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A propos de «la Commission nationale de révision des codes communal et de wilaya»

par Cherif Ali

Présidée par M. Dahou Ould Kablia, ancien ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales et secondé par M. Abdallah Moundji, secrétaire général de la présidence de la République, en tant que vice-président, cette commission est chargée de concrétiserl'approche stratégique du président de la République quisouhaite placer la collectivité locale au cœur des politiques économiques, et partant, élargir les prérogatives des assemblées élues, donner plus de pouvoir aux présidents des assemblées communales et de wilaya et libérer les initiatives en faveur d'un développement local durable.

Il est clair que cette révision est d'une grande importance pour l'organisation territoriale et la gestion des affaires locales afin de s'adapter aux nouvelles réalités et à l'évolution socio-économique que connaissent les collectivités locales depuis la dernière révision.

Elle est aussi importante pour l'amélioration de la gouvernance locale à travers notamment le renforcement de la décentralisation en transférant davantage de pouvoirs et de ressources aux collectivités locales.

Il s'agirait également de redéfinir et de clarifier les compétences entre les différentes échelles des collectivités (commune, daïra, wilaya déléguée, wilaya...). Cette révision devrait également accorder une plus grande place à la participation des citoyens dans la gestion des affaires locales...

Et pas que, dès lors que des politiciens et autres élus locaux ont appelé à élargir les prérogatives du président de l'Assemblée populaire communale (APC), lui accorder plus de pouvoirs dans la prise de décision et le libérer des restrictions administratives, de la tutelle tant locale que centrale.

Et c'est tout le sens à donner à ma présente contribution qui aborde un volet important des attributions du P/APC, celles relatives à ses prérogatives de police administrative qui lui sont dévolues.

Elles sont contenues dans la Loi n°11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011 relative à la commune dans les articles suivants:

Art. 93. -. Le président de l'assemblée populaire communale peut, en cas de besoin, requérir les forces de police de la sûreté ou de gendarmerie nationales, territorialement compétentes, suivant les modalités définies par voie réglementaire.

Art. 94. - Dans le respect des droits et libertés des citoyens, le président de l'assemblée populaire communale est chargé, notamment de : - veiller à la sauvegarde de l'ordre public et à la sécurité des personnes et des biens; - s'assurer du maintien de l'ordre public dans tous les endroits publics où ont lieu des rassemblements de personnes, sanctionner les atteintes à la tranquillité publique et tout acte de nature à la compromettre ; - régler la police de la voirie située sur le territoire de la commune, sous réserve des dispositions particulières aux routes à grande circulation ; - veiller à la préservation du patrimoine historique, culturel et des symboles de la Révolution de libération nationale ; - veiller au respect des normes et prescriptions en matière de foncier, d'habitat, d'urbanisme et de protection du patrimoine culturel immobilier ; - veiller à la propreté des immeubles et assurer la commodité du passage dans les rues, places et voies publiques ; - veiller au respect de la réglementation en matière d'occupation temporaire des espaces relevant des domaines publics et à leur préservation ; - prévenir et prendre les dispositions nécessaires pour lutter contre les maladies endémiques ou contagieuses ; - empêcher la divagation des animaux malfaisants et nuisibles ; - veiller à la salubrité des denrées comestibles exposées à la vente ; - veiller au respect des prescriptions d'hygiène du milieu et de protection de l'environnement ; - assurer la police des funérailles et cimetières, conformément aux coutumes et suivant les différents cultes et pourvoir d'urgence à l'inhumation décente de toute personne décédée, sans distinction de culte ou de croyance. Le président de l'assemblée populaire communale est rendu destinataire, par les services techniques de l'Etat, d'une copie des procès-verbaux, constatant les infractions à la loi et aux règlements. Il peut diligenter les services techniques de l'Etat dans le cadre de la mise en œuvre de ses prérogatives, telles que définies par le présent article.

Pour la mise en œuvre de ses prérogatives de police administrative, le président de l'assemblée populaire communale dispose»théoriquement» d'un corps de police communale, dont le statut est défini par voie réglementaire, sauf qu'en l'état ce corps n'existe pas!!!

Dans le même temps, les incivilités, déviances et violences urbaines contre les personnes et les biens sont au cœur de l'actualité de notre pays. Un phénomène qui va croissant avec l'urbanisation accélérée et le relogement d'habitants venus d'horizons divers, mais dont l'incompatibilité à vivre ensemble apparaît au grand jour.

Ces incidents ont tendance à se multiplier, au grand dam des habitants des cités populaires et des quartiers du même nom qui n'en peuvent plus. De grands ensembles d'habitat ont été livrés à des populations qui doivent s'habituer au «vivre-ensemble» ; cela ne se fait pas sans quelques frictions.

Et les élus locaux et à leur tête les maires, sollicités par leurs administrés pour intervention se plaignent de ne pas avoir les moyens et les ressources humaines

d'y mettre fin !!!

En clair, le maire algérien ne dispose pas de véritables pouvoirs de police !!!

De ce qui précède, un débat sur la nécessité ou pas d'une police communale s'impose, dès lors qu'il est admis qu'il existe encore de larges portions du territoire national que les forces classiques de sécurité publique peinent à couvrir en permanence, nonobstant leurs incessantes rondes : grands ensembles d'habitats, écoles publiques, stades...»

Certains experts proposent de mieux organiser et de mieux répartir les missions des forces de l'ordre, ce qui suppose la mise en place de moyens additionnels, notamment en matière de sécurité publique.

On parle aussi d'une police communale, celle prévue à l'article 93 de la loi citée supra ! D'anciens responsables avaient mis le sujet sur la table, notamment monsieur Daho Ould Kablia, président actuel de laCommission nationale de révision des codes communal et de wilaya et Ministre de l'intérieur et des collectivités locales d'alors, quiavait lors d'un entretien accordé au journal Echouroukonline.com, le 24 octobre 2010, affirmé»que la création d'une police communale restera au stade de projet jusqu'à l'adoption et la mise en œuvre du code communal».

• Il avait révélé que le projet de création d'une police communale pourrait être concrétisé immédiatement après l'adoption par le parlement et l'entrée en vigueur du code communal, car c'est ce dernier qui permet la création du nouvel organisme qui dépendra de la sûreté nationale tout en associant la commune.

• Il avait expliqué qu'il serait possible d'intégrer des agents de la garde communale à la police communale, en précisant que la décision ne pourra être prise qu'après consultations avec la tutelle, c'est-à-dire le ministère de la Défense.

• Il est possible d'étudier la question et de signer une convention entre l'intérieur et la défense pour le transfert d'une partie des éléments de la garde communale à la police communale après leur avoir assuré des stages de formation, avait indiqué l'ex-ministre à Echorouk.

Daho Ould Kablia est-il toujours dans les mêmes prédispositions maintenant qu'il est à la tête de ladite commission?

L'idée n'est pas mauvaise dès lors qu'un projet de mise en place d'une police communale dont la colonne vertébrale pourrait être formée par les éléments de la garde communale, particulièrement ceux stationnés dans les zones qui ne sont plus sous la menace du terrorisme, était dans l'air. Il s'agit, particulièrement et surtout, des grandes villes et des principaux centres urbains du pays.

Seulement, faut-il le dire, beaucoup de responsables étaient contre l'idée de reconversion de la garde communale en police communale !

Les motifs avancés tiennent du faible niveau d'instruction de ses agents, et de leur formation, ignorant que ce corps regroupait en son sein quelque 5 000 agents, tous détenteurs de licence universitaire et, de surcroît, formés au maniement des armes et aux techniques de combat.

La police communale, sans être un organe répressif, pourrait, si le projet venait à être concrétisé, remplir le rôle d'une police de proximité appelée à veiller sur les citoyens pour :

• rassurer la population,

• gérer les litiges du quartier,

• permettre au président d'APC de faire exécuter les arrêtés qu'il prend en matière d'urbanisme ou de protection de l'environnement.

Elle pourrait, également, s'articuler, dans un premier temps, autour de quatre grandes missions :

• rassembler des informations susceptibles d'endiguer certains problèmes, détecter les nids criminogènes, ainsi que les personnes à risque ou celles en danger,

• intervenir dans les conflits de voisinage, par exemple, pour les résoudre grâce au dialogue et à la médiation et éviter, ainsi, qu'ils ne dégénèrent,

• être le relais entre la population, le maire et les forces de sécurité,

• agir sur le préventif, le social et la tranquillité publique.

D'un point de vue sémantique, la notion de police communale a du sens, puisqu'elle recouvre la réalité du terrain, celui de la commune principalement.

D'un point de vue plus stratégique, sa mise en place soulève toutefois les questions cruciales de la doctrine d'emploi, de la spécificité des missions assurées dans la coproduction de la sécurité locale et, inévitablement, les problèmes de l'uniforme et de l'armement, sans compter les dotations budgétaires qu'il faudrait débloquer en ces temps de crise.

En d'autres termes, il ne s'agit pas de «créer» une police communale, mais de définir son «statut» :

1. police du maire, son «bras armé», s'empressent de dire ceux qui craignent une utilisation «abusive» de cette force de sécurité par les édiles locaux ;

2. police placée sous la tutelle directe du ministre l'Intérieur.

Dans la première hypothèse, il faudrait, inévitablement, prévoir l'amendement de l'article 93 du code communal avec toutes les réactions en chaîne qui en découleraient.

Et même si on venait, en haut lieu, à régler ce problème, il subsisterait, encore, les questions relatives à l'armement, à l'uniforme, au volet de la formation, ainsi qu'aux rapports de cette police avec les autres forces de sécurité.

Il faudrait surtout trancher la question de, la dotation en armes, dont certains experts en sécurité affirment que c'est un moyen de protection indispensable face aux risques du métier, dès lors qu'il ne diffère pas, fondamentalement, de celui de la police ou de celui de la Gendarmerie nationale.

D'autres, en revanche, considèrent que ce n'est pas un gage de sécurité absolue et craignent que cela n'encourage une confusion des rôles avec les forces de sécurité classiques.

Il faut aussi s'assurer de l'accord de principe de la DGSN, dès lors que la police communale et la police nationale font partie d'un même «creuset».

Mais pourquoi s'entêter, disent certains, à monter une police communale qui ne peut, en l'état des difficultés énumérées supra, trouver sa place dans le paysage sécuritaire, jusque-là occupé intra-muros par la police nationale et extra-muros par la gendarmerie ?

À moins de clarifier la doctrine d'emploi de cette police communale, en dehors des missions de «prévention et répression» qui sont la raison d'être des forces de sécurité classiques.

Il reste bien entendu que le recours à la force doit rester du domaine de l'État, et en conséquence seule la police nationale et la gendarmerie doivent être armées.

Et il n'est surtout pas question d'abandonner des espaces et des ensembles d'habitat ou des territoires isolés aux gangs et aux voyous !

De ce qui précède, un débat sur la nécessité ou pas d'une police communale s'impose, dès lors qu'il est admis qu'il existe encore de larges portions du territoire national que les forces classiques de sécurité publique peinent à couvrir en permanence, nonobstant leurs incessantes rondes : grands ensembles d'habitats, écoles publiques et stades, par exemple.

Sans oublier les hôpitaux, les structures sanitaires et les établissements de l'éducation nationale de l'Algérie profonde, qui font l'actualité aujourd'hui !

Et la balle est dans le camp de ces messieurs de la Commission nationale de révision des codes communal et de wilaya.