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Sid Ahmed Ghozali, ancien Premier ministre algérien, s'est imposé
comme l'un des artisans majeurs de la souveraineté économique du pays,
notamment à travers la nationalisation des hydrocarbures en 1971. Son parcours,
marqué par l'excellence académique, l'engagement politique et la rigueur dans
la gestion des ressources stratégiques, a fait de lui une figure incontournable
de l'histoire contemporaine de l'Algérie.
Un ingénieur au service de la nation Né en 1937, Sid Ahmed Ghozali fait partie de cette génération de jeunes Algériens qui, malgré le joug colonial, ont réussi à s'imposer dans les plus prestigieuses institutions académiques. Diplômé de l'École nationale des ponts et chaussées de Paris, il choisit de mettre son savoir au service de la lutte pour l'indépendance de son pays. Avant même 1962, le FLN le charge d'une mission capitale : rendre visite aux cinq dirigeants historiques emprisonnés en France. Cette première mission témoigne déjà de la confiance que le mouvement national place en lui. Un bâtisseur des premières heures À l'indépendance, Ahmed Ben Bella le nomme secrétaire d'État aux Travaux publics. Mais son engagement dans la construction du jeune État algérien prend une nouvelle tournure après le coup d'État du 19 juin 1965. En désaccord avec le renversement de Ben Bella, il choisit de démissionner de son poste, refusant de cautionner un pouvoir issu de la force. L'homme de la souveraineté énergétique Boumediene, pragmatique, le nomme PDG de Sonatrach, malgré leur différend passé. Sid Ahmed Ghozali devient l'un des principaux architectes de la politique énergétique algérienne. Durant plusieurs années, il prépare minutieusement la stratégie qui aboutira à la nationalisation des hydrocarbures en février 1971, un tournant décisif pour l'Algérie. Cette mesure historique, pilotée par le président Houari Boumediene, consacre l'émancipation économique du pays et affirme sa volonté de contrôler ses richesses naturelles face aux compagnies pétrolières étrangères. En tant que ministre des Hydrocarbures, Ghozali poursuit cette bataille pour l'indépendance énergétique, affrontant les pressions internationales et les lobbies, notamment français, qui cherchaient à aligner le prix du pétrole et du gaz sur des standards défavorables à l'Algérie. Sa ténacité lui vaut à la fois le respect et l'hostilité de certains cercles influents. Un combat entravé par des luttes de pouvoir Après avoir assuré la transition énergétique du pays avec fermeté, il est muté au ministère de l'Hydraulique, un poste moins stratégique mais tout aussi crucial pour le développement national. Cependant, son passage est marqué par des luttes internes. Victime d'une campagne menée par le clan de Nabi Belkacem, il finit par être écarté du pouvoir par Chadli Bendjedid. Son limogeage marque la fin d'un chapitre dans la gestion souveraine des ressources du pays. Un héritage indélébile L'histoire retiendra Sid Ahmed Ghozali comme l'un des bâtisseurs de l'Algérie moderne, un homme de principes qui a consacré sa carrière à l'indépendance économique du pays. Son rôle dans la nationalisation des hydrocarbures demeure une référence, illustrant la capacité des nations à se libérer du joug néocolonial par des décisions courageuses et visionnaires. Son parcours inspire encore aujourd'hui ceux qui aspirent à une gestion souveraine et équitable des ressources nationales. Son engagement, sa rigueur et son refus de se plier aux diktats étrangers font de lui une figure emblématique de la lutte pour l'autonomie économique de l'Algérie. Sid Ahmed Ghozali est également le concepteur du Plan Valhyd, un projet stratégique mis en place par Sonatrach pour développer l'industrie des hydrocarbures en Algérie. Ce plan visait à maximiser la valorisation des hydrocarbures (pétrole et gaz) à travers des investissements dans la pétrochimie, le raffinage et la transformation du gaz naturel, notamment en produits à haute valeur ajoutée comme le gaz naturel liquéfié (GNL) et les dérivés pétrochimiques. Le Plan Valhyd s'inscrivait dans la continuité de la politique de nationalisation des hydrocarbures menée en février 1971, dont Ghozali avait été l'un des principaux architectes. Il cherchait à renforcer l'indépendance énergétique de l'Algérie en réduisant la dépendance aux exportations brutes de pétrole et de gaz, et en favorisant une industrie locale capable de transformer ces ressources. Cependant, malgré son ambition et sa pertinence économique, le plan a été freiné par des rivalités internes et des pressions externes, notamment celles des compagnies pétrolières internationales et de certains lobbies influents. Après le départ de Ghozali du ministère des Hydrocarbures, le projet a été en partie abandonné ou ralenti, illustrant les difficultés de l'Algérie à mettre en œuvre des stratégies industrielles ambitieuses face aux jeux d'influence internes et externes. Néanmoins, l'idée du Plan Valhyd reste un modèle de développement que l'Algérie pourrait revisiter aujourd'hui pour accélérer la diversification de son économie et renforcer son autonomie énergétique. Le plan Valhyd (abréviation de « Valorisation des hydrocarbures ») était un programme stratégique lancé par Sonatrach dans les années 1970 pour transformer l'Algérie en un acteur majeur du secteur pétrolier et gazier. Il s'inscrivait dans la politique de nationalisation des hydrocarbures et de développement industriel engagée après l'indépendance. Contexte et objectifs Après l'indépendance en 1962, l'Algérie hérite d'un secteur énergétique contrôlé par des compagnies françaises et étrangères. En 1971, le président Houari Boumediene annonce la nationalisation des hydrocarbures, permettant à Sonatrach de prendre le contrôle de la production pétrolière et gazière du pays. Le plan Valhyd est mis en place pour assurer une transformation locale des ressources, réduire la dépendance aux exportations brutes et développer un tissu industriel pétrochimique. Axes majeurs du plan Valhyd Développement de la pétrochimie Construction de complexes pétrochimiques pour transformer le pétrole brut en produits à plus forte valeur ajoutée. Création d'infrastructures pour produire des dérivés comme le plastique, les engrais et les solvants. Expansion du raffinage Modernisation et construction de nouvelles raffineries (ex. Arzew, Skikda). Objectif : diminuer les importations de carburants raffinés et renforcer l'autonomie énergétique. Développement du gaz naturel liquéfié (GNL) Mise en place de terminaux GNL pour exporter du gaz vers l'Europe. L'Algérie devient pionnière dans l'exportation du GNL, notamment vers la France, l'Italie et les États-Unis. Formation et nationalisation des compétences Création d'instituts spécialisés pour former des ingénieurs et techniciens algériens. Réduction progressive de la dépendance aux experts étrangers. Industrialisation et diversification Développement d'industries associées comme la sidérurgie et les matériaux pour soutenir la pétrochimie. Tentative de réduire la dépendance de l'économie algérienne aux hydrocarbures. Affirmation de la souveraineté énergétique de l'Algérie. Développement des infrastructures industrielles et énergétiques. Exportation du GNL, renforçant le rôle de l'Algérie sur le marché énergétique international. Persistance d'une dépendance aux hydrocarbures malgré les efforts de diversification. Héritage du plan Valhyd Le plan Valhyd a marqué une étape cruciale dans l'industrialisation de l'Algérie et dans son autonomie énergétique. Il a posé les bases du développement du secteur pétrolier et gazier algérien tel qu'il existe aujourd'hui. Toutefois, la diversification de l'économie hors hydrocarbures reste un défi majeur. Sid Ahmed Ghozali : le Premier ministre de l'Impasse (1991-1992). Après son éviction des hydrocarbures et une longue traversée du désert, Sid Ahmed Ghozali est progressivement réintégré dans l'appareil d'État. Nommé ambassadeur à Bruxelles en 1984, il revient sur le devant de la scène en 1988 comme ministre des Finances dans le gouvernement de Kasdi Merbah. C'est une période marquée par des difficultés économiques sévères, une dette écrasante et une pression grandissante du FMI, qui impose des ajustements structurels. La libéralisation économique et la crise politique Sous la présidence de Chadli Bendjedid, la transition vers le multipartisme est engagée après les émeutes d'octobre 1988. Mouloud Hamrouche, un proche de Chadli, est nommé Premier ministre pour mener une ouverture économique et politique. Cependant, cette transition mal maîtrisée débouche sur un échec total : La libéralisation économique profite à une élite proche du pouvoir et aggrave les inégalités Les réformes économiques, menées sous la pression du FMI, entraînent chômage et précarité. Le Front islamique du salut (FIS), un parti islamiste radical, est agréé sous l'influence de François Mitterrand, malgré l'interdiction constitutionnelle des partis religieux et culturels. Une loi électorale mal conçue facilite la montée du FIS, qui organise des manifestations et des occupations de places publiques. Des manœuvres menées par les proches de Chadli, qui étaient à la tête du Bureau politique du FLN, qui contrôle l'Assemblée nationale se sont opposées au projet de Ghozali qui prévoyait un scrutin proportionnel intégral par wilaya. La loi électorale de Hamrouche qui prévoyait le mode de scrutin majoritaire à deux tours et un découpage électoral insensé ont favorisé le FIS. Face à cette impasse, Sid Ahmed Ghozali est appelé en 1991 pour remplacer Hamrouche comme Premier ministre. Sid Ahmed Ghozali à la tête du gouvernement (1991-1992) Ghozali hérite d'un pays au bord de l'implosion. Son rôle est de gérer la crise politique et sécuritaire tout en maintenant une certaine continuité économique. Mais les défis sont immenses: Crise économique : l'Algérie est étranglée par la dette et les mesures imposées par le FMI, tandis que le mécontentement populaire explose. Crise politique : le FIS, qui a gagné du terrain dans les élections locales de 1990, se radicalise et pousse à la confrontation avec l'État. Crise sécuritaire : l'État est dépassé par les manifestations et occupations, et l'armée commence à voir le FIS comme une menace existentielle. Ghozali tente de stabiliser la situation, mais les élections législatives de décembre 1991 donnent une victoire au FIS, plongeant le pays dans une crise profonde. En janvier 1992, face à la situation politique qu'il ne pouvait plus maîtriser, le président Chadli démissionne. Un Haut Comité d'État (HCE) est mis en place, dirigé par Mohamed Boudiaf. Sid Ahmed Ghozali reste Premier ministre quelques mois avant d'être remplacé en juillet 1992, après l'assassinat de Boudiaf. Sa tentative de naviguer dans cette crise historique reste un épisode complexe et tragique de l'histoire algérienne. Ghozali, bien qu'ayant tenté de contenir le chaos, s'est retrouvé coincé entre la pression du pouvoir, et la radicalisation du FIS. Son passage au gouvernement dans ces années cruciales illustre la difficulté de mener des réformes dans un contexte explosif et met en lumière les erreurs stratégiques qui ont conduit à la décennie noire. Sid Ahmed Ghozali, alors chef du gouvernement, avait proposé sa démission à l'arrivée de Mohamed Boudiaf en janvier 1992. Cependant, Boudiaf a refusé cette démission et lui a renouvelé sa confiance à plusieurs reprises, malgré les pressions exercées par certaines personnes de son entourage. (*) Pour couper court à ces manœuvres, Boudiaf a chargé Ghozali d'intervenir en février 1992 au Forum économique de Davos afin d'expliquer la situation politique en Algérie après l'arrêt du processus électoral et la mise en place du Haut Comité d'État (HCE). Cette intervention visait à rassurer la communauté internationale sur la stabilité du pays et à justifier les décisions prises face à la crise politique et sécuritaire naissante. (*) voir le Quotidien d'Oran du 29 /06/2020 |
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