dramatiques (les morts, l'emprisonnement, la torture...). A travers les trois numéros du «Bulletin de liaison» alors rédigé et diffusé par « le Comité de coordination interuniversitaire, CCIU». Des analyses, des témoignages. De qualité ! Poignants !

Pour tous ceux qui ont vécu, de près ou de loin, l'évènement et ses retombées, de la douleur pleines pages.

L'Auteur : NAQD, revue d'Etudes et de Critique sociale... revue.naqd@gmail.com/ revue_naqd@yahoo.fr/

http://www.revue-naqd.org/

http://www.cairn.info/revue-naqd.htm

Extraits : «En réalité, l'appareil du parti n'a pas été le seul à s'opposer à l'alternative démocratique ; d'autres secteurs tels que les «salafistes» et les conservateurs les y ont aidés, de leur propre chef et sans qu'on le leur demande» (M. T. Adouani, bulletin n°1... p 19), «Les quotidiens officiels de langue arabe subissent depuis quelques temps une curieuse invasion La lecture de certaines lettres de lecteurs bien mises en évidence comme s'il s'agissait d'articles éditoriaux du journal et de certains articles de publicistes algériens et moyen-orientaux, est un véritable voyage dans l'horreur» (Bulletin n°2, p 33), «Elle (note : l'explosion de colère) est l'expression de la lassitude et du désespoir engendrés par les conséquences des orientations économiques et sociales ainsi que la dégradation des valeurs morales et de l'absence de perspectives. Elle est aussi le résultat fatal de l'étouffement de toute vie démocratique réelle dans le pays et de l'absence de cadres d'expression représentatifs...» (bulletin n° 3, p75), «Tolérer qu'un Algérien torture, taire un crime sous le fallacieux prétexte que sa révélation porterait atteinte au nationalisme, représente une faute inexcusable contre l'Humanité toute entière et notre pays en particulier. En fait, c‘est le tortionnaire et lui seul qui est un Ennemi de l'Homme, donc un ennemi des siens et son pays dont il salit irrémédiablement le visage à l'intérieur comme à l‘extérieur» (F. Chitour, bulletin n° 3, p118)

Avis - La vie d'une Nation est, la plupart du temps, une somme d'expériences, pour certaines d'entre-elles souvent très douloureuses, mais toutes porteuses d'espoir. Les évènements du 5 octobre 1988 en sont une... à revisiter... grâce aux archives. Une œuvre à saluer et à multiplier pour toutes les autres expériences.

Citations : «Il nous faut un certain courage moral et même physique pour admettre que le passé est mort, que le présent est vivant, que le futur est en gestation et qu'aujourd'hui n'est pas hier et que demain ne sera jamais aujourd'hui» (M. T. Adouani, bulletin n°1... p 19), «Pour que les hommes soient réellement libres, ils faut qu'ils puissent s'autodéterminer. Et, c'est cela la démocratie» (M. T. Adouani, bulletin n°1... p 20), «La violence sociale fondée sur un titre d'autorité morale et spirituelle est aussi dangereuse que la violence institutionnalisée dont elle se veut faire l'héritière» (Présentation, p31), «La véritable démocratie est celle qui enseigne à l'homme la responsabilité et la capacité de modifier les situations sans le recours à la violence mais par l'utilisation des moyens tels que les médias et les élections que la démocratie lui fournit» (Zoheir Ihaddaden, bulletin n° 2, p 49), «La démocratie n'est pas seulement une application de techniques juridiques. C'est une question de mentalité» (Mahfoud Kaddache, bulletin n°2, p 51), «La plus belle manifestation culturelle du désir est la violence» (bulletin n°2, p 76), «Pour signifier épanouissement personnel et progrès social, les réussites sociales individuelles doivent s'inscrire harmonieusement dans des structures ouvertes...

En si grand désaccord avec l'ensemble, elles deviennent même de minables «alibis» (F. Chitour, bulletin n° 3, bulletin n° 3, p 89), «Parler de certaines choses ne doit pas donner à penser qu'elles viennent d'apparaître... ni faire croire qu'elles ont ensuite disparues» (M. Boucebci, bulletin n° 3, p 132), «L'erreur judiciaire qui disculpe un coupable est admise mais non celle qui sanctionne un innocent» (Cheikh Mohamed Said, bulletin n° 3, p 140)



Octobre. Ils parlent. Recueil de témoignages conçu, et dirigé par Sid Ahmed Semiane. Editions Le Matin, Alger 1998, 287 pages*



«Le feu a duré cinq jours, cet octobre –là. Cinq jours d'enfer, d'émeutes et de répression dure, sanglante. Alger sentait la bombe lacrymogène. Toutes les villes de l'intérieur du pays avaient basculé dans la plus grande agitation qu'a connue l'Algérie depuis l'indépendance. Ici, le récapitulatif de ces événements, avec un retour sur leur détonateur que fut le fameux discours de Chadli du 19 septembre.

L'Auteur : Ancien enfant terrible de la presse algérienne dont il a signé, quoi qu'il dise, l'une des pages les plus exaltantes comme chroniqueur (S.a.s) pour ceux qui ont très longtemps apprécié ses chroniques soit dans «Le Matin» soit dans «Liberté».

Sommaire : Préface (Mohamed Benchicou)/A propos du témoignage de Mohamed Betchine («Lettre au Matin», 29 août 1998)/Les événements : «Les dix jours qui ébranlèrent l'Algérie» par Abdelkrim Djilali, «chronologie de l'année 1988», «le discours du président Chadli du 19 septembre 1988», «L'invention du courant réformateur» par Mustapha Hammouche/ «Les enfants d'octobre» : Témoignages, «Octobre 88. Plus jamais ça ! par Dalila Morsly, «Un immense ratage» par Miloud Brahimi, «Annexes : textes de la LADH»/ Le Pouvoir (Contributions, entretiens et/ou témoignages: Khaled Nezzar, El Hadi Khediri, Larbi Belkheir, Lakehal Ayat/ L'opposition : Mohamed Boudiaf à travers une «Lettre à un ami» du 27 décembre 1990), Abdelhamid Benzine, Said Sadi, El Hachemi Chérif, Noureddine Boukrouh, Louisa Hanoune / Les Islamistes : Par Mohamed Issami (journaliste et sociologue spécialiste de la question)/ Les médias : Lazhari Labter, Abdou B., Hamid Kechad, Mohamed Balhi, Khaled Mahrez/Les artistes et les intellectuels : Mostefa Lacheraf, Kateb Yacine, Waciny Larej, Jean Pierre Lledo, Ali Silem, Idir, Sadek Aissat.

Extraits : «Octobre, c'est la haine des jeunes à l'égard de la police... Nous avions pourtant tout tenté pour la rendre populaire... Nous avions relativement réussi à améliorer l'image de la police, mais cela restait insuffisant .Il manquait quelque chose. Une carence dont la police n'était toutefois pas l'unique responsable...» (El Hadi Khediri, p 101), «Chez nous en 1988, le chef de l'Etat s'est arrêté au milieu du gué et n'a pas été au bout de la logique du scénario. Il fallait dissoudre le Fln et la Dgps, du moment qu'on associe les deux responsables lors de leur limogeage. C'est à dire qu'il n'y a plus de parti unique ni de police politique et qu'on ouvre en conséquence la voie au multipartisme» (Lakehal Ayat, p 133).

Avis: A-t-il fait le tour de la question ? Pas si sûr... les réponses apportées par les uns et les autres, et celles qui ont suivi, nous laissant, encore aujourd'hui sur notre faim... de vérité(s)... un ouvrage de référence historique de première main !

Citations : «Réveiller Octobre 88, c'était dévoiler de secrètes alliances entre le mal et le pire» (Mohamed Benchicou, p 8/Préface)



* (Fiche de lecture déjà publiée le 8 juin 2020. Extraits pour rappel. Fiche complète in www.alamanach-dz.com/vie politique)