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Les vertus d'un dialogue national

par El Yazid Dib

Voilà qu'un dialogue national va avoir lieu. Déjà, l'on suppose qu'il a été amorcé par la prise des « mesures d'apaisement » décidées dernièrement par la présidence de la République. Une éclaircie, tant attendue somme toute, dans un ciel inutilement embrouillé.

Pour un front intérieur fort et uni :

C'est l'occasion idoine, en rapport à ce qui se passe dans la région, de créer un cadre de profonde concertation afin de resserrer les rangs pour un front intérieur qui a trop manqué.

A part des frontières d'éthique et de respect des constantes nationales, il ne peut y avoir dans un quelconque dialogue, nulle autre condition. C'est ce front qui s'élèvera tel un rempart solide veillant à repousser toute velléité portant en son sein le mal catastrophique qui est en train de dévorer avec une fureur indescriptible tous les États qui se renferment. S'entourer des siens, fédérer ses énergies, c'est pour tout pays une défense inégalable. Avec l'escalade bis-repetita de la version finale du ‘printemps arabe', l'Algérie n'est pas indemne de fièvre, elle n'est pas à l'abri d'un dessein malveillant voulu par ceux qui lui nourrissent haine et arrogance.

Ainsi, il reste prouvé, que c'est du dialogue que se brisent tous les verrous des incompréhensions qui n'auront qu'à empêcher la cohésion sociale. Celle-ci est plus que recommandée en ces temps pleins d'incertitude et de sérieuses menaces. De par ses positions souveraines des causes justes, à l'égard de l'inégalité occidentale qui gère ce monde, son refus de suivre la cadence des normalisateurs, son maintien résolu à garder vive la mémoire collective historique, les sournois conflits qui cernent ses frontières, l'Algérie est sommée de rassembler tous ses enfants. Un peuple uni reste toujours invincible. L'union n'exprime aucunement l'unicité d'idée, elle se nourrit de la diversité.

Consolider et garantir l'expression

Quoi de mieux et de constructif que d'avoir en face de son avis, un avis contraire. C'est juste un avis émis nonobstant la divergence qu'il véhicule. Pourvu qu'il travaille la symbiose du débat en ses termes positifs. La liberté d'expression reste du ressort de la responsabilité de celui qui en use. Sans ça, il ne sera question que d'un échange de discours habituels, de gesticulations façadières. C'est pour son apothéose qu'il ne faudrait pas tenter d'imposer son schéma ou d'essayer forcément de l'habiller de toute la vérité. Il faudrait convaincre et non vaincre, débattre et non battre. L'on a tous à gagner d'aller au fond de ses propositions afin d'annihiler les dissensions qui minent en sourdine les multiples pans de la société. Aucune épée de Damoclès ou d'autre ne doit être suspendue sur la verve ou la plume d'un locuteur ou d'un auteur. Faire apprendre sereinement, sans coercition, les règles du comment bâtir ensemble le projet démocratique dans la sérénité et la mutualité des efforts. Apprendre comment s'épanouir dans un Etat de droit et de justice, où transcrire un avis n'est pas un tort, où l'injure, la diffamation et le mensonge sont légalement réprimés.

Redessiner le paysage politique

L'expérience a démontré que la léthargie a touché tous les partis, y compris ceux qui se proclament de la coalition présidentielle. L'espace est vide. Ils peuvent toutefois argumenter ce déficit par le climat qui a bloqué et étouffé tacitement toute activité du genre. Cette formule de vouloir gérer un acte politique par un autre d'ordre administratif n'est pas à rendre prometteur un avenir d'engagement. C'est bien beau de n'apparaître que lors de joutes électorales, mais ça reste insuffisant pour un parti dont le but vise, par définition l'accaparement du pouvoir.

La nouveauté ne peut provenir que de la création d'un nouveau militant imbu d'un idéal. Celui qui ne vient pas de l'exercice politique, faire carrière ou faire un métier juste pour être candidat. On le verra investi dans la proximité, dans la mobilisation de son propre environnement pour des causes nationales, de patriotisme, de service public et de bon comportement citoyen. C'est dans ce contexte qu'il faudrait toiletter un peu la loi sur les partis et le code électoral. Certains partis recourent, pour participer à n'importe quelle élection, à des citoyens qui n'ont nulle attache avec le parti. Il suffirait pour cela l'établissement d'une carte d'adhésion la veille, pour que le lendemain, le stagiaire bleu d'hier devienne le candidat, le futur élu. Sans socle idéologique ni formation politique, il s'aventurera néophyte dans un monde qui n'est pas le sien. Penser ainsi à inclure une disposition que seuls les citoyens ayant au minimum un temps appréciable (3 à 5 ans) de militantisme, puissent ouvrir droit à la candidature. Cette obligation statutaire fera éviter l'opportunisme et forcera le parti à l'investissement de ses compétences. Et puis, quel avenir aura l'opposition ? Il faudrait y réfléchir. Lui garantir l'expression multiforme, la renforcer le cas échéant ne sera qu'un salut salvateur pour la manifestation de la démocratie. Elle est vitalement nécessaire pour l'équilibre des pouvoirs et c'est elle qui authentifié l'existence d'une société politique démocratique. Elle est sa signature.

Recréer l'esprit du bénévolat politique

Il y a lieu dans cet effort de révision des textes fondamentaux des Assemblées populaires, d'abroger carrément le décret instituant des indemnités pour les élus locaux.

La situation presque « salariale » dans cette fonction élective est devenue un vrai obstacle pour l'accomplissement de la mission. Ces indemnités ont tendance à fausser tout le jeu politique. Elles sont devenues à la limite d'un appât, une demande d'embauche assurée sans nulle condition statutaire. Outre les dissensions qu'elles engendrent dans la rivalité intra-partisane, elles détrônent tout idéal politique en plus de la perversion des mœurs liées à l'homogénéité et la sérénité des assemblées qu'elles excitent. Ceci s'applique pratiquement à toutes les assemblées, de surcroît à celles des collectivités locales. Les pouvoirs publics et la pureté de l'esprit politique gagneraient en crédibilité si la suppression de ces «mensualités » venait à être décidée. Tout travail mérite salaire, tout engagement politique exige sacrifice et bénévolat, sinon l'on se rapproche de l'enrôlement déguisé ou du mercenariat sans nom.

L'élu est au service de sa population. Il s'est porté volontairement candidat non pas à un concours de recrutement mais au suffrage des électeurs. Il n'a pas à être « mensualisé » pour cela. Car, entre autres, ce sont ces « privilèges « qui ont fait déprécier le travail de l'élu. En plus, ils ont eu cette tendance d'ameuter quiconque aux fonctions électives. Ceux qui sont dedans, savent très bien de quoi ça retourne. On se chamaille pour les postes de vice-président, de président de commission, de rapporteur, cela gratifie grassement le titulaire. Donc, ce régime indemnitaire fait qu'il n'y a plus de militants de gabarit, pour se trouver face à des demandeurs de travail « salarié ».

Avec qui « dialoguer »?

Il n'y a pas que les partis agréés au grand jour que l'on verra, réunis autour d'une table ou reçus en aparté qui seront à même d'imprégner d'authenticité du dialogue. Ou avec ce que l'on a pris pour pli de désigner comme « personnalités nationales ». Leur logiciel systémique n'est plus adaptable à la configuration actuelle. Les codes d'accès ne sont plus les mêmes et le même monde n'existe plus.

Il y a aussi, ceux qui n'ont aucun sigle, aucun siège, aucun cachet rond, qui ne se réunissent pas clandestinement, qui n'émargent sur aucun registre, qui sont sur les bancs publics, dans les chaînes des guichets postaux, en salle d'attente des urgences médicales, dans les chantiers, dans les amphis, à l'étranger ; mais qui font fondamentalement la substance et la raison de tout acte partisan ou politique. Le peuple et ses différents segments.

Il en est de même de cette société que l'on qualifie de «civile» et qui reste placidement une opacité voire même un globe trop gluant, dense et indéterminé. Il faudrait donc aller vers les individualités. Vers ceux qui portent, chacun en son domaine, un idéal sociétal. Il y a l'université, l'entreprise, les professionnels de métiers, le retraité, la société grouillante et silencieuse. Faire en sorte que le débat soit de la portée que celle de la Charte nationale en 1976 sera d'un apport considérable. Certes le contexte n'est plus à l'identique, mais les acteurs sont toujours les mêmes quoique de différentes mentalités et de moindre implication politique. A cette époque là, il était permis de dire n'importe quoi sans se soucier de la chape de plomb qui, pourtant plombait hermétiquement l'atmosphère. C'est tout à fait simple de promouvoir l'échange, savoir s'écouter et laisser se diluer les langues. Évidemment, l'organisation d'un cadre idoine est de mise. Comme l'est l'exigence d'une discipline et d'une méthodologie. Le canal d'ouvrir le débat n'est pas uniquement une table ronde ou un espace de réunion. Il doit y avoir, comme l'avait affirmé le président de la République, l'émission de l'avis et sa transmission, que ce soit dans la presse écrite, sur les plateaux de télévision ou maintenant sur les réseaux sociaux. Un vrai et large débat populaire, sans toutefois tomber dans la tour de Babel, ni le rendre en une foire de papotage sans intérêt. Il vrai qu'il faudrait, toutefois avoir de la vigilance, quant aux réseaux sociaux, car ils peuvent dissoudre le débat dans la subversion et le dénuer de sa vitalité.

Un dialogue au service de l'économie nationale

Avec ce qui se réalise comme grands projets, comme lumineuses perspectives, le pays doit s'atteler davantage à diversifier ses activités économiques, autant qu'il existe, d'énormes potentialités humaines, minières, agro-alimentaires, de services. Ainsi ce dialogue aura à gagner en se penchant sur la fixation des priorités et la participation de toute capacité productive. Il y a cette intelligence juvénile, qu'il suffit de la mobiliser, à l'instar de ces startups qui commencent à foisonner.

A voir le chiffres donnés par le président lors de son dernier discours devant les parlementaires, il y a tout de même une certaine confiance. Leur évidence mériterait un débat dans ce sens, tant par les institutions qualifiées, genre CNESE, que par des spécialistes es-qualité. Cela va permettre de les corroborer, d'ajuster les éventuels écarts en rapport des objectifs tracés et de surcroît lancer des modes d'appui, en termes d'efficacité. Le tout vise à mettre en adéquation les conditions de l'émergence d'une économie compétitive. Une avancée remarquable est à relever et qu'il faudrait booster. Chose qui ne va pas tranquilliser les adeptes de la suspicion et ceux qui peuvent dénicher un rebelle cheveu sur le crâne d'un chauve. Il reste cependant beaucoup de choses à faire. Aucune œuvre ne s'accomplit, tout est relatif, tant qu'une tranche en appelle une autre. C'est le propre d'un cycle de développement harmonieux.