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«Révolution industrielle» : L'Age d'or ?

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

L'aventure humaine et industrielle de la Sidérurgie algérienne, 1964-1982. Par Association Mémoires Sns (Préface d'Akram Belkaid). Bibliothèque Nationale d'Algérie et Editions Dalimen, Alger 2021, 355 pages, 1.300DA



Aujourd‘hui encore, et ce malgré toutes les malaventures connues, la Sns figure dans le trio de tête des entreprises publiques emblématiques. Pourquoi ? Parce qu'elle fut d'abord le porte-étendard d'une grande ambition, celle de doter l'Algérie, pays neuf, d'un véritable tissu industriel. La Société nationale de sidérurgie (Sns) a été le lieu d'une aventure technique et humaine remarquable : l'édification en moins de vingt ans (1964- 1982) d'un secteur sidérurgique qui devait assurer le développement d'un pays déstructuré, affaibli par la guerre et sans passé industriel : on y coulait de l'acier, fabriquait des tubes, étamait des tôles fines, couvrait le marché intérieur de produits sidérurgiques... et formait des dizaines de milliers de cadres et de travailleurs qualifiés. L'entreprise qui comptait cinq personnes à son démarrage, fin 1964 est passée à plus de 40.000 personnes en 1982 dont plus de 20.000 à El Hadjar. Et, en 1977, elle comptait 26 unités Gse (dont, bien sûr, l'Unité du complexe sidérurgique d'El Hadjar/Annaba, l'Unité sidérurgique d'Oran (Acilor)... cinq unités de gaz industriel... qautre unités commerciales... ceci sans compter les centres de formation comme le Cfpm (formation professionnelle en métallurgie), le Citam (formation des techniciens et des agents de maîtrise), le Cefos (formation des ouvriers spécialisés), le Cifi (formation des ingénieurs), le Cfo (formation des ouvriers)...

Par ses témoignages et ses mises en situation, l'ouvrage raconte les multiples facettes de cette réalisation aussi importante que les terminaux gaziers et pétroliers d'Arzew et de Skikda. Réalisations techniques, comme un haut-fourneau...mais pas que ! A l'industrie industrialisante, l'entreprise a ajouté la formation essaimante. Des centaines de cadres passés par cette entreprise ont rejoint d'autres sociétés, amenant avec eux leur expérience et leur rigueur. La Sns, selon le préfacier, «c'était un viatique d'excellence, un label qui ouvrait nombre de portes». La suite fut une toute autre histoire faite de hauts et de bas, de bas bien plus que de hauts

Les Auteurs : L'Association «Mémoires Sns», créée le 20 février 2018... avec une quarantaine de témoins (1964-1882), en Algérie comme en France... et un groupe de travail qui s'est attelé à la traduction d'une partie de l'ouvrage aidé par un professionnel extérieur afin de restituer les mémoires des acteurs

Sommaire : Préface : Une aventure politique, économique et humaine/ Avant-propos/ Chapitre I : Une mise en perspective historique de la sidérurgie en Algérie/ Chapitre II : L'aventure humaine de la Sns racontée par ceux qui y ont participé/ Chapitre III : L 'aventure industrielle de la Sns vue par des acteurs de l'entreprise/Chapitre IV : Une aventure industrielle et humaine qui valait la peine d'être vécue/ Epilogue: l'évolution de la sidérurgie en Algérie de 1983 à aujourd'hui (2020)/Annexes (6)

Extraits : «De manière lapidaire, on dira qu'elle (note : Sns) fut d'abord le porte-étendard d'une grande ambition, celle de doter l'Algérie, pays neuf, d'un véritable tissu industriel .Contribuer à créer une industrie lourde capable de répondre aux besoins d'une économie à peine embryonnaire, voilà ce que fut le défi de la Sns et de ses dirigeants» (Akram Belkaid, journaliste et écrivain, préface, p 10), «Les deux années qui ont suivi l'indépendance ont été «d'une très grande fécondité dans la conception et la mise en place de dispositifs en vue du développement de synergies» (M. Liassine cité, p 30), «La culture d'entreprise... Une culture d'artisan semée au départ par une élite éduquée, souvent universitaire, sans expérience professionnelle ou presque... Des hommes nés et ayant vécu dans une situation sociale précaire... qui en avaient gardé le sens de la simplicité, de l'humilité, de la solidarité, de l'entraide, de l'endurance et de la justice... Une élite habitée par la recherche de la solution élégante de toute action engagée. Aujourd'hui on parle d'excellence...» (B. Khelouati,cité, p62), «La Sns a été une formidable école, une diffusion de la culture technique, du modernisme» (H. Laskri cité, p 117), «Le Sgt était tout a fait approprié aux problématiques de l'Algérie, mais les textes d'application en firent un monstre bureaucratique habillé d'un costume de science et de rationalité... le Sgt considérait que le monde des travailleurs était un ensemble unique. Il y avait un classement qu'on était tenu de respecter, mais c'était impossible de respecter ce monstre assassin. On ne pouvait que ruser avec lui» (M. Liassine cité, pp 126 et 131), «Il y avait une vie avant et une vie après la Sns. La Sns nous a toujours collé à la peau. Quel que soit l'endroit où tu allais, quand tu annonçais : «J'y étais jusqu'à fin 1985», on te répondait : «Ah ! La Sns !» (R. Agsous cité, p 144), «Pendant plus d'un siècle, les Algériens ont été écartés des responsabilités politiques, économiques et sociales du pays. Si l'on songe aux cinquante à soixante-dix ans qu'il a fallu aux pays développés pour mettre en place et asseoir leur base industrielle, on ne peut qu'être admiratif de ce qui a été accompli en moins de vingt ans par l'industrie algérienne au lendemain de l'indépendance» (p 263).

Avis - Ya hasra ‘ala Zman ? Un temps que les moins de quarante ans devraient connaître pour saisir le poids des sacrifices et des efforts alors consentis. En espérant voir d'autres cadres et témoins de l'aventure économique et industrielle (et socio culturelle), des années 60 et 70 écrire leurs mémoires. Côté lumières, côté coulisses... et côté sombre. Notre Histoire immédiate en a vraiment bien besoin.

Citations : «Un étranger à la Sns, ce n'était pas un coopérant, c'était toujours un collaborateur» (Z. Abderrahim, cité p 72), «On peut être très compétent individuellement, mais compétents en équipe, ce n'est pas évident» (M. Liassine cité, p 98), «Aucun groupe ne peut fonctionner sans confiance... La confiance étant en quelque sorte synonyme de décentralisation dans le management... les orientations, les manières de travailler, c'étaient les manuels de gestion» (M. Liassine cité, pp 103 et 105), «Dans gestion socialiste, le mot le plus puissant n'était pas gestion, c'était socialiste» (M. Liassine cité, p 119), «La Sns était ainsi une aventure humaine au service d'une aventure industrielle» (p 145), «La Sns fut une anomalie génétique dans le chromosome économique algérien» (Djamel Mostefaï cité, p294)



Entrepreneurs, Pouvoir et Société en Algérie*. Essai de Nordine Grim. Présentation de Arezki Idjerouidène. Péface de Boualem Aliouat. Casbah Editions. Alger 2012. 187 pages, 850DA



Depuis l'Indépendance du pays, un (01) seul patron (privé) a fait partie d'un gouvernement, au début des années 1990 (Reda Hamiani, au département des Pme, et actuel président du Fce)... Depuis, plus rien ? Avant, impensable ! Depuis la création de la Bourse d'Alger, c'est seulement début février 2013 qu'il est annoncé la prochaine entrée , avec 25% du capital social ; d'une entreprise industrielle à composante familiale. Jusqu'ici, même si de puissantes Sarl (d'essence familiale) étaient transformées en Spa, comme actionnaires, il n'y a que «les parents et alliés» C'est dire le fossé qui sépare encore le comportement «étatiste» des pouvoirs publics du pays... et le comportement «familialiste» des entrepreneurs algériens du secteur privé. C'est dire la mentalité des uns, une mentalité hégémonique qui perdure contre vents et marées, et les craintes d'un secteur privé qui, souvent malmené, menacé... utilisé, séduit puis abandonné, est devenu plus que méfiant... tout cela laissant la place à un «informel»

Avis - Les textes du Pdg d'entreprise qui présente l'ouvrage et du professeur d'Université qui fait la préface sont, bien sûr, à «parcourir» par les spécialistes. Mais le reste, les textes de Nordine Grim, homme de terrain, ancien haut fonctionnaire et cadre fin connaisseur des rouages sont à lire, car leur écriture est précise, directe, concise. . Donc à lire, non par les entrepreneurs, non par les chercheurs et universitaires... tous déjà, au fait des situations, mais surtout par les gouvernants, les politiques, les députés, les sénateurs, les «décideurs» réels... Pour une prise de conscience urgente des problèmes vécus et à venir et de la problématique.

Phrase à méditer : C'est tout l'ouvrage qui est à méditer, la présentation, la préface, le texte... et la caricature de la dernière page de couverture.



*(Fiche de lecture déjà publiée le 26 octobre 2024, in www.almanach-dz.com/economie/bibliotheque d'almanach. Extraits pour rappel)