![]() ![]() ![]() L'isolement de Macron face au monde multipolaire : Entre aveuglement stratégique et fuite en avant en Ukraine
par Salah Lakoues ![]() Les
récentes négociations entre les États-Unis et la Russie à Riyad, précédées d'un
appel téléphonique prolongé entre le président Donald Trump
et son homologue russe Vladimir Poutine, ont mis en évidence une dynamique
géopolitique en pleine évolution. Ces discussions, tenues sans la participation
de l'Union européenne (UE) et de l'Ukraine, soulignent le rôle prépondérant des
grandes puissances dans la redéfinition de l'ordre mondial.
Des pourparlers exclusifs à Riyad Le 18 février 2025, les chefs de la diplomatie américaine, Marco Rubio, et russe, Sergueï Lavrov, se sont rencontrés à Riyad, en Arabie saoudite. Cette réunion, la première de ce niveau depuis le début du conflit en Ukraine en 2022, visait à explorer des solutions pour mettre fin aux hostilités. Les deux parties ont convenu de désigner des équipes de haut niveau pour travailler sur une résolution durable du conflit ukrainien et ont établi un « mécanisme de consultation » pour traiter les différends bilatéraux. Un appel téléphonique marquant entre Trump et Poutine Avant ces pourparlers, le président Trump a eu une conversation téléphonique de près d'une heure et demie avec Vladimir Poutine. Lors de cet échange, les deux dirigeants ont exprimé leur volonté de trouver une « solution de long terme » au conflit ukrainien par le biais de pourparlers de paix. Trump a qualifié cette discussion de « très productive » et a annoncé le début immédiat de négociations pour mettre fin au conflit. L'Europe face à la realpolitik L'exclusion de l'UE et de l'Ukraine de ces discussions a suscité de vives réactions en Europe. Josep Borrell, ancien Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères, a décrit cette situation comme un «divorce non consenti» entre les deux rives de l'Atlantique. Il a critiqué le manque de coordination et d'action conjointe, soulignant que l'Europe doit désormais repenser sa position stratégique face à cette nouvelle réalité géopolitique. Vers un monde multipolaire Ces événements illustrent le passage vers un monde multipolaire où les grandes puissances, telles que les États-Unis et la Russie, prennent des initiatives diplomatiques majeures sans nécessairement inclure leurs alliés traditionnels. La formation d'équipes de négociation bilatérales pour définir les zones d'influence respectives témoigne de cette tendance. Cependant, l'absence de l'Ukraine à la table des négociations soulève des questions sur la légitimité et la durabilité des accords potentiels, étant donné que toute solution pérenne nécessiterait l'implication de toutes les parties concernées. Les récentes initiatives diplomatiques entre Washington et Moscou, menées sans la participation de l'UE et de l'Ukraine, signalent une redéfinition des relations internationales. L'Europe, confrontée à cette nouvelle donne, est appelée à réévaluer sa stratégie pour défendre ses intérêts et ceux de ses partenaires. Effectivement, cette évolution diplomatique entre les États-Unis et la Russie reflète l'échec des stratégies occidentales qui ont encouragé l'Ukraine à une confrontation directe avec Moscou, sans lui offrir de véritables garanties de protection. L'approche belliciste de certains dirigeants européens, notamment celle initiée par Boris Johnson et poursuivie par Emmanuel Macron, a contribué à prolonger inutilement le conflit, sous-estimant la résilience russe et surestimant les capacités militaires et économiques de l'Occident à imposer une défaite stratégique à Moscou. Boris Johnson, en particulier, a joué un rôle clé en torpillant les négociations de paix qui étaient en cours au début du conflit, en avril 2022. Il a convaincu Zelensky de ne pas accepter un compromis qui aurait pu éviter la destruction de l'Ukraine. Après son départ, Emmanuel Macron a tenté de prendre le relais en se positionnant comme le leader de l'Europe face à la Russie, mais ses initiatives diplomatiques sont restées inefficaces et incohérentes. Sa tentative de créer une « autonomie stratégique européenne » s'est heurtée à la réalité du contrôle américain sur les décisions de l'OTAN et à l'incapacité de l'UE à agir de manière indépendante. En multipliant les déclarations agressives, comme lorsqu'il a parlé de la nécessité d'une défaite russe « sans ambiguïté », Macron a aggravé l'isolement de la France et de l'Europe sur la scène internationale. Son discours triomphaliste s'est heurté à la résistance de nombreux pays du Sud global, qui refusent de suivre la ligne occidentale et cherchent plutôt à renforcer la coopération avec des puissances comme la Chine, la Russie ou encore les BRICS élargis. La conséquence de cette politique est visible aujourd'hui : les véritables décisions se prennent entre Washington et Moscou, en excluant l'UE et l'Ukraine, signe que le monde multipolaire n'est plus un projet en gestation, mais une réalité en marche. Les sanctions économiques imposées à la Russie se sont révélées être un véritable boomerang pour l'Europe. Conçues initialement pour affaiblir l'économie russe et contraindre Moscou à revoir ses ambitions géopolitiques, elles ont finalement eu l'effet inverse : la Russie a su s'adapter en réorientant son commerce vers l'Asie, le Moyen-Orient et l'Afrique, tandis que l'Union européenne a plongé dans une crise économique sans précédent. L'explosion des prix de l'énergie, conséquence directe de l'arrêt des importations de gaz et de pétrole russes, a provoqué une inflation galopante qui a frappé de plein fouet les ménages et les industries européennes. L'Allemagne, locomotive économique de l'UE, a vu sa production industrielle chuter, avec des secteurs clés comme la chimie et l'automobile particulièrement touchés. De nombreux pays, notamment la France et l'Italie, ont connu une recrudescence des faillites d'entreprises et un affaiblissement du pouvoir d'achat, exacerbant la colère sociale. Cette crise a également accéléré la montée des partis d'extrême droite à travers l'Europe. En exploitant le mécontentement populaire face à la baisse du niveau de vie et à l'incapacité des dirigeants à proposer des solutions viables, ces mouvements ont renforcé leur influence. En France, en Allemagne, aux Pays-Bas et même en Espagne, on observe une montée en puissance de forces politiques opposées aux politiques de Bruxelles et favorables à un rééquilibrage des relations avec Moscou. L'incompétence de nombreux dirigeants européens, notamment Emmanuel Macron, qui a joué un rôle clé dans le durcissement de la position de l'UE vis-à-vis de la Russie, est aujourd'hui flagrante. En voulant suivre aveuglément la ligne dictée par Washington, l'Europe s'est affaiblie, tant économiquement que politiquement, perdant sa crédibilité sur la scène internationale. Pendant ce temps, les véritables puissances États-Unis, Russie, Chine redéfinissent l'ordre mondial, laissant une Europe marginalisée, divisée et en crise. Emmanuel Macron porte une responsabilité historique dans l'affaiblissement de la position stratégique de la France et de l'Europe en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne. À un moment où le monde se reconfigure autour de grandes zones d'influence dans un cadre multipolaire, il a choisi une politique de confrontation et d'arrogance, coupant ainsi l'Europe de son ancrage naturel en Méditerranée et en Afrique. L'Afrique du Nord, avec l'Algérie en tête, aurait pu être un partenaire stratégique clé pour l'Europe, notamment sur les questions énergétiques, économiques et de stabilité régionale. Une coopération renforcée entre l'UE et l'Algérie aurait permis de sécuriser un approvisionnement en gaz alternatif à la Russie, de développer des projets d'infrastructures conjoints et de bâtir une véritable zone d'influence euro-africaine. Au lieu de cela, Macron a multiplié les maladresses diplomatiques et les provocations. En Algérie, son approche condescendante sur la mémoire de la colonisation et son manque de respect envers la souveraineté algérienne ont détérioré des relations déjà fragiles. Plutôt que de proposer un partenariat basé sur l'égalité et le respect mutuel, il a continué à adopter une posture paternaliste qui a conduit Alger à se tourner vers d'autres partenaires plus fiables, comme la Russie et la Chine. Dans le Sahel, la politique erratique de la France a précipité l'échec de l'opération Barkhane et la montée d'un sentiment antifrançais dans plusieurs pays, conduisant à l'expulsion des forces françaises du Mali, du Burkina Faso et du Niger, du Tchad et du Sénégal, Paris a perdu son influence dans des régions où elle était historiquement présente, laissant la place à la Russie, la Chine et la Turquie. Au moment où les États-Unis et la Russie redessinent leurs zones d'influence, et où la Chine étend son empreinte économique à travers les Nouvelles Routes de la Soie, Macron a isolé la France et, par extension, l'Europe, de l'Afrique du Nord et du Sahel. Cette erreur stratégique laissera des traces durables et privera l'Europe d'un atout majeur dans la nouvelle configuration du monde multipolaire. La réunion d'urgence tenue à l'Élysée en réaction aux négociations américano-russes à Riyad illustre une fois de plus la fébrilité et l'isolement de la diplomatie française sous Emmanuel Macron. Plutôt que d'impliquer l'ensemble des partenaires européens dans une discussion stratégique, il a choisi de limiter l'invitation à seulement sept pays sur vingt-sept, excluant de fait toute tentative de coordination sérieuse au sein de l'UE. Cette approche témoigne de son obsession pour une posture de leadership autoproclamé, alors même que la France peine à peser sur la scène internationale. Face aux réalités du terrain, où la Russie a consolidé ses positions et où les États-Unis semblent désormais chercher une issue pragmatique, Macron persiste dans une ligne belliciste qui relève davantage de l'aveuglement idéologique que d'une véritable stratégie. En poussant l'Ukraine à poursuivre une guerre qu'elle ne peut plus gagner militairement, il ignore les rapports des services de renseignement occidentaux eux-mêmes, qui admettent que Kiev est dans une impasse et que les territoires sous contrôle russe ne seront pas repris dans un avenir prévisible. Cette politique, dictée davantage par des considérations d'image que par un véritable souci de paix et de stabilité, risque de prolonger inutilement le conflit, d'aggraver les pertes humaines et de creuser encore davantage les fractures au sein de l'Europe. Pendant ce temps, les véritables négociations se déroulent sans l'UE, preuve que le monde multipolaire est déjà en marche et que Paris, sous Macron, ne fait que courir après des décisions prises ailleurs. |
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