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Le revenant, esprit colonialiste

par Mustapha Aggoun

Le déclin ou le miracle ? L'histoire, implacable dans son jugement, semble avoir déjà rendu son verdict. Ce n'est pas d'un miracle qu'il est question, mais bien d'une chute inexorable qui plane sur la France.

La France, autrefois l'une des plus grandes puissances colonialistes, s'est toujours perçue comme un phare éclatant du monde, un guide de l'humanité éclairant les nations par ses idéaux universels et ses révolutions marquantes. Ce pays au passé tumultueux, aimait à se présenter comme le berceau des Lumières, la patrie des droits de l'homme, et l'incarnation même de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Derrière cette image noble et cet héritage humaniste, se cache une histoire bien plus complexe, où l'idéal proclamé s'est souvent heurté à une réalité empreinte de domination, d'exploitation et de conquêtes brutales.

En se projetant comme une puissance civilisatrice, la France coloniale justifiait ses actes par une prétendue mission de libération des peuples «inférieurs», tout en les réduisant à des sujets dominés. L'illusion d'un «phare du monde» éclairant les nations cachait en réalité l'ombre des pillages, des massacres, et de l'asservissement de millions d'âmes dans des terres lointaines. Le discours humaniste se mêlait à une arrogance impitoyable, imposant à ces peuples une culture et des lois au détriment de leurs identités, tout en exploitant leurs richesses et leur force de travail.

Cette dualité marqua profondément l'histoire de la France. D'un côté, elle fut à l'avant-garde des révolutions porteuses d'espoir, telles que 1789, qui inspira les peuples du monde à briser les chaînes de la tyrannie. De l'autre, elle fut l'actrice principale de certains des épisodes les plus sombres de l'histoire humaine, de l'esclavage à la colonisation, en passant par les violences insoutenables perpétrées en Algérie, en Indochine ou encore en Afrique subsaharienne. Le «phare» se transforma bien souvent en feu dévorant, incendiant les terres et les âmes au nom de la grandeur nationale.

Mais ce paradoxe n'est pas qu'une histoire du passé. Même après les décolonisations du XXe siècle, la France a continué de cultiver une relation ambivalente avec son ancienne gloire. D'un côté, elle revendique toujours son rôle d'avant-garde des valeurs universelles sur la scène mondiale, se positionnant comme défenseure des droits de l'homme et de la démocratie. De l'autre, elle reste hantée par les stigmates de son passé colonial, multipliant les maladresses et les ingérences dans ses anciennes colonies, souvent au nom de ses intérêts géostratégiques.

Le mythe d'une France rayonnant comme un phare de liberté et de justice vacille face à des réalités actuelles qui révèlent les cicatrices laissées par cette histoire tumultueuse. Les révoltes populaires en Afrique, les accusations de néocolonialisme, et les départs fracassants de certains pays qui rejettent désormais l'influence française témoignent de la dissonance entre l'image que la France se donne et le ressentiment qu'elle inspire.

Ainsi, la France, qui aimait à se voir comme l'éclaireur du monde, se retrouve aujourd'hui à un carrefour de son histoire. Peut-elle encore prétendre à ce rôle, tout en assumant pleinement les responsabilités de son passé colonial ? Peut-elle se réinventer pour devenir réellement le symbole des valeurs qu'elle proclame, sans chercher à dominer, mais à partager, sans imposer, mais à co-construire avec les autres nations ?

Ce chemin de rédemption exige une introspection sincère et profonde. La France ne pourra se relever qu'en acceptant de regarder en face les ombres de son passé, en reconnaissant les douleurs qu'elle a infligées, et en bâtissant des relations internationales fondées sur l'humilité, le respect mutuel et une solidarité véritable. Alors seulement, elle pourra peut-être redevenir ce phare, non pas pour dominer, mais pour éclairer, non pas pour imposer, mais pour inspirer.

Emmanuel Macron, figure centrale de cette débâcle, incarne non pas le renouveau attendu, mais la continuité d'un anachronisme mortifère. Par son arrogance, son subjectivisme, et ses chimères, il a non seulement fermé les issues du redressement, mais il a aussi précipité un pays entier dans une impasse historique.

Comment expliquer ce naufrage ? La France, autrefois porteuse des idéaux des Lumières et des droits de l'homme, se retrouve aujourd'hui ballottée au sein d'une Europe désorientée.

Cette Europe qui, jadis, rêvait d'unité et de prospérité commune, est désormais tiraillée entre les puissances titanesques qui façonnent le monde : l'omnipotence de l'oncle Sam, l'agressivité résiliente de l'ours russe, et l'expansion méthodique du dragon chinois. Les principes d'humanisme et de justice qui faisaient la grandeur du continent ne sont plus qu'un souvenir lointain, éclatant comme une bulle de savon sous le poids des tragédies de Srebrenica ou des massacres inhumains de Gaza. L'Europe est devenue une terre de contradictions, trahissant ses idéaux au profit d'intérêts géopolitiques et économiques mesquins.

Et que dire de Macron ? Ce nouveau «Grand Meaulnes» de la politique ne symbolise pas l'émerveillement d'un rêve, mais l'égarement d'un dirigeant sans cap. Sa mauvaise foi, ses penchants sionistes assumés, son cynisme et son arrogance crasse témoignent d'une médiocrité affligeante. Il raille et divise, tout en multipliant les erreurs stratégiques, laissant la France s'enliser dans une mer agitée où chaque vague semble précipiter un peu plus le navire national vers le fond. Et pourtant, au-delà de ce tableau sombre, subsiste une vérité incontournable : la France possède un génie indéniable.

Terre de découvertes et d'innovations, elle abrite les plus grandes écoles, les laboratoires les plus prestigieux, et des industries à la pointe de la technologie. Elle maîtrise des savoir-faire uniques, notamment dans le domaine du nucléaire, et porte une culture universelle qui a marqué l'humanité. Elle est le berceau de figures qui ont changé le cours de l'histoire : Victor Hugo, Louis Pasteur, Simone de Beauvoir, Voltaire, et tant d'autres. Mais ce même pays a également vu naître des idéologues toxiques et des dirigeants au mépris désarmant, capables de ternir cet héritage. Aujourd'hui, la fracture est béante : un malaise profond gangrène la société, exacerbant les divisions et rendant l'avenir incertain.

Ce déclin est aussi une conséquence d'une politique étrangère désastreuse. La France, jadis respectée pour son indépendance et ses idéaux, s'est associée à des régimes impopulaires et s'est vue éjectée sans ménagement de ses anciennes colonies en Afrique. Emmanuel Macron a réussi l'exploit de transformer la France en un symbole de néocolonialisme honni et de soutien inconditionnel à des agendas contestables. Ce pays qui se voulait un exemple d'humanisme et de justice est devenu une caricature de lui-même, suscitant méfiance et rejet, notamment chez ceux qui, de l'autre rive de la Méditerranée, scrutent cette déchéance avec tristesse et désillusion.

Mais nous, de cette rive, continuons d'espérer. Pas pour une France impérialiste, celle de 1830, mais pour une France lumineuse, celle de la Révolution, celle de Saint-Brumaire, celle de Pasteur et de Hugo. Une France capable de rassembler, dans un même élan de fraternité, les noirs, les jaunes, les métis, les beurs et les eurasiens autour d'idéaux universels de liberté, d'égalité et de justice. Une France où l'humanisme triomphe sur les dogmes de haine et de division, où Coluche aurait sa place, mais pas Zemmour, où l'on célèbre les différences au lieu de les stigmatiser.

Le déclin actuel n'est pas une fatalité. Mais le sursaut nécessaire pour inverser cette tendance ne viendra pas d'un miracle. Il exigera une introspection courageuse, un abandon des illusions néocoloniales, et une réconciliation sincère avec les valeurs qui ont autrefois fait la grandeur de ce pays. Il faudra également repenser les alliances stratégiques, rééquilibrer les choix économiques, et apaiser les tensions internes qui minent la société.

Alors, Marianne, la balle est dans ton camp. Vas-tu te laisser emporter par le courant impétueux de l'histoire, ou choisiras-tu de te redresser, de retrouver cette flamme qui faisait de toi une source d'inspiration pour le monde entier ? Le temps presse, mais l'espoir n'est pas encore éteint. La France peut encore se relever, si elle le veut vraiment.