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Les prix littéraires sont liés
à l'Histoire culturelle, politique et linguistique des pays qui les ont créés,
et associés également aux luttes politiques engagéés
par des acteurs en vue de la construction étatique de l'Etat-Nation.
Ce processus s'applique parfaitement à la mise en place des institutions de l'Etat français et de la langue française. Il convient d'indiquer que les caractéristiques de cette langue ont pris forme depuis le milieu du Moyen-Age, à partir de quelques écrits qui découlaient de la langue latine populaire et des dialectes germaniques, ce dispositif s'est constitué dès le début du douzieme siècle avec la « chanson de Roland » qui glorifiait, à l'époque, les victoires de Charlemagne sur les Musulmans au moment de la conquête de l'Andalousie. Cela a donné lieu à l'apparition de l'idée de la construction de l'Etat-Nation sur la base de cette langue, c'était au début de la Renaissance française au seizième siècle. Ainsi s'amorce l'intérêt pour l'écriture littéraire, en tant qu'élément typique de l'identité, d'où la mise en place d'instances pour gratifier d'estime les écrivains. D'ailleurs on note l'existence de plusieurs prix littéraires en France, dont le prestigieux prix Goncourt, et le prix de l'Académie française, puis surviennent d'autres prix tels que Femina, Renaudot, Médicis, Interallié et le Prix des étoiles Librinova, etc. Ce nombre important de prix permettait aux écrivains français et francophones d'accéder à la récompense, et même si le nombre de ces écrivains dépasse les trente mille, et aussi le nombre de prix littéraires franchit le cap des deux mille prix, on pourrait dire que parmi ces prix, seuls quelques deux cents prix ont eu un écho national en France et à l'international1. -1- Naissance de l'Académie française/Invention d'une langue : Cette instance est considèrée comme la première institution culturelle française qui prend en charge la langue. Elle est fondée en 1634 et officialisée en 1635 par le Cardinal de Richelieu, homme de religion et puissant ministre sous le règne de Louis XIII qui a gouverné de 1610 à 1643, la France et le Royaume de Navarre, c'est-à-dire la région basque au sud de la France actuellement. L'Académie a eu pour objectifs de travailler sur la langue française sur la base de réflexions approfondies et laborieuses, en produisant des dictionnaires et en élaborant des traités de grammaire, de réthorique et de métrique. Dans l'esprit de ses missions, en tant qu'institution autonome du pouvoir politique, elle œuvre à normaliser et développer la langue française dans ses aspects syntaxiques, morphologiques. Dans la foulée de cette construction étatique, l'Académie a publié son premier dictionnaire en 1694, c'est-à-dire une année après sa création. Il faut rappeler que la création de l'Académie est associée à l'Histoire de l'Etat-Nation français, elle a eu pour fonctions d'en faire de la langue française, la langue unique pour le pays, la langue de l'administation, de la justice, de la science, de l'enseignement, de la culture, de la politique et de l'économie. Cette langue a connu, à la date du mois d'août 1539, une extension et une influence considérables grâce à l'ordonnance de Villers-Cotterêts, édictée et paraphée par le Roi François Ier. L'ordonnance insiste dans son article 110 sur la formulation irrécusable des arrêts de justice, pour « qu'il n'y ait, ni puisse avoir, aucune ambiguïté ou incertitude, ni lieu à demander interprétation »2. D'autres initiatives s'ensuivent afin de renforcer cette tendance, tel que le mainfeste fondateur intitulé « La Défense et illustration de la langue française », publié en avril 1549 par un groupe de poètes qui portent le nom de La Pléiade. Au début l'Académie était impénétrable, elle n'incorporait dans ses rangs que les auteurs classiques et/ou conservateurs. Elle a amorcé son ouverture au 19ème siècle aux auteurs romantiques : tels que le poète Chateaubriand, et aux romanciers comme Lamartine, Victor Hugo, ainsi qu'à des hommes politiques, des hommes de religion, des journalistes, des critiques littéraires, et pareillement à des enseignants universitaires. Elle a d'ailleurs entrepris des actions de parrainage d'environ soixante prix destinés aux différentes spécialités telles que la littérature, l'Histoire et la critique littéraire. En 1986, elle a conçu le grand prix de la Francophonie, sous l'initiative du gouvernement canadien, et par le concours financier de la Principauté de Monaco et du Royaume du Maroc. Ce prix est annuel dont l'objet est de couronner « l'œuvre d'une personne physique francophone qui, dans son pays ou à l'échelle internationale, aura contribué de façon éminente au maintien et à l'illustration de la langue française »3. A partir des années 1980, l'Académie s'est employée à évoquer que plusieurs communautés à travers le monde possèdent la langue française en partage. Afin d'élargir l'influence de cette langue, donc il a été convenu l'éventualité d'ouvrir les portes de cette institution à des représentants d'autres peuples. Ce qui a permis l'élection, en 1983, de Léopold Sédar Senghor, personnalité politique et homme de lettres sénégalais, en 2001 du Chinois François Cheng, de l'Algérienne Assia Djebar en 2005, du Libanais Amin Maalouf en 2011, et de bien d'autres. Au début l'Académie ne s'intéressait pas à la nouvelle culture qui s'y est développée au sein de la société, et son intérêt pour le genre romanesque ne s'est manifesté qu'après une longue période. Par égard à la Poètique de Boileau, élu membre de cette institution en 1684, elle considérait le roman comme un genre vulgaire. Cette poètique, celle de Boileau, délimitait les genres littéraires à trois uniquement : la réthorique, l'Histoire et la poèsie. Réticente au début, elle arrive à créer en 1915, le grand prix du roman, car elle subissait les critiques de l'institution Goncourt, sa concurrente, et de certains de ses membres qui insistaient sur la nécessité de réserver une place au genre romanesque dans les activités de l'Académie et le reconnaitre comme genre littéraire intégral. Fondé au début du vingtième siècle, le prix Goncourt a joué un rôle considérable et déterminant dans la valorisation du statut du genre romanesque, ce qui a poussé l'Académie française à revoir ses projets, puisqu'elle a réalisé que « l'heure était venue de le reconnaître comme genre littéraire égal aux autres, à ceux qu'elle a toujours salués. Elle sait que faute d'une telle reconnaissance, l'opposition entre la jeune et si active société littéraire des Goncourt et la Compagnie fondée par Richelieu la condamnerait à une marginalité littéraire »4. C'est pour cette raison que l'Académie a décidé, en 1914, d'accepter le genre romanesque et de l'intégrer dans ses projets, en conséquence elle a décerné en 1919 un prix littéraire à Pierre Benoit, un jeune romancier pour son roman « l'Atlantide ». A partir de ce moment là, l'Académie « mettait fin à la longue querelle véritable roman qui l'avait opposée au genre romanesque »5. Le conflit autour des choix littéraires de cette institution a été tranché, depuis longtemps, au profit des classiques, ceci en dépit de la présence des romanciers (classiques, romantiques ou réalistes) qui ont siègé aux différentes réunions de cette organisation. Pour dire que « l'affrontement emblématique des Dix académiciens de l'Académie Goncourt et des Immortels de l'Académie française engageait une redéfinition des hiérarchies esthétiques entre vers et prose à une époque où il était devenu possible à la prose romanesque d'imposer son hégémonie »6. A partir du début du 19ème siècle jusqu'à la fin du vingtième siècle, le statut de l'écrivain français a connu des changements qui ont eu une influence déterminante sur le cours des événements, sur des pratiques et sur des opinions, d'où le recul du prestige sacralisant de l'écrivain, dans une conjoncture où les prix littéraires commençaient à connatre une certaine prolifération. L'homme de lettres qui « était hier le poète glorieux, à l'image du prince. L'Académie intronise cette figure héroïque, dont Victor Hugo constitue le paradigme. Aujourd'hui, l'éphémère lauréat du Goncourt, dont les lauriers se fanent parfois aussi vite qu'ils ont bourgeonné, est englué dans un réseau à l'intérieur duquel éditeurs, jurys, médias et autres prescripteurs imposent le goût littéraire, dans une logique de marché et d'investissement » 7. -2- Le prix Goncourt : intrigues et rivalités? Considéré comme le prix littéraire majeur dans le champ littéraire frainçais par son ancienneté et son prestige, le Goncourt trouve sa genèse dans le testament légué en 1892 par Edmond de Goncourt. Le prix n'a été attribué qu'en 1903, c'est-à-dire une année après la fondation de la Société littéraire qui porte son nom et le nom de son frère décédé avant lui d'une année. Edmond de Goncourt a recommandé d'accorder, après son décés, une somme d'argent de 5000 francs aux écrivains et de 6000 francs à chaque membre de la société littéraire et a chargé son ami l'écrivain Alphonse Daudet de mettre en œuvre son testament. L'association devrait se composer de dix membres, sa base matérielle est la fortune léguée par Edmond de Goncourt qui a recommandé que l'adhésion au sein de cette association sera réduite aux hommes de lettres uniquement « rien qu'homme de lettres, on n'y recevra ni grands seigneurs, ni hommes politiques » 8. L'objectif étant d'apporter un soutien matériel aux écrivains afin qu'ils font face aux difficultés de la vie quotidienne et en même temps les encourager à se consacrer exclusivement à l'écriture et à l'effort intellectuel créatif. Les membres du jury sont selon le testament d'Edmond Goncourt- au nombre de dix, sept (ou huit) sont désignés à vie et trois (ou deux) seront élus, et en cas de décés d'un membre, le jury procédera à l'élection d'un remplacement. Edmond de Goncourt dans son testament avait indiqué que : « Cette société se composera de dix membres qui seront : 1. Alphonse Daudet, 2. Joris-Karl Huysmans, 3. Octave Mirbeau, 4. Rosny (l'aîné), 5. Rosny (le jeune), 6. Léon Hennique, 7. Paul Margueritte, 8. Gustave Geffroy »9. Actuellement, les membres sont les suivants: Didier Decoin, élu en 1995 président de l'Académie jusqu'au 13 mai 2024, Françoise Chandernagor, élue en juin 1995, Tahar Ben Jelloun, élu le 6 mai 2008, Paule Constant, élue le 8 janvier 2013, Philippe Claudel, élu le 11 janvier 2012, actuel président de l'Académie, depuis le 13 mai 2024, Pierre Assouline, élu le 11 janvier 2012, Éric-Emmanuel Schmitt, élu le 6 janvier 2016, Pascal Bruckner, élu le 11 février 2020, Camille Laurens, élue le 11 février 2020, Christine Angot rejoint l'académie en 28 février 2023. Les membres du jury se réunissent tous les premiers mardi de chaque mois au restaurant Drouant à Paris pour délibérer et choisir les lauréats. Ils arrivent à retenir un nombre de quinze romans au début du mois de septembre, ensuite «la liste se réduit à 8 puis à 4 noms à l'issue de deux nouveaux tours de sélection » 10. Le lauréat du prix Goncourt sera connu au début du mois de novembre de chaque année. Sylvie Ducas, professeur de littérature française contemporaine, ayant consacré une thèse de Doctorat à la thématique des prix littéraires, considère que ce prix est l'héritier « direct des cénacles et des banquets lettrés du xviiie siècle » 11. Il serait utile de rappeler que la mise en place du prix Goncourt était comme une réaction aux différents choix de l'Académie française dans le domaine de l'écriture littéraire, ce qui laisse entendre que « la logique de l'objection et de la protestation est inhérente à l'histoire de la création des prix littéraires» 12. Dans l'esprit d'Edmond de Goncourt, la fondation du prix, doit permettre de « lutter contre l'industrie des lettres au profit du grand homme de lettres nécessiteux afin de le mettre à l'abri des exigences du marché »13, toutefois les lecteurs n'ont d'autres choix que celui d'acheter les romans primés de manière significative. Selon Sylvie Ducas l'Académie Goncourt est devenue de fait « le plus bel exemple de détournement d'un mécénat littéraire par l'économie de marché»14. Profitant de cette aubaine, les éditeurs s'introduisent dans le marché de manière perceptible, et par conséquent le prix qui était autrefois « éclaireur du monde des lettres, [il] en est réduit au rôle de simple indicateur de tendances, de baromètre des ventes »15. Le montant du prix a été limité à un simple chèque d'une valeur de 10 euros, mais la véritable récompense consisterait dans l'impression, la vente du roman couronné en plusieurs centaines de milliers d'exemplaires, par le renoncement aux droits au profit d'éditeurs étrangers et à la traduction dans d'autres langues, ce qui est bénéfique pour l'éditeur et pour l'aueur, au même titre. Il est à noter que « les prémices d'une crise du modèle académique sont décelables dans la prolifération immédiate de prix littéraires concurrents, à commencer par le Prix du Roman de l'Académie française »16, qui serait le premier indicateur de cette crise. A partir de ce moment se développaient plusieurs prix pour concurrencer le Goncourt, on peut citer le Prix Renaudot créé en 1926 par des journalistes qui ont choisi de l'associer au nom du journaliste Théophraste Renaudot (1586-1653), fondateur en 1931 de « La Gazette » premier journal français. L'objectif étant de corriger les aberrations du Goncourt et son « injustice », il est à noter également que la « concurrence » du prix « Renaudot avec le plus prestigieux des prix littéraires français est telle que l'annonce de l'ouvrage primé est organisée à la même date et au même endroit que celle du Goncourt »17, c'est-à-dire au restaurant Drouant, mais l'auteur récompensé par ce prix ne reçoit aucune somme d'argent mais voit son ouvrage tiré à 220.000 exemplaires, procurant subséquemment au prix une grande valeur médiatique. Quant au Prix Femina, destiné aux auteurs féminins, il a été conçu comme une réplique à la masculinité dominante et à la misogynie du Goncourt, cela s'est cristallisé après le refus en 1922 du jury de ce prix de primer une romancière. Le jury du prix Fémina est composé de femmes uniquement, et accordé à une œuvre littéraire écrite en poésie ou en prose, et il est également accordé aux femmes et aux hommes et même à ceux qui n'ont pas la nationalité française, mais aucune somme d'argent ne sera remise à la lauréate ou au lauréat, tandis que le livre gratifié bénéficiera d'une belle promotion et d'une vente qui pourrait atteindre entre quarante mille (40.000) ou cent mille (100.000) exemplaires. Le prix Médécis est créé en 1958 par un passionné de la littérature Gala Barbisan, en l'occurrence, et par le célèbre homme de lettres J.P.Giraudoux. Ce prix est destiné aux jeunes auteurs et distribué deux jours avant la remise des deux prix cités plus haut. En 1970 a été envisagée la mise en avant du Prix Médicis étranger qui sera remis aux auteurs qui écrivent dans une autre langue que le français. Ce qu'on peut constater en suivant le cheminement de ces prix littéraires octroyés en France, c'est qu'ils sont devenus des activités fondées sur « l'économie de prestige », entendu que le livre littéraire est et restera toujours une marchandise comme les autres marchandises, toutefois une marchandise à caractère symbolique, elle anoblit le statut de la littérature et également celui de l'écrivain, en tant que créateur de fictions et de valeurs morales et esthétiques. Malheureusement, ce genre d'activités profitent aux éditeurs et aux disributeurs de livres en leur ouvrant grande la porte afin d'obtenir le maximum de bénéfices financiers, du moment où « l'histoire des prix nous renvoie à la précarisation actuelle de la condition de l'écrivain, au déclin de sa fonction sociale et à la perte de l'aura de l'œuvre littéraire » 18, surtout dans le domaine de la de la promotion médiatique et de la publicité, qui accompagnent actuellement les orientations économiques et commerciales dans cette phase historique, véritables problèmatiques révélées dans le champ littéraire français. Evidemment le champ a connu plusieurs changements liés à l'explosion médiatique et la survenue des industries culturelles, donnant naissance à des valeurs nouvelles, des luttes souterraines et à des jeux des relations entre les acteurs impliqués dans ce genre d'activités, en plus des pressions exercées sur les membres des jurys par des éditeurs qui dominent la scène culturelle, tels que Gallimard, Grasset et Seuil. Ce trio d'éditeurs ont pris comme dénomination « Galligrasseuil » 19, du fait de leur grand dynamisme dans les ventes, leur énorme monopolisation du marché du livre, et selon quelques observateurs à une entente avérée pour le partage des prix. Ces pratiques ont incité le journaliste Guy Konopnicki à publier en 2004 un ouvrage (un pamphlet) portant un titre révélateur « Prix littéraires : la grande magouille»20. Pour ce journaliste qui fait une critique acerbe des pratiques caractérisant les délibérations des jurys, qui sont « élus à vie » jusqu'à la fin de leurs jours avec les maladies et les affaiblissements du corps qui s'ensuivent, donc ils seront pour ce journaliste- sensibles aux pressions des éditeurs qui « poussent quelques poulains choisis parmi leurs nombreux auteurs. Les membres de ces doctes académies ont parfois des faiblesses : écrivains eux-mêmes, ils sont sensibles aux choix de leur propre éditeur »21. Pour durer dans le champ littéraire, l'écrivain doit s'adapter à cette nouvelle situation, et se défaire de son statut idéaliste et être contraint à « bricoler une image auctoriale « bancale » entre aspirations associées à l'idéal révolu du grand écrivain et concessions au régime du vedettariat, de la médiatisation et des temporalités courtes de l'édition»22. C'est une opération commerciale réalisée par des ventes spectaculaires surtout à l'automne où la demande sur les livres est élevée. C'est une opportunité pour les éditeurs, Gaston Gallimard et Bernard Grasset, en l'occurrence, d'en faire un événement culturel de grande importance, le prix devient « une excellente tribune, à un moment où le public s'alphabétise grâce à l'école et manifeste un goût massif pour le roman » 23. Aussi, « sur deux cents prix attribués entre 1988 et 2008, le trio « Galligrasseuil » (Gallimard, Grasset et Seuil) en a obtenu cent sept » 24. Par contre, il faut savoir que le prix Goncourt à été décerné à l'écrivain franco-marocain Tahar Bendjelloun en 1987 pour son roman « La Nuit sacrée », au franco-libanais Amin Maalouf en 1993, pour son roman « Le Rocher de Tanios », et à la franco-marocainne Leila Slimani en 2016 pour son roman, « Chanson douce ». Le Goncourt, quelles opportunités pour les écrivains algériens? Bien que la littérature algérienne, écrite en langue française, existe depuis un siècle, les écrivains algériens et à leur tête Mohamed Dib qui a été lauréat au prix littéraire de l'Académie française en 1994, attribué pour la première fois à un écrivain maghrébin, il a reçu d'autres prix mais il n'a jamais obtenu le prix Goncourt. On peut citer également Assia Djebar, membre de l'Académie française, ou encore Kateb Yacine et Rachid Boudjedra qui n'ont pas obtenu ce prix, et leurs candidatures n'ont été intégrés dans aucune liste du Goncourt, exception faite de Kamel Daoud qui a été sélectionné pour ce prix mais il n'a pu recevoir que le prix Goncourt du Premier Roman en 2015, un prix moins prestigieux que le Goncourt originel, par contre il a réussi à l'obtenir cette année 2024. Cette distinction applaudie dans l'Hexagone a créé une grosse polèmique en Algérie, en raison de la plainte déposée par une victime du terrorisme, Madame Saada Arbane, dans ce cas, personnage central, « réel ? » ou « fictif ?» du roman « Houris » de l'auteur (matière à débat entre critiques littéraires et lecteurs avertis ?). La plaignante accuse l'auteur d'avoir subtilisé sans son accord- son histoire avec la complicité de sa femme, alors médecin à l'hopital où elle se soignait. Polémique amplifiée par les déclarations et écrits journalistiques de l'auteur sur l'Algérie et les Algériens, dont les éléments du discours sont empreints de clichés réducteurs, et de propos xénophobes chers à l'extrême droite française. Cette distinction a pris l'allure d'une affaire méditico-politique et judiciaire, dépassant le cadre purement littéraire. Quant à Boualem Sansal un autre écrivain dissident et fait l'objet de plusieurs accusations d'ordre politique suite à ses déclarations révisionnistes sur l'Histoire de l'Algérie et en dépit de plusieurs inscriptions sur les listes des prix, il n'a pu obtenir que le prix du Grand prix du roman de l'Académie française 2015 pour son roman « 2084 : la fin du monde », Editions Gallimard, le hasard a voulu que son incarcération en Algérie coïncide avec la distinction de Kamel Daoud par l'Académie Goncourt. Ces controverses pourraient altérer gravement le statut de la littérature algérienne, en particulier, celle écrite en langue française, d'où les débats passionnants et passionnés autour de la littératutre et des prix, débat déjà fortement engagé, l'été 2024, autour du prix Assia Djebar, dont l'auteure Inaam Bayoud a été couronnée pour son roman « Houaria » écrit en langue arabe. Prix littéraire français, s'ouvrir sur d'autres cultures ? L'attribution des prix littéraires français ne s'est pas limitée aux institutions françaises et aux espaces parisiens, où l'on attribuait le prix Goncourt, le Grand Prix du roman remis par l'Académie française, le prix « Renaudot », le prix « Femina », le prix des Lycéens, etc., elle s'est élargie à d'autres horizons et à d'autres territoires, ou ce qu'on appelle les écrivains d'Outre-France, comme il a été envisagé la création en 2022 d'un « Goncourt Algérie » destiné aux jeunes talents. Ce qui signifie que «le centre, ce point depuis lequel était supposée rayonner une littérature franco-française, n'est plus le centre. Le centre jusqu'ici, même si de moins en moins, avait eu cette capacité d'absorption qui contraignait les auteurs venus d'ailleurs à se dépouiller de leurs bagages avant de se fondre dans le creuset de la langue et de son histoire nationale. [...] Fin de la francophonie. Et naissance d'une littérature-monde en français » 25. C'est par ce manifeste signé par quarante- quatre écrivains de langue française et dont la plupart ne sont pas d'origine française se sont dressés, provoquant un grand débat, sur leur place dans la francophonie littéraire, qui serait une tentative de se libérer de la domination du Centre. On peut dire que la littérature algérienne, comme d'autres littératures francophones et quoiqu'on dise- sont marginalisées et peu lues, contrairement à la littérature française qui est très valorisée en France. Dans cet esprit (centre/périphérie) même la littérature écrite par les enfants d'émigrés (Arabes-d'Europe= Beurs), est classée parmi la littérature maghrébine ou plus exactement affiliée à la littérature algérienne, malgré la détention de ces écrivains sont détenteurs de la citoyenneté française acquise par la naissance, c'est-à-dire par le « Droit au sol »26. Conclusion : Les critiques adressées aux prix littéraires tournent généralement autour des aspects commerciaux qui font que les éditeurs glanent beaucoup d'argent en livrant les romans primés, contribuant, par cette pratique, à contourner les principes et les normes de la consécration littéraire, qui générent des oppositions et des contestations dont la dimension croissante est palpable. Les frondeurs réfutent par leur prise de position, l'ingérence des relations personnelles et les affinités entre les éditeurs et parfois les familiarités avec les écrivains qui sont également membres du jury, posant par conséquent des questions autour de la légitimité de ces collèges et sur leurs capacités d'identifier les critères de la qualité littéraire et du mérite des lauréats aux prix littéraires27. Etant donné, la possibilité d'un certain favoritisme entre les éditeurs et les écrivains, qui jouerait un rôle déterminant dans le couronnement de tel ou tel écrivain. Néanmoins toutes ces critiques et ces imperfections signalées n'enlèvent en rien à la valeur de ces prix littéraires du moment où ils permettent à la vie culturelle d'acquérir un certain dynamisme, et également d'encourager les publications, motiver la lecture en augmentant son pourcentage, en élargissant la communauté du lectorat. La lecture étant un outil pédagogique édifiant pour raffermir la dimension culturelle d'une population. Notes 1- Materne PENDOUE : Fonctionnement de l'emplacement des originaux de la bibliothèque universelle, https://books.google.dz books, p.11. 2- https://www.academie-francaise.fr la-langue-francaise Du françois au français Naissance et évolution du français 3- Grand Prix de la Francophonie | Académie française https://www.academie-francaise.fr 4- Mme Hélène CARRÈRE d'ENCAUSSE :L'Académie et le roman, une longue hésitation:https://www.academie-francaise.fr . 3 déc. 2015 5- Idem. 6- Marie-Manuelle da Silva et Eduarda Keating : Complexités des prix littéraires et littérature française ou en français :https://journals.openedition.org carnets 2017p.10. 7- Véronique Pittolo : Sylvie Ducas : La littérature à quel(s) prix ? Histoire des prix littéraires, https://www.monde-diplomatique.fr 8- Léon Deffoux Annexe II : Le Testament d'Edmond de Goncourt - Persée https://www.persee.fr doc cejdg_1243-8170_1994, pp/ 114-119. 9- Le testament d'Edmond Goncourt : Académie Goncourt, https://www.academiegoncourt.com/le-testament-d-edmond-goncourt 10- Quels sont les principaux prix littéraires français ? - Librinovahttps://www.librinova.com blog 11- Cité par, Marie-Manuelle da Silva et Eduarda Keating: Complexités des prix littéraires et littérature française ou en français ...https://journals.openedition.org carnets 12- Stefania WATTIER : Les parodies de prix littéraires à l'ère numérique Analyse des ... https : //dial.uclouvain.be, p .6. 13- Citée par Benjamin Caraco : La littérature à quel(s) prix https://bbf.enssib.fr consulter bbf-2013-06-0092-006 14- Idem. 15- Idem 16- Marie-Manuelle da Silva et Eduarda Keating . Op.cit. p. 11. 17- Quels sont les principaux prix littéraires français ? Librinova https://www.librinova.com blog 18- Oriane Deseilligny :La littérature à quel(s) prix ? Histoire des prix littéraires, DUCAS Sylvie, La Découverte, coll. « Cahiers libres ». 19- Idem. 20- Guy Konopnicki, Prix littéraires la grande magouille Paris : J.-C. Gawsewitch, 2004 21- Idem 22- O Deseilligny La littérature à quel(s) prix ? Histoire des prix littéraires Cairn.info, https://shs.cairn.info revue-communication-et-langage... 2014 23- Une histoire de prix littéraires en France ActuaLitté https://actualitte.com 24 mai 2017 24- Véronique Pittolo : Sylvie Ducas : La littérature à quel(s) prix ? Histoire des prix littéraires, https://www.monde-diplomatique.fr 25- Pour une «littérature-monde» en français:https://www.lemonde.fr. 15 mars 2007. 26- Info droits étrangers : Les conditions d'accès à la nationalité française https://www.info-droits-etrangers.org ... 27- Idem : p. 9. *Professeur, Université d'Oran |
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