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Belles et rebelles... d'aujourd'hui

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

RASSA MORRA. Roman (Récit ?) de Ania Mezaguer. Editions El Qobia, Alger 2024, 227 pages, 1.200 DA



L'histoire... A Alger. Au cœur d'une multinationale, Aziyadé, directrice -compétente et intègre - des Ressources humaines se retrouve l'objet de manœuvres sournoises de son manager (dirigeant l'entreprise de l'extérieur du pays), aidé en cela par des collègues masculins déterminés) ses façons de gérer et déstabiliser son ascension. Tout ceci sur fond de corruption, de détournements des moyens, d'affairisme et de laisser-aller. Intrigues et sabotages se multiplient.

Il est vrai qu'une femme au sommet de la hiérarchie d'une entreprise économique importante, une femme compétente et capable, aujourd'hui encore, tant dans notre pays qu'ailleurs, n'est pas toujours admise avec facilité. Tout est fait soit pour la cantonner aux tâches subalternes, sans prérogatives de commandement, soit pour la pousser vers la sortie et la renvoyer aux fourneaux, soit au mieux (sic !) s'en «servir».

Mais notre Aziyadé n'est pas prête à se laisser faire d'autant qu'elle est encouragée par des parents compréhenasifs et un groupe d'ami(e)s à la solidarité agissante.

L'histoire n'est certes pas belle parce qu'elle nous dévoile les dessous, ignorés du grand public et souvent des hiérarchies elles-mêmes, des gestions internes «polluées» de bien des entreprises et, aussi, d'administrations. Mais, l'histoire est belle parce qu'elle nous présente un parcours professionnel (et de vies, celle de la concernée, mais aussi celles de ceux qui la soutiennent) fait de volonté de surmonter les difficultés et de résilience face à l'adversité dans le monde complexe des relations professionnelles et aux dynamiques de pouvoir souvent dissimulées derrière les portes des entreprises et des administrations.

L'Auteure : Diplômée en Interprétariat, Traduction et Communication (Université d'Alger), expérience de plusieurs années dans les Ressources humaines au sein d'entreprises multinationales. Formatrice spécialisée en Grh, en soft skills et en développement personnel. Premier roman.

Table des matières : Remerciements/L'ambigüité/ Les deux alliés/Abus d'autorité/Les Perfidies/Je ne suis pas un monstre/Sabotage/Palpitation/Les coups bas/ Séquelles/ La révolte/Nouveau management/Renversement de situation/ Une bête est plus dangereuse lorsqu'elle est blessée/ Le karma/Épilogue

Extraits : «Aujourd'hui, malheureusement, le déni prévaut. Ces hommes, ces héros, ces courageux d'antan, nous les cherchons comme une aiguille dans une botte de foin... car ils sont devenus rares, voire introuvables» (p13), «Aziyadé voulait du changement, de la positivité là où le règne l'exiguïté; elle voulait l'excellence là où il y a de la médiocrité; elle cherchait la perfection là où il y a de la déformation; elle aspirait à répandre le bonheur là où règne la misère (p 87)

Avis - La nette impression d'un vrai récit de vie (parcours professionnel) romancé... ce qui entraîne une émotion bien plus profonde.

Citation : «Le stress et les soucis nous fatiguent, nous rongent, sapent l'énergie et la réflexion, affaiblissent et vieillissent. Ce sont de véritables poisons quotidiens, ils provoquent même ulcère de l'estomac, accidents cardiaques et maux divers qui réduisent la qualité et l'espérance de vie» (p119).



Journal d'une femme médecin de campagne. Chronique d'une dérive. Témoignage de Yamina Ramdane. El Ibriz Edition, Alger 2013. 241 pages, 500 DA



Pour la première fois, il me semble, une femme, médecin de «campagne» de surcroît, donc très, très proche de sa société publie un livre sur son existence (son existence, oui !) durant les années les plus noires que le pays ait traversées.

Ni un roman de fiction, ni des nouvelles, ni un essai philosophico-politico-sociologique. Tout simplement les extraits d'un «journal» tenu dès le jour où, dit-elle, elle s'était sentie menaceée, dans les années 90 (par le terrorisme islamiste et le banditisme) dans sa profession et même dans sa vie. Allait-elle quitter ce monde sans laisser de traces que celle de son souvenir auprès des siens et, peut-être de patients conservant ses ordonnances médicales ? En fait, un testament qui ne disait pas son nom. Bien d'entre nous ont vécu cette situation.

Tout en conservant l'anonymat des uns et des autres, sans violer le secret médical, elle rapporte, en de courts mais poignants, douloureux et saisissants récits, le calvaire enduré par les femmes.

Avis - Ecriture bonne, simple et claire et lecture facile. Émouvante ! Personnes sensibles s'abstenir ! En fait, c'est ce qui manque le plus dans notre littérature actuelle à la recherche d'un «décollage» : de simples récits de vie à la portée de tous.

(Fiche de lecture déjà publiée fin novembre 2014. Extraits pour rappel. Fiche complète in www. almanach-dz.com/bibliotheque dalmanach/société)



Une enfance singulière. Un roman (autobiographique) ? de Fadela M'rabet. Editions ANEP. Alger 2004. 117 pages, 200 dinars.



Connaissez-vous Fadela M'rabet, la bête noire du pouvoir au milieu des années 60 ? Pas féministe pour un sou comme on a voulu le faire croire à l'époque, mais ardente combattante pour le respect et la dignité de la femme dans notre pays ! Son émission -hebdomadaire, si je me souviens- à la radio (Chaîne III) avec son époux Tarik (Tarik Maschino, un militant engagé très tôt pour la libération du pays) faisait un «tabac»... et ses deux livres (1965 et 1967... édités à l'étranger, assurément... interdits de diffusion et de lecture en Algérie... et à l'époque, ça ne «rigolait» pas avec ces choses-là) fut vite «dénoncée» sous la pression des lobbies conservateurs et pseudo-révolutionnaires et, vite fait, interdite. Ne restait plus que l'exil, car on le devine, être opposant politique à l'époque, ça pouvait toujours s'arranger quelque part, mais être «opposant sociétal»... dehors !

Un exil qui, peut-être, l'a brisée quelque part durant longtemps, car on lui a ôté une partie de ses racines auxquelles elle tenait tant. Son enfance et ses vacances à Collo, sa jeunesse à Skikda, sa scolarité au sein d'un milieu hostile et raciste à l'occasion, les horreurs environnantes de la misère, de l'ignorance et de la répression (elle a «vu» les exécutions de mai 1945)..., issue d'une famille (une immense famille de la région où les mots culture, authenticité et nationalisme ne sont pas vains et creux, et dont le père était un proche de Benbadis), une famille ouverte sur le monde mais dont le patriarche, malgré son amour immense pour ses enfants et son «modernisme», avait le côté Pater familias de son temps, ancré dans certaines de ses certitudes

Ce n'est pas un roman. Ce ne sont pas des mémoires. Ce n'est pas une autobiographie. Ce n'est pas un essai. Un savant mélange. Juste un livre de souvenirs. C'est seulement ces toutes dernières années qu'elle s'est «réconciliée » avec le pays.

Avis - Se lit d'un trait... comme un roman, un roman de la vraie vie. Et pour les plus jeunes, ils découvriront l'engagement (en faveur de l'émancipation de la femme) et le style décidé (limpide, allant droit au but) d'un grand auteur (ou essayiste) qui, elle, sait penser, pense encore librement et sait écrire; un écrivain que l'Algérie a perdu durant près de 40 ans.



(Fiche de lecture déjà publiée en octobre 2019. Extraits pour rappel. Fiche complète in www. almanach-dz.com/bibliotheque dalmanach/société