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Camp d'Auschwitz,
27 janvier 2025. Célébration de l'anniversaire de la libération du camp de
concentration par l'armée soviétique. Cette date a été décrétée par les Nations
Unies «Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de
l'holocauste». La cérémonie est diffusée en direct sur toutes les grandes
chaînes européennes.
Immense chapiteau avec en arrière-plan les images sinistres des baraquements du camp et de longues cheminées qu'on croirait voir fumer encore. On parle très doucement comme dans un espace religieux. Le gratin des dirigeants de l'Europe est là. Des présidents de Parlement, des chefs de parti, des chefs d'Etat et de gouvernement : Sholz, Macron... Ce sont presque tous des pays qui ont participé de près ou de loin, directement ou indirectement, au génocide des juifs, à leur déportation ou à leur persécution, l'Allemagne en tête, bien sûr, mais aussi la France du Maréchal Pétain, l'Autriche, l'Italie fasciste, la Bulgarie, la Roumanie, la Croatie, etc., presque tous et même l'Ukraine des groupes pronazis de Stépan Bandera, célébré comme un héros par Zelenski, présent lui aussi. Seule la Russie, le libérateur d'Auschwitz est absente. Paradoxe des paradoxes. Il indique le degré actuel des contradictions inextricables de l'Europe. Ici, c'est la compassion pour les martyrs de la barbarie nazie. Les images défilent sur l'écran géant dressé dans la salle, horribles, hallucinantes, corps désarticulés, montagnes d'ossements et de crânes, squelettes vivants des survivants, visages hagards. Ces images on les montre et il le faut, il faut voir, savoir. Mais en miroir, à Gaza, il y a la même horreur, les images et vidéos des milliers de victimes palestiniennes, et celles-ci sont terriblement d'actualité. Il y a eu même, si on s'en souvient, cette vidéo hallucinante, où l'armée israélienne ramasse à la pelleteuse les corps désarticulés de Palestiniens, exactement comme à Auschwitz, à la différence que l'un d'eux était vivant. Mais ces images-là, les grands médias occidentaux ne les montrent pas. Ils disent que «c'est pour ne pas choquer le spectateur». Pour légitimer leurs crimes, les nazis disaient des juifs exactement ce que disent aujourd'hui les dirigeants israéliens des Palestiniens, à savoir qu' «ils n'étaient pas humains». Ignoble Auschwitz sombre et terrible tragédie humaine. Mais, ignoblement, les medias mainstream en profitent pour tenter une nouvelle fois d'instrumentaliser cette tragédie et vouloir établir un lien entre elle et Gaza, voulant voir dans l'attaque du 7 Octobre 2023 effectuée par Hamas, «un pogrom», du même ordre que ce que les nazis ont fait subir aux juifs à Auschwitz. Comment peut-on dire et croire à de telles choses. Comment une idéologie, ici l'idéologie sioniste, a-t-elle pu faire perdre tout sentiment de réalité, de justice, de mesure, de vérité, de morale à un groupe social. L'idéologie peut-elle être aussi puissante qu'elle puisse tout faire croire. Tentons une explication. Après 1945, l'idéologie de la Shoah s'est développée comme un élément central de l'idéologie occidentaliste dominante. On pourrait s'en étonner puisque c'est l'Occident qui est responsable de la persécution des juifs à travers les innombrables pogroms de son histoire jusqu'à leur apogée avec le génocide perpétré par les nazis. Présentée au départ comme une sorte de «plus jamais ça», comme une idéologie en quelque sorte préventive pour empêcher la réapparition de l'antisémitisme, elle a abouti aujourd'hui au gigantesque pogrom des populations palestiniennes. Est-ce le sionisme qui a offert ses services à l'Occident dominant, ou bien est-ce celui-ci qui a compris tout le parti qu'il pourrait tirer de l'existence d'un Etat dit juif, dans une région stratégique s'il en est. La lutte contre l'antisémitisme s'est développée grâce d'abord à l'idéologie de la Shoah pour finalement aboutir, bien loin de ses justifications, à la réédition par Israël du colonialisme, pourtant moribond ailleurs, et à un pogrom généralisé des Palestiniens, et donc à un remake de «la solution finale» sous les yeux intéressés et admiratifs des ex-bourreaux des juifs. Ceux-ci faisaient ainsi d'une pierre deux coups, transférant leurs crimes et leur péchés sur un Arabe fantasmatique, effaçant le poids de leurs crimes envers les juifs en leur faisant commettre les mêmes. Et du même coup, ils assuraient ainsi aux juifs israéliens, à travers ce service rendu à l'hégémonie occidentale, leur promotion au statut d'occidentaux, comme le colonialisme français avait fait des juifs d'Algérie, vieux compagnons des arabo-berbères sur cette terre, des Français de droit, par le «décret Crémieux» de 1870, afin de s'assurer leur collaboration. Le génocide juif, sous le nom de Shoah, a été proclamé une tragédie unique, hors de toute comparaison et de tout précédent. Il était ainsi sorti de l'Histoire. Toute relativisation de ce génocide, notamment par rapport aux autres grands génocides de l'histoire contemporaine, tous d'ailleurs invariablement le fait des Occidentaux, tout regard critique était dès lors promis aux foudres de la loi. Ils ne s'apercevaient pas que ce faisant, ils se hissaient au sommet du racisme, par la négation de toutes les autres douleurs humaines, de toutes les autres tragédies historiques, l'esclavagisme, le génocide des Amérindiens, celui des Algériens, les génocides en Afrique, le colonialisme, qui n'est rien d'autre au fond qu'un génocide à petit feu, à l'encontre d'êtres humains, mais aussi de cultures, de langues, de civilisations. Ils aboutissaient donc, au bout, au mépris de l'autre et des autres: Et c'est dans ce mépris, dans ce sentiment d'exceptionnalisme qu'il faut chercher l'explication de ce paradoxe qu'un groupe social, une communauté qui a tant souffert, puisse administrer les mêmes souffrances à d'autres sans l'ombre d'une culpabilité, voire d'une émotion. C'est cette contradiction époustouflante que dénoncent des juifs antisionistes de plus en plus nombreux, y compris là où l'influence sioniste dans les communautés juives est la plus forte, aux Etats-Unis, en Angleterre, en France. La «submersion de l'immigration» Presque simultanément aux journées mémorielles d'Auschwitz, une campagne d'une grande violence est déclenchée aux Etats-Unis avec le président Trump, et dans l'Europe occidentale contre les migrants. Cette coïncidence dans le temps doit faire réfléchir. Les juifs, qui ont été la principale victime à Auschwitz, et dans d'autres camps, aux côtés des tsiganes, des russes, des communistes, n'ont-il pas été un peuple d'éternels migrants, On connaît l'image (bien fausse) du «juif errant», ce qui avait d'ailleurs justifié, idéologiquement, la création pour lui d'un «foyer» dénommé Israël. Mais on sait que «le peuple juif a été inventé», comme l'a montré dans son essai du même titre l'historien israélien Shlomo Sand. Cela fait apparaître cette contradiction aberrante qui voit les mêmes qui sont pleins de compassion à Auschwitz, dénoncer avec haine les migrants, ou leur faire la chasse comme aux Etats-Unis. L'immigrant est le bouc émissaire, comme l'ont été d'ailleurs les juifs en Europe, avant qu'ils ne soient jugés très utiles au projet de domination du Proche-Orient. Ce qui se passe en France est particulièrement significatif. Le même jour de la cérémonie de commémoration d'Auschwitz, le 27 janvier, le nouveau Premier ministre français, François Bayrou, dans une interview donnée à la chaîne d'information «LCI», parle de «submersion» au sujet des immigrants en France. Il utilise ainsi le même mot, rendu fameux par le fondateur du «Front national» Jean Marie Le Pen, et employé à tout va par sa succession au parti du «Rassemblement national». Aussitôt, la polémique fait rage car c'est d'évidence un appel du pied fait au parti de Marine Le Pen par un Premier ministre fragile, en quête d'une majorité qui lui permettrait d'éviter la chute de son gouvernement, même provisoirement. Ce mot est ressenti comme un autre emballage à la théorie ultranationaliste du «Grand remplacement»... Pour atténuer son propos, François Bayrou expliquera laborieusement qu'il voulait parler de la situation à Mayotte. Il ne dit mot, comme tous les partis français d'ailleurs, de la gauche à la droite (le colonialisme a la vie dure), sur le fait que Mayotte est un cas colonial. Les «immigrants» qui submergent Mayotte sont Comoriens comme le sont les Mahorais, avant qu'un étrange referendum ne les sépare. François Bayrou précise aussi qu'il parlait, pour ce qui est de la France plutôt «d'un sentiment de submersion» et il reproche à ses critiques de ne pas voir «la réalité de ce sentiment» dans l'opinion publique française, faisant ainsi, merveille de sophisme, d'un sentiment une réalité. Mais si ce sentiment est vrai, il ne l'est, par définition, que subjectivement, car, pour l'être objectivement, il faudrait pour cela qu'il soit un fait. Or ce n'est pas le cas. Preuve en est, les statistiques disent que 8% à 10% de la population française sont des immigrants au sens strict du terme. Autre preuve, il y a très peu d'immigrants dans les campagnes françaises, pas de quoi donc avoir un «sentiment de submersion», et c'est pourtant là que ce «sentiment» est le plus fort et où, donc, le Rassemblement national fait ses meilleurs scores. On sait que les sentiments xénophobes se sont exprimés intensément à chaque crise économique, en direction d'autres migrants à diverses époques: italiens, espagnols, portugais, polonais, roumains, etc. S'ils sont plus forts aujourd'hui, c'est que la crise économique et sociale est, elle aussi, particulièrement forte et certainement durable. Ceci explique le succès de thèses qui n'ont rien de nouveau, puisqu'elles étaient, dans les mêmes termes, celles de Jean Marie Le Pen, dans les années 60 déjà. Le pourcentage des voix, en faveur du parti qu'il a fondé a simplement augmenté au fur et à mesure de l'aggravation de la crise. La vraie cible, les Arabes, les Musulmans Ce qu'on masque en réalité, par ces campagnes d'une violence aveuglante contre les immigrants, c'est la véritable cible: elle n'est pas les flux actuels d'immigrants, mais les Arabes, la communauté musulmane, essentiellement maghrébine, issue de l'émigration des précédentes décennies, et en théorie désormais française. Preuve en est, la propagande qui s'est développée de façon récurrente et obsessionnelle, depuis des années, sur les thèmes de la laïcité, du voile, du hidjab, de la multiplication des mosquées, etc. Elle a donné lieu à des lois, dont la dernière d'août 2021 sur «Le séparatisme», et à une multitude de circulaires, arrêtés de toutes sortes. Malgré le principe de laïcité, qui dicte la neutralité de l'Etat en matière de religion, elles ont été destinées à contingenter l'islam, à contrôler, non pas l'immigration, mais la communauté musulmane vivant en France. Il est intéressant de noter à ce sujet, que les élites pro-israéliennes, qui dominent actuellement la communauté juive, et leurs prolongements dans les médias, se sont ruées au secours de François Bayrou pour justifier le mot et l'idée de «submersion». En France, mais ailleurs aussi en Europe, ce qui inquiète les soutiens d'Israël, c'est le développement considérable de la communauté musulmane et son influence politique grandissante notamment par le droit de vote, D'où les accusations d'»islamo-gauchisme» portées contre la gauche humaniste qu'on accuse d'instrumentaliser le vote musulman et les sentiments pro-palestiniens de la communauté maghrébine et plus généralement africaine. C'est donc dans la communauté juive qu'on va retrouver le plus intense de ce «sentiment de submersion», cette inquiétude face à une communauté musulmane grandissante. Chaque épisode du conflit israélo-palestinien va raviver et développer cette inquiétude. On peut observer que certains porte-parole et relais dans les medias de la communauté juive jouent un grand rôle dans la diffusion de ce sentiment et son amplification dans l'ensemble de l'opinion publique. Une réalité incontournable Mais le développement de la communauté musulmane, en France et plus généralement en Europe, est une réalité démographique incontournable. A ce sujet, Jacques Attali, qu'on ne peut soupçonner de sympathies palestiniennes, engageait la communauté juive à s'adapter à cette situation et à éviter l'esprit de confrontation. Dans un article, «un avenir incertain», écrit en 2007 (1), il signalait, qu'» en Europe, il y aura un jour, 3 millions de juifs et 50 millions de musulmans». Et il en concluait, que, «par rapport à cela, il faut tout faire pour que cette relation (entre juifs et musulmans) soit positive et non antagonique». C'est la voie choisie par un nombre de plus en plus grand, de juifs, notamment des intellectuels. Mais ce n'est pas encore celle qui l'emporte, dans une communauté juive française, trop souvent enivrée par les victoires militaires éphémères et sans avenir d'Israël. Un courant ultra- israélien y veut l'entraîner de plus en plus dans le soutien au Rassemblement national. Il s'est même doté récemment de représentation politique comme le parti «reconquête». Celui-ci s'exprime à la fois à travers des positions ultranationalistes françaises, qui ne sont qu'un masque, et des orientations pro-israéliennes. Il se reconnaît aujourd'hui d'autant plus dans l'idéologie trumpiste, qu'elle est marquée par le même cocktail. Le «Rassemblement national», dans sa marche vers le pouvoir, a vu tout l'intérêt qu'il pourrait tirer du soutien de ces courants de l'extrême droite juive, en se proclamant soutien et «protecteur» indéfectible de la communauté juive. Marine le Pen, sa dirigeante, est allée jusqu'à proclamer un jour que son père, Jean Marie Le Pen, «avait toujours été sioniste». Elle partage probablement le même sens de l'humour que lui lorsqu'il disait, en 1987, «que les chambres à gaz étaient un détail de l'histoire» et qu'il faisait, en 1988, sur le nom d'un ministre français centriste, M. Michel Durafour, son fameux calembour de «Durafour-crématoire» Il était donc intéressant de rapprocher des évènements apparemment indépendants l'un de l'autre, comme c'est le cas pour ce 27 janvier à Auschwitz et celui à Paris. Cela peut révéler, dans les recoins obscurs de l'Histoire, des logiques cachées par la mauvaise foi idéologique et par les intérêts cruels et impitoyables des dominants. Il ne faut donc pas s'étonner que, dans les medias mainstream, il se trouve des influenceurs, pour relier Auschwitz aux évènements du 7 Octobre 2023. Mais, la différence, entre les Etats-Unis et la France, est que cette campagne contre les immigrants est menée au moment même où les jeunes Français émigrent à leur tour, de plus en plus nombreux. Deux millions déjà «d'expatriés», comme on les nomme pudiquement en France, et les chiffres augmentent rapidement. Il ne faut pas insulter l'avenir. C'est peut-être toi, toi qui rejette aujourd'hui les émigrants qui en sera un, demain, et qui viendra taper à la porte de leur pays que tu méprisais. Les choses vont tellement vite. Tu comprendras alors, enfin, qu'il y a une unité de l'humanité. (1) https://akadem.org/sommaire/themes/vie-juive/vie-politique/enquetes-sociologiques/un-avenir-incertain-23-04-2007-6918_464.php |
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