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La
question de savoir lequel des deux candidats à la présidence des Etats-Unis est
le meilleur pour le monde arabe semble, à première vue, pertinente. Elle engage
une réflexion plus large sur les forces qui déterminent la politique étrangère
américaine. Croire qu'un président, qu'il soit démocrate ou républicain,
pourrait transformer radicalement les relations des États-Unis avec le monde
arabe repose sur une perception simpliste de la réalité. La politique étrangère
américaine ne dépend pas uniquement de la volonté du président en place. Le
rôle de celui-ci, bien que visible, est limité par des acteurs et institutions
enracinés au sein de l'appareil d'État, souvent désignés sous les termes d' «
élite » ou d'« État profond ». Ces entités complexes militaro-industriel,
agences de renseignements, think tanks influents, et
lobbyistes exercent une influence puissante sur les grandes orientations
stratégiques, et leur objectif est de préserver les intérêts vitaux et la
sécurité des États-Unis. Cette « machine » bureaucratique agit en coulisses
pour modeler les politiques, garantissant une continuité dans les relations
internationales qui dépasse la durée d'un mandat présidentiel. Historiquement,
on observe que les grands axes de la politique étrangère américaine changent
peu d'un mandat à l'autre. Les présidents, de Barack Obama à Donald Trump en passant par Joe Biden,
ont eu des approches de communication et des styles de leadership différents,
mais tous ont maintenu une cohérence stratégique vis-à-vis des régions jugées
cruciales, comme le Moyen-Orient.
Les conflits en Afghanistan, Irak, et les interventions indirectes en Syrie illustrent cette continuité. Les États-Unis maintiennent des relations stables et privilégiées avec certains États arabes tels que l'Arabie Saoudite, l'Égypte et les Émirats Arabes Unis non par affinité personnelle d'un président mais en raison de leur importance géopolitique, énergétique et de leur coopération en matière de sécurité. De même, le soutien indéfectible des États-Unis à Israël ne dépend pas de la personnalité présidentielle mais d'une convergence d'intérêts stratégiques renforcée par un lobbying sioniste influent. Cet alignement, ancré depuis des décennies, témoigne de l'impact de l'élite et de l'État profond sur la politique étrangère. L'État profond, avec ses agences de renseignement et ses liens au secteur militaire et économique, dispose de leviers suffisants pour contrer les initiatives présidentielles contraires aux intérêts de long terme. Cela a été illustré sous l'administration Trump, où les tentatives de rapprochement avec certains pays ont été freinées par des pressions internes. Ainsi, la question de savoir lequel des deux candidats serait le meilleur pour le monde arabe apparaît moins pertinente quand on considère les structures de pouvoir américaines. Pour le monde arabe, les relations avec les États-Unis ne doivent pas être envisagées selon les préférences d'un président mais plutôt en prenant en compte ces structures profondes. Au lieu de s'attacher aux préférences politiques d'un candidat, il est plus stratégique pour les pays arabes d'établir des canaux de communication avec les institutions et d'influencer les think tanks et les réseaux de lobbying américain. L'influence de ces acteurs est cruciale pour établir des relations diplomatiques stables, car ce sont eux, au final, qui maintiennent les orientations majeures de la politique étrangère américaine. |