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Comprendre les intérêts vitaux liant les États-Unis à Israël: Comprendre aussi la marche victorieuse des peuples : une loi de l'Histoire

par Medjdoub Hamed*

La marche de l'humanité, par les guerres qui la parsèment, ne relève pas d'un mouvement chaotique, mouvement qui n'est en fait pour l'humanité qu'une éclosion d'un schème de l'histoire par la douleur, à l'image d'un accouchement historique au forceps, mais ce désordre historique qui n'est qu'apparent relève en fait de forces historiques précises, logiques et nécessaires pour assurer toujours le renouveau de l'humanité. Et c'est ce que l'on doit comprendre de ce qu'il en est des guerres dans le sens de l'histoire; et surtout que les guerres ne préviennent pas, elles arrivent et c'est déjà trop tard pour y parer.

Une guerre qui éclate est une guerre faisant partie de l'évolution du monde; cela va de soi, on ne peut penser qu'une guerre qui vient et surtout menée, pensée par les hommes, relève d'un caprice de l'histoire; impossible, toute guerre a un sens historique; si elle a éclaté, c'est qu'elle est nécessaire à la marche du monde; malheureusement, les peuples en paient un prix très lourd en mort d'hommes, de femmes, d'enfants, de vieilles personnes, et une multitude de blessés, en souffrances, et surtout des gens du peuple qui n'ont rien fait pour mériter cette destinée sinon d'être là, pris par la guerre.

Prenons la guerre à Gaza. Était-elle préparée ? Non, elle ne l'était pas ; personne ne s'y attendait ; Israël, avec tous ses services de renseignement, a été pris au dépourvu ; le monde entier n'arrivait pas à croire que deux ou trois mille combattants palestiniens sont entrés comme par effraction dans le territoire israélien pourtant gardé de jour comme de nuit par des miradors, un mur de sécurité de 8 mètres, sur plus de 700 km de long, une escouade de soldats et de radars. Toute cette barrière fortifiée n'aura servi à rien, puisque la branche armée du Hamas a mené une attaque historique, bouleversant toute la sécurité d'Israël. Des conséquences extrêmement graves pour Israël : plus d'un millier de morts, une prise de plus deux cents otages choisies, entre femmes et enfants faisant partie du cortège enlevé par ce que les Israéliens appellent des « terroristes ».

Arrêtons-nous un instant sur cette attaque du Hamas. Est-ce réellement le Hamas qui l'a opéré ? Personne ne peut en disconvenir, cependant, l'attaque devait survenir parce qu'elle était inscrite dans la marche de l'histoire. Les combattants du Hamas n'ont été que des instruments de l'histoire ; Israël n'a rien vu, parce qu'elle ne devait pas voir. Ce que nous, êtres humains, ne devons pas perdre de vue, c'est que, quoique nous fassions, nous ne commandons pas la marche du monde. Nous sommes tous intégrés dans cette marche du monde, une marche herméneutique insuffisamment comprise par tous ceux qui cherchent à comprendre le devenir du monde. Qu'ils soient historiens, politologues, experts en géopolitique et géostratégie ; leur approche ne reste qu'en surface ; ils ne voient pas la finalité historiciste de la marche de l'histoire.

Précisément, dans l'attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, une finalité était poursuivie par l'histoire ; dans cette finalité était inscrite une rupture historique qui a marqué les grandes puissances, les pays arabes de la région et d'une manière générale l'ensemble des pays musulmans et du monde.

Israël a une longue histoire de plus d'un siècle, mais son histoire s'est mondialisée surtout depuis 76 ans ; la création de l'État d'Israël, proclamée le 14 mai 1948, après le vote du plan de partage de la Palestine le 29 novembre 1947 par l'Organisation des Nations unies (ONU), met fin au mandat britannique ; elle prévoit la création d'un État juif sur 55% des territoires de la Palestine. Un processus qui a été contesté par le monde arabe, quatre guerres israélo-arabes ont suivi ; mais ces guerres n'ont pas changé la marche de l'histoire de la région du Proche-Orient.

Quand bien même Israël doit sa puissance à l'Occident, et essentiellement à la puissance américaine, ce processus relève d'une alliance États-Unis-Israël qui résiste à tout événement qui vient contrarier cette union que l'on peut dire « vitale ». Pourquoi ? Tant Israël veut son hégémonie sur le Proche-Orient, et passant, son hégémonie sur le monde musulman, tant les États-Unis veulent le statu sur leur hégémonie sur le monde. Deux objectifs qu'explique cette union « vitale » pour les États-Unis et pour Israël.

Une question cependant, « pourquoi cette union vitale entre une superpuissance et un petit État qui n'a vu le jour que depuis 76 ans, et encore par la guerre, revendiquant, pour des raisons bibliques, la Palestine » ?

Pour comprendre cette « union vitale » entre les États-Unis et Israël, il faut faire appel à l'histoire. Les États-Unis ont noué avec l'Arabie saoudite un pacte où les États-Unis mettent sous protection nucléaire la monarchie saoudienne en échange du monopole sur l'exploitation, la production et la commercialisation pétrolière de l'Arabie saoudite ; c'est le pacte dit Quincy, surnom donné à la rencontre du 14 février 1945 sur le croiseur USS Quincy entre le roi d'Arabie saoudite ibn Saoud et le président des États-Unis Franklin Roosevelt, de retour de la conférence de Yalta, en Crimée. Mais le Pacte de Quincy ne s'arrêta pas là.

Depuis les années 1960, les États-Unis transgressaient le système monétaire international fondé sur le change fixe en créant plus de liquidités monétaires pour financer leur commerce extérieur parce qu'ils importaient plus qu'ils n'exportaient. Or, le système de change fixe, depuis les accords de BrettonWoods de 1944, stipulait que les États-Unis sont tenus de maintenir le change fixe à raison de 35 dollars US pour une once d'or. Or le stock d'or US a beaucoup diminué, il est arrivé à une « limite rouge » ; les États-Unis refusaient de convertir les liquidités monétaires en or que leur présentèrent les pays d'Europe. C'est ainsi que des crises monétaires ont éclaté entre les États-Unis et l'Europe. Les États-Unis prirent une mesure radicale pour régler le problème du change fixe.

Première mesure des États-Unis

Le 15 août 1971, le président Richard Nixon met fin à la convertibilité du dollar US en or ; c'est une des décisions les plus importantes qui a été prise au milieu de la deuxième moitié du XXe siècle pour le système monétaire international, dont les effets perdurent aujourd'hui.

Le système de change fixe, à raison de 35 dollars US pour une once d'or n'existant plus, un régime de « change flottant » est instauré ; ce système signifie que le cours des taux de change des monnaies internationales s'opère sur les marchés monétaires selon la « loi de l'offre et la demande ».

Précisément, le change flottant permet aux pays d'Europe de se protéger de l'invasion de dollar US sans contreparties physiques, amenant la Fed américaine (Banque centrale US) à diminuer fortement la création monétaire pour éviter une forte dépréciation du dollar sur les marchés monétaires et le risque de fuite de capitaux hors des États-Unis (dû à une perte de confiance sur le système financier américain).

La deuxième mesure prise par les États-Unis

Précisément le change flottant constitue un « barrage à l'invasion des dollars » sur l'Europe. Comment passer le barrage monétaire européen ? Octobre 1973 éclate la quatrième guerre israélo-arabe ; l'Arabie saoudite, en représailles à l'aide US apportée à Israël, quadruple le prix du pétrole ; il passe de 3 dollars à 12 dollars le baril.

Et comme le pétrole de l'Arabie saoudite est facturé en dollar US, et aussi par les pays exportateurs de pétrole du cartel pétrolier OPEP, les pays importateurs de pétrole se trouvent obligés à acheter plus de dollars US parce que le prix du baril de pétrole a quadruplé.

Ainsi, on comprend le sens du quadruplement du prix du pétrole par l'Arabie saoudite ; il permettait aux États-Unis de passer le « barrage monétaire européen », en obligeant les pays d'Europe à acheter plus de dollars US. Et ce faisant, les États-Unis pouvaient alors continuer à financer leurs déficits commerciaux avec le reste du monde en continuant à recourir à la création monétaire (planche à billet).

On comprend alors le sens du choc pétrolier de 1973 ; il sera suivi d'un deuxième choc pétrolier en 1979.

La question se pose sur le lien qui unit Israël aux États-Unis. Si les États-Unis ont une emprise totale sur les gisements de pétrole de l'Arabie saoudite, et forcément aussi sur les autres gisements de pétrole des autres monarchies du Golfe et dont leur protection est assurée par les États-Unis, que témoignent plusieurs bases des forces armées US dans ces pays, il devient évident qu'Israël joue un rôle important dans cette région centrale du monde.

Israël s'apparente en quelque sorte à une base militaire US au Proche et au Moyen-Orient. La situation au Proche et au Moyen-Orient est complexe ; il n'y a pas que les monarchies arabes du Golfe, alliées à la puissance américaine ; il existe aussi plusieurs pays arabes qui ne sont pas monarchiques mais républicains et alignés à l'ex-Union soviétique, aujourd'hui la Russie. On comprend dès lors la nécessité d'endiguer à l'époque l'Union soviétique qui convoitait cette région très riche en pétrole, et le besoin des États-Unis d'établir un « gendarme » dans la région, entièrement acquis à l'emprise stratégique sur cette région, depuis le Pacte de Quincy avec l'Arabie saoudite, en 1945. Et ce rôle de « gendarme » dans la région du Proche et le Moyen-Orient est attribué par la puissance américaine à Israël.

On comprend alors toutes les guerres qui ont suivi depuis la création de l'État d'Israël en Palestine, en 1948. « Toute l'économie des États-Unis dépend de cette région centrale du monde ; si demain la Chine, la Russie… prennent pied sur cette région et ont aussi un droit monétaire dans la facturation des exportations de pétrole de cette région du monde, une telle situation serait fatale à l'économie US et à l'économie israélienne. Les États-Unis ne pourront plus aider Israël puisqu'ils ne pourront plus répercuter leurs déficits commerciaux sur les pays du reste du monde.

On comprend donc l'importance de cette région centrale du monde pour les États-Unis. Non seulement, les États-Unis ont besoin des monarchies arabes du Golfe, mais aussi d'Israël qui constitue un rempart contre l'Iran, l'Irak, la Syrie, le Liban, le Yémen. Naguère, l'Égypte de Nasser était un ennemi central pour Israël et les États-Unis. Avec la semi-défaite d'Israël, en 1973 avec l'Égypte, les États-Unis ont pu neutraliser, l'Égypte, avec les accords de Camp David de 1978. Depuis, l'Égypte ne constitue plus un danger pour Israël et les États-Unis.

Mais comme l'Histoire, à l'instar de la nature, a horreur du vide, et on peut même assimiler la nature à l'histoire, puisque toutes deux relèvent d'un processus naturel sauf que les hommes n'en prennent pas conscience, l'Iran comme un « hasard naturel » est venu remplacer l'Égypte frondeuse qui a cessé de l'être.

Mais passons tout ce qui s'est passé depuis 1979, et venons aux événements d'aujourd'hui. A la guerre à Gaza et au Liban avec Israël et son soutien vital, les États-Unis. Force de dire que le conflit israélo-palestinien, avec l'invasion du 7 octobre 2023, est en train de marquer un tournant irréversible dans l'histoire de cette région.

Depuis l'invasion par le groupe armé du Hamas, le peuple de Gaza ne cesse de payer le prix de cette attaque ; avec plus de 42. 000 morts et plus de 98.000 blessés, l'offensive israélienne fait vivre un enfer aux Palestiniens ; des villes de la bande de Gaza réduite en poussière.

Posons-nous la question : « Est-ce qu'Israël a gagné la guerre ? De même, malgré toute l'aide fournie à Israël, les États-Unis ont-ils amené Israël à vaincre ses adversaires ? Après une année de guerre, malgré toutes les souffrances endurées par le peuple de Gaza, rendu « affamé », privé de tout, le Hamas n'a pas été vaincu, il est toujours combatif. Que peut-on dire cette situation ?

Israël est aveuglé comme les États-Unis le sont ; combien peut-on combattre des peuples, des années, des décennies ? Les peuples ne peuvent être vaincus ; c'est une loi de l'histoire, une loi de la nature. Quel peuple a été vaincu sur terre ? Aucun. Ils sont certes martyrisés, colonisés, mais ils se relèveront. Et les peuples qui peuplent la Terre ne sont pas appelés « peuples » s'ils n'étaient pas de vrais peuples et sur lesquels l'humanité entière peut compter. L'humanité n'est-elle pas constituée de peuples ?

La force ne règle rien, elle ne fait que différer le règlement entre peuples ; et que ce soit à Gaza, au Liban ou ailleurs. Tôt ou tard le peuple palestinien aura son État sur lequel il sera souverain ; c'est une loi de la nature, de l'histoire, aucune puissance ne peut déroger aux lois de la nature ; tout au plus la nature retardera la réalisation parce que la nature poursuit des desseins qui dépassent les hommes.

On peut se poser la question : « Qui a permis la création de l'État d'Israël ? Est-ce les États-Unis et l'Occident ? » Si on revient à l'histoire, et on s'interroge comment les États-Unis et l'Union soviétique sont sortis vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale ? Ne le doivent-ils pas avant tout à l'Histoire. De même, l'État d'Israël n'a vu le jour que grâce à l'Histoire. Si Hitler n'avait pas provoqué la guerre en 1939, et les États-Unis n'avaient pas découvert la bombe atomique, le monde aurait été ce qu'il était avant 1939. Le monde colonisé serait resté colonisé ; Israël n'aurait pas existé ; les États-Unis seraient restés un grand État sans plus. C'est parce que Hitler devait la provoquer la Deuxième Guerre mondiale pour que le monde passe à un autre état du monde ; et c'est l'Histoire avec un grand H qui a décidé la nouvelle marche du monde ; Hitler n'était qu'un « instrument de l'Histoire » ; la Deuxième Guerre mondiale et avant elle la Première Guerre mondiale, un passage obligé ; il était « ordonné par l'Histoire » pour affaiblir les empires coloniaux d'Europe et les faire disparaître ensuite ; et c'est ce qui a été avec le mouvement de décolonisation qui a touché tous les peuples colonisés de tous les continents.

Force de dire qu'il y a « une Raison dans l'Histoire », et donc « une Finalité dans l'histoire » qui n'est certes pas visible pour les hommes mais existe bel et bien dans l'Histoire, dans la Nature. Sinon l'Histoire, la Nature n'aurait aucun sens ; sinon tout ce qui nous entoure sur terre n'aurait aucun sens ; les mers, les continents, les montagnes, les animaux, les plantes, notre atmosphère, nos villes, nos armées, nos gouvernements, les peuples, nos cimetières, nos morts, n'auraient pas de sens dans leur existence.

Aussi ni Israël ni les États-Unis ni aucune puissance au monde n'empêcheront la marche victorieuse des peuples ; une loi de la Nature, une loi de l'Histoire. Les guerres qui sévissent aujourd'hui à Gaza, en Cisjordanie, au Liban et ailleurs se termineront, s'oublieront comme toutes les guerres passées, malgré les dizaines ou centaines de milliers de morts ; la Deuxième Guerre mondiale a fait à elle seule plus de 50 millions de morts, et tout s'est oublié ; plus même, elle a uni l'Europe en la transformant en Union européenne de 27 États ; elle a permis de décoloniser deux continents, l'Afrique et l'Asie. C'est dire le progrès incommensurable qu'a opéré la Deuxième Guerre mondiale avec ses 50 millions de martyrs ; ces 50 millions de martyrs sont morts pour l'éclosion d'un nouveau monde.

L'État palestinien sera créé obligatoirement, une question de temps ; il sera à côté de l'État d'Israël ; les malheurs s'oublieront ; l'État d'Israël connaîtra obligatoirement ses limites ; le sionisme appartiendra au passé comme le fut le nazisme ; mais ces deux doctrines ont joué leur rôle dans la marche de l'humanité ; au fond, elles étaient des « instruments de l'Histoire, de la Nature » parce que, c'est par elles que les guerres ont éclaté et ont contribué à une nouvelle marche du monde ; au progrès du monde. Le « paradoxe des guerres ».

Donc un processus irréversible qui amènera les peuples palestinien et israélien, par les générations à venir, à « apprendre le vivre-ensemble ». C'est inévitable ; un monde multipolaire sera une réalité ; les États-Unis ne pourront rien contre un monde qui avance comme eux ont avancé puis ont décliné, une Loi de l'Histoire ; aucune nation ne peut demeurer indéfiniment au-dessus des autres, sinon le monde serait sans sens.

Telle est la marche de tout peuple, de toute humanité pour l'humanité entière. Bien entendu, de nouveaux enjeux surgiront mais le monde sera plus armé, il faut l'espérer.

*Chercheur