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Selon le dernier
rapport annuel de la Banque d'Algérie, cela représente environ 8.273 milliards
DA sur un total de 24.330 milliards DA en circulation. Une telle somme, hors du
contrôle des institutions bancaires, alimente une économie informelle qui
rivalise en ampleur avec l'économie formelle.
Cette situation, qui inquiète toujours les experts économiques, continue de poser des défis majeurs à la gestion macroéconomique du pays et au développement durable. « Cette énorme masse financière, qui échappe au contrôle de l'Etat alimente, pour une part, l'économie informelle et, pour une autre part, la thésaurisation », estime l'économiste Ali Settah Hocine. Où se trouve tout cet argent ? «Ces milliards circuleraient actuellement en Algérie hors secteur bancaire, soit plus de 50% des encours des crédits accordés à l'ensemble de l'économie nationale», avait annoncé le gouverneur par intérim de la Banque d'Algérie. «Ils représentent aussi plus de 30% de la masse monétaire totale du pays. Cela veut dire que la politique de l'épargne est déficiente». Selon lui, «il ne s'agit pas seulement de reprocher aux banques d'être inefficaces et de ne pas être capables de collecter cette épargne. Il faut entamer des études sérieuses pour mettre le doigt sur les vrais motifs qui font que cette épargne n'atterrit pas dans le cercle bancaire». «Est-ce que les banques n'ont pas offert des produits attractifs, ou y a-t-il d'autres raisons ? Ce sont ces questions-là qui doivent être posées et étudiées», a estimé le gouverneur par intérim de la Banque d'Algérie. Par le passé, le gouvernement avait préconisé de récupérer la masse monétaire hors circuit bancaire en instituant une taxe de 7% contre amnistie au profit des déposants. Les résultats n'étant pas fructueux, d'autres solutions ont été imaginées pour capter l'argent de l'informel en développant la finance islamique et en lançant l'emprunt obligataire. En vain ! Que faire sinon ? Un ancien ministre de l'Intérieur pensait avoir la solution et a cru bien faire en faisant de l'éradication des marchés informels sa priorité ; ainsi et dès 2012, c'est-à-dire peu de temps après sa prise de possession du département, il a réuni en grande pompe tous les walis de la République pour leur demander, toutes affaires cessantes, «d'éradiquer tous les marchés informels et de faire partir tous les vendeurs ambulants qui ont pris possession de nos territoires». En cette occasion, il leur a fait la déclaration suivante : «La résorption du commerce informel n'est ni ponctuelle ni une opération coup-de-poing ; un choc psychologique a eu lieu et la population nous soutient dans cette action ; la plupart des commerçants seront recasés dans des espaces réaménagés». On était à quelques jours du Mawlid Ennabaoui et l'engagement du ministre avait valeur de test, car les pétards et autres produits pyrotechniques commençaient à faire leur apparition, çà et là, sous les portes cochères. La maffia des conteneurs pyrotechniques ne s'est pas laisser démonter ! La sémantique a cependant évolué, puisqu'il n'était plus question d'«éradiquer» mais de «redéployer» dans des «espaces maîtrisables» les vendeurs de ces marchés informels estimés à 70.613, selon le ministre de l'Intérieur, 75.000 selon le ministère du Commerce ou même 300.000 selon l'Union générale des commerçants algériens. Pour les espaces, les walis ont casé le maximum de ces jeunes dans ce qu'on a appelé les «100 locaux par commune» ; la destination de ces locaux a été détournée et ils ont servi au stockage et à la revente en l'état de la bimbeloterie bas de gamme, du textile bon marché, importé de Chine, de Turquie et d'Espagne et des cosmétiques aussi variés qu'avariés. Quant aux jeunes qui s'adonnaient à la revente des fruits et légumes, à défaut de pouvoir s'implanter dans «les marchés parisiens» promis par l'ex-ministre de l'Intérieur, ils continuent, malgré l'acharnement qui pèse sur eux, à exercer, à la sauvette, embarrassant clients et services de sécurité. Entre-temps et avec le recul, ce ministre a su qu'il avait en fin de compte emprunté une mauvaise piste : Il s'est attaqué au maillon faible de l'économie souterraine, «l'informel de survie» ! Celui qui est établi directement dans les quartiers pauvres qui en tire leur subsistance. Il a été longtemps sous-estimé parce que nombre d'entreprises ne sont pas officiellement déclarées (les trois quarts n'ont qu'une existence de facto). Pourtant, c'est lui qui continue d'absorber le gros de la vague des demandeurs d'emploi, notamment ceux qui n'ont bénéficié d'aucune formation et qui n'ont pas accès aux aides de l'État, y compris l'assurance sociale. L'OIT en donne la définition suivante : facilité d'accès ; utilisation de ressources locales ; propriété familiale des entreprises ; opérations à petite échelle ; technologie appropriée à forte intensité en main-d'œuvre, qualifications acquises en dehors du système éducatif officiel ; marché fluide, concurrentiel et non régulé. Ce type de commerce serait utile s'il venait à être encadré et pris en charge par l'État et, pourquoi pas, intégré dans le portefeuille des PMI/PME. Aux ministres du Commerce, de l'Industrie et de l'Intérieur d'en tirer les leçons et de ne pas se laisser entraîner par des opérations «coup-de-poing» improductives, car aujourd'hui, il y a déjà fort à faire avec : 1- les grandes villes qui sont autant de marchés d'intérêt national (MIN) ; elles peuvent, par exemple, constituer des centres de commerce importants et favoriser périodiquement des échanges spécialisés à travers des foires où seront échangés des spécificités et des produits régionaux, ce qui aura pour impact d'encourager le «tourisme domestique» et de maintenir le chômage à un taux acceptable ; 2- et les villes à faible potentiel industriel qui doivent également s'investir dans ces espaces intermédiaires en veillant à promouvoir leur production locale. De ce qui précède, on peut s'autoriser à dire que l'informel de survie : 1. absorbe la force de travail en réduisant «officiellement» la courbe statistique du chômage ; 2. fournit biens et services à la portée des bourses de la population pauvre. Contrairement à l'informel prédateur, qui est, très certainement, nuisible à l'économie nationale ! Quant à l'informel prédateur il a un visage ! C'est celui des propriétaires des conteneurs, des grossistes du Hamiz, par exemple, qui ont leurs informateurs qui leur signalent, instantanément, les descentes «inopinées» des contrôleurs du fisc et du commerce ; ce qui leur permet de baisser, impunément, le rideau ! La lutte contre l'informel prédateur passe, nécessairement, par l'assèchement des sources de son financement, entre autres le marché noir de la devise. Un ancien ministre qui parlait plus vite que son ombre avait émis un avis disant que «le citoyen y trouve son compte et que l'État n'est pas disposé à ouvrir des bureaux de change». Pourtant, les économistes et les experts de la finance sont unanimes à dire que l'existence d'un marché parallèle de la devise nuit gravement à l'économie nationale ; la circulation des grandes sommes en devise, en dehors de tout contrôle des autorités monétaires, met en danger la sécurité économique et financière du pays. Il sera difficile de sortir tout ce beau monde de la mangeoire autour de laquelle se sont attablés tous les spécimens de notre société, y compris ceux relevant d'institutions en charge du contrôle et de la préservation des deniers publics qui tardent à mettre en place cette obligation de l'utilisation du chèque pour les transactions dépassant les 500.000 DA, mesure, rappelons-le, qui devait entrer en vigueur le 31 mars 2011, reportée sine die. Notre système bancaire est paralysé même s'il suffoque du trop-plein de liquidités, et Abdelmadjid Tebboune l'a rappelé lors d'un précèdent Conseil des ministres ; quant au paiement électronique, mieux vaut ne pas en parler dès lors qu'il reste marginal, voire inexistant. Il existe en Algérie des milliers de sociétés-écrans représentant un volume de transactions de l'ordre de plus de 20 à 25% du PIB ; l'économie souterraine brasse, à elle seule, 50% de la masse monétaire en circulation, soit près de 60 milliards de dollars, disent les économistes ; plus de 40 milliards de dollars circuleraient en cash dans le pays. Il faut aussi évoquer ce problème de la sous-bancarisation de la population (7 Algériens sur 10 ne possèdent pas de compte bancaire) ; il y a aussi ce grave déficit de projets bancables, en dehors des investissements étatiques, ce qui a pour effet de doper, encore plus, l'économie informelle. Cette situation engendre un trop-plein de liquidités et enfonce, davantage, l'économie nationale de «l'import-import», l'investissement non étatique étant insignifiant. Et la spéculation, faudrait-il en parler ? Des commerçants indélicats multiplient par deux ou trois la valeur d'un produit que des cercles mafieux s'arrangent pour le retirer du marché et le mettre à la disposition du consommateur à «doses homéopathiques». C'est le principe d'une activité criminelle qui prospère à contre-courant des intérêts des sociétés où elle sévit. La manière qu'ont les barons de la spéculation à raréfier un produit que tous les chiffres de l'économie nationale annoncent comme largement disponible, oblige l'État à recourir à une importation massive, mais inutile dudit produit pour ramener le marché à son état d'avant. Cette réaction indispensable pour éviter que le citoyen soit pénalisé coûte beaucoup aux pouvoirs publics. Dans les deux cas, les citoyens et le Trésor public pâtissent de pareilles situations. Il y a donc dans la manœuvre bien plus que l'enrichissement personnel, lorsque les conséquences atteignent le moral et la poche du citoyen, ainsi que les équilibres de la balance commerciale du pays. À croire que nous continuerons longtemps à créer nos malheurs avec une ingéniosité, un raffinement qui n'ont d'égale que notre inconscience, comme le rappelait fort à propos un éditorialiste ! Est-ce à dire qu'il n'existe pas de volonté réelle de lutter contre l'économie souterraine ? Non, puisque le gouvernement s'apprêterait à lancer son plan de lutte contre l'informel. Le ministère des Finances et celui du Commerce intérieur se concertent sur la mise en mouvement de la stratégie arrêtée pour tenter de canaliser des pans entiers de l'activité économique qui évoluent hors du circuit formel, échappant ainsi à l'administration fiscale. Selon le communiqué de l'APS, ces départements ministériels planchent sur «l'étude des moyens de lutte contre le phénomène des activités économiques non réglementées et des marchés parallèles, ainsi que la réduction de leurs impacts négatifs sur l'économie nationale, dans le cadre d'une vision globale visant à renforcer les ressources financières ordinaires et à élargir l'assiette fiscale, conformément aux priorités de la loi de finances 2025». |
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