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Livres
Alter Ego. Roman de Hanane Bouraï. Apic Editions, Alger 2019, 120 pages, 500 dinars. C'est l'histoire, assez triste sans être dramatique, de belles jumelles, Ayla et Aylin, orphelines de père mais enfants d'une mère aimante. Des jumelles, oui... mais assez dissemblables en tout, sinon par le physique. Heureusement, elles s'adorent... à distance. On a donc, au recto, la sage et discrète Aylin qui a choisi une vie rangée avec la voie du mariage de «raison» et de l'enfantement (trois filles ce qui, assurément, est annonciateur de problèmes). Point d'ambition, point de rêve. On a ensuite, au verso, Ayla, l'écorchée vive, la mordue de musique et de chant qui rêve de notoriété... et qui réussira. Célibataire convaincue, elle mène sa «barque» comme elle l'entend. Le succès est assez vite au rendez-vous... Deux vies, deux itinéraires qui ne se recoupent pas, qui ne se rencontrent que très, très rarement, chacune d'entre elles vivant son «bonheur» selon les choix initiaux. Ayla sera abandonnée brutalement par un public qui a mal accepté (ou mal interprété) certaines de ses «vérités». Après le grand succès, c'est le désamour du public... pour une parole mal comprise et mal admise. C'est la grande dépression... avant un nouveau départ. Aylin sera abandonnée par son époux (qui n'a pas accepté qu'il n'y ait que des filles comme descendance). Décidément, en ce «bas monde», «le berger et le loup ne sont en réalité qu'un seul et unique prédateur : ils visent l'exploitation du troupeau, l'un en les asservissant, l'autre en savourant leur supplice». L'Auteure : Originaire de Boudjima (Tizi Ouzou), enseignante de lycée (Anglais). Egalement connue sous le nom de Junon Lys. Déjà deux romans. A figuré en 2020 sur la liste des 11 écrivains (langue française) ayant été retenus pour le prix Mohammed Dib. Table : Première partie (Les étoiles)/ Deuxième partie (Les deux toi)/ Troisième partie (souvenirs). Extraits : «Faute de bonnes moyennes au baccalauréat, de bonne orientation ou de bon choix au bon moment, hormis quelques étudiants qui étaient là trente minutes avant le commencement de la séance, qui tiennent les premières places de l'amphithéâtre (et qui rêvent d'être un jour des Freud ou de Daco) tous sont là de force ou par nécessité» (p21), «Le mariage est aussi anodin que tous les événements de la vie : on n'a pas besoin d'être spécialement doué pour unir sa vie à celle de quelqu'un d'autre. J'avoue que cela aussi demande certains efforts, des sacrifices, des compromis et beaucoup de qualités comme le sens de la responsabilité et du devoir, mais c'est devenu tellement commun qu'on croit qu'il va de soi, comme manger, dormir et respirer» (p 44), «Elle découvre que les gens prêtent plus d'attention à son côté sombre et rebelle qu'à l'autre, bienveillant et doux. Elle se rend compte que dans la société où elle évolue, ce n'est pas le talent qui a du mérite mais ce qui attire encore plus l'attention en un éclair : l'inhabituel, l'interdit et le choquant» (p112). Avis - Un (presque) essai bien plus qu'un roman tel qu'annoncé. Le très gros problème de nos auteurs que ce mélange de genres (psycho-sociologie... politique...) et de styles... souvent heureux, parfois ratés. Citations : «Le sommeil est une corvée lorsqu'on est obligé de veiller pour vivre sa passion» (p 25), «Il y avait de tous temps des magiciens qui ont inventé des paradis pour les offrir à leurs audiences, il y a toujours des illuminés qui font vibrer les cœurs et chavirer les corps et il y aura indéniablement d'autres êtres fabuleux pour qui la musique est la langue avec laquelle on traduit toutes les autres» (p28), «C'est aux prisonniers de se révolter, pas aux bourreaux de leur offrir la liberté «(p65), «Le talent, le vrai, n'est reconnu que quand son temps est révolu» (p96). La vaillance des femmes.* Les relations entre femmes et hommes berbères de Kabylie... Étude Camille LacosteDujardin. Editions Barzakh, Alger 2009 (première édition, Editions La Découverte, Paris, 2008). 161 p, 450 DA Voilà une étude, de la part d'une grande spécialiste qui connaît la société kabyle de l'intérieur, qui a vécu des années durant au sein des familles de la région, «adoptée» par l'une d'entre elles, qui a appris la langue jusqu'à maîtriser les non-dits les plus cachés des contes... et qui «met à mal» les analyses ethnographiques habituelles comme celles de Pierre Bourdieu («qui a abusivement limité sa méthode et son objet») et de bien d'autres qui ont ignoré «la science des femmes» (laâllem tilawin), science «fort redoutée des hommes». Résumé : l'ouvrage décortique la résistance des femmes à la «domination masculine», résistance qui s'est muée en contre-attaque... Cela ne se voit pas et ne se sent pas. Mais cela se pratique. Cela s'exprime dans les contes que les mères inculquent aux enfants, et où l'adulte effrayant est l'ogresse (teryel), expression extrême de la rébellion féminine face aux contraintes masculines que cette femme sauvage dénonce en chacun de ses actes. Par ce biais, les femmes kabyles, «remarquablement conscientes de leur assujettissement, font preuve d'une réelle pugnacité» et «ont mis et mettent encore en œuvre de réels contre-pouvoirs». Avis - Il y a aussi un joli chapitre sur les héroïnes berbères qui «surpassent les hommes» comme Ti-n Hinan chez lez Touaregs du désert, comme Chimsi, «chef» des At Iraten dans les années 1338-1339, comme Lalla Fadhma n'Soumeur des At Isourar,... et plus au Sud, chez les Chaouias de l'Aurès, Dihya la Kahena. *(Fiche déjà publiée in www. almanach-dz.com/société/bibliotheque dalmanach, 8 octobre 2010) |
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