Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
La question est
d'autant plus tentante qu'Israël fait de la politique de «la guerre totale» une
stratégie à long terme. Après le désastre de Gaza, hélas toujours en cours,
avec des milliers de morts, des blessés, des éclopés à vie, des déplacés et des
ruines, nous voilà avec un autre épisode du feuilleton macabre du sieur «criminel»
Netannyahou. Un feuilleton de guerre, de sang et de meurtre à large échelle.
Mais le Premier ministre israélien joue-t-il sur les contradictions des
Etats-Unis pour semer le chaos dans toute la région du Moyen-Orient ? Il est
fort à parier que ce soit malheureusement une évidence. Faisant usage de la
même rhétorique retorse, tout en trompe-l'œil, lors du lancement de sa
contre-offensive contre le Hamas en octobre 2023, il s'est adressé récemment
aux Libanais en anglais, en les incitant à se
désolidariser du Hezbollah. «La guerre d'Israël, a-t-il
expliqué, n'est pas contre vous mais contre le Hezbollah, qui vous utilise
depuis trop longtemps comme boucliers humains». Ce qui sous-tend, entre les
lignes, que le pouvoir sioniste a le feu vert américain pour une telle
dangereuse escalade aux conséquences incertaines, sous le fallacieux prétexte
que les «terroristes» du Hamas, tout autant que ceux de Hezbollah, se servent
des civils pour organiser leur résistance. Après bientôt un an de bombardements
et plus de 41.000 morts dans l'enclave palestinienne, c'est l'impasse à tous
les niveaux. Joe Biden, et son secrétaire d'Etat
Antony Blinken, semblent en pleine déroute, eux qui
ne cessent de répéter vouloir un cessez-le-feu à Gaza sans pour autant faire
quoi que ce soit pour freiner la folie israélienne.
L'équation étant difficile à résoudre à vrai dire car la clé de voûte n'est chez personne. Ni chez Poutine préoccupé par son casse-tête ukrainien, ni chez les Chinois qui peinent à sortir de leur réserve, plus proche de la neutralité passive que de l'implication active ni moins encore des Anglais ou des Français, en lutte de positionnement avec les USA, sur plein de dossiers internationaux sensibles. Et puis, que fera le locataire de la Maison Blanche au mandat finissant, maintenant que les choses se corsent et le conflit s'étend au-delà du foyer de tension de Gaza ? L'interrogation est sérieuse, d'autant que, traditionnellement, aux USA, un président en fin de mandat doit faire un geste honorable pour la postérité. Le forcing du temps et du contexte géopolitique sur Biden est si pressant que ce dernier ne sait, paraît-il, où donner la tête ! Sinon comment peut-on expliquer tout ce qui se passe actuellement à Gaza, en Cisjordanie et au Liban, dans l'indifférence presque totale de celle qui peut être appelée, à tort ou à raison, «communauté internationale» ? N'est-ce pas une énième bravade sioniste à l'allié états-unien, à l'ONU et la CPI ? L'ouverture de ce nouveau front du conflit en dit long sur les intentions réelles de Netannyahou : échapper à la poigne de fer des tribunaux, en misant sur l'effet durable de la guerre. Cela dit, sachant qu'il est dos au mur aussi bien face à une opinion publique de plus en plus coléreuse, qui réclame sa tête dans la mesure où il n'a pas pu ou su comment négocier pour libérer les otages israéliens aux mains du Hamas, que devant la justice israélienne qui l'accuse de corruption et la CPI pour crime contre l'humanité, le Premier ministre israélien compte raser Gaza, avec le bilan le plus lourd possible en pertes humaines, puis aller jusqu'au bout dans la politique des colonies en Cisjordanie. Ce stratagème le met, du moins temporairement, hors d'atteinte, mais servira aussi les intérêts des USA, lesquels tentent d'affaiblir l'axe iranien, par «proxy war», c'est-à-dire par les guerres par procuration contre ses deux plus grands alliés dans la région, à savoir : le Hamas et le Hezbollah. Qui plus est, si Joe Biden s'est déclaré récemment devant l'Assemblée générale de l'ONU déterminé à empêcher une guerre généralisée dans la région, il n'en reste pas moins que, d'un côté, incapable de mettre un terme aux agissements irresponsable de son «protégé» Netannyahou. En ce sens, la bête noire pour les USA, c'est l'Iran et, en quelque sorte, Israël répond aux attentes de l'oncle Sam, mais en exagérant dans l'usage de la violence, il ne fera que desservir la cause commune de l'Occident à l'international, celle de pousser l'Iran à abandonner son projet nucléaire et à cesser de menacer les intérêts américains, surtout par le biais de ses alliés Houthis au Yémen. Ces derniers font, pour rappel, planer la menace de leurs actions militaires sur le trafic maritime mondial sur une grande partie de la côte de la mer Rouge, d'où ils lancent des roquettes sur les navires occidentaux, en solidarité avec Gaza. De l'autre côté, sur le terrain, les autorités américaines ont annoncé qu'elles allaient envoyer d'autres troupes dans la région alors qu'elles disposent déjà de près de 40.000 soldats en Syrie, en Irak et dans le golfe Persique. Autrement dit, entre la parole et l'acte chez les vautours du bureau ovale, il y a tout un fossé, tout un contraste. En filigrane, on sent que les Américains voulaient provoquer l'Iran pour l'amener sur le terrain de la guerre. L'assassinat prémédité d'Ismaël Haniyeh, le chef du bureau politique de Hamas le 31 juillet dernier à Téhéran par l'agence d'espionnage israélien (Mossad) participe de cet effort de «war blackmail», c'est-à-dire du «chantage à la guerre», lequel s'ajoute aux autres assassinats ciblés de personnalités imminentes de la résistance anti-impérialiste proches de l'Iran tels ceux de Abou Mehdi Al-Mouhandis, le chef de Kataeb Hezbollah et le général iranien Qassem Soleimani, tués par les forces américaines sur le tarmac de l'aéroport de Bagdad le 3 janvier 2020. Bref, Israël est, semble-t-il, sur le pied de guerre et ne lésine sur aucun moyen pour aller au bout de sa logique génocidaire à Gaza, comme au Liban. Seul bémol à son ardeur : Netannyahou est gêné par un autre aspect de ce holocauste : le coût exorbitant des dépenses militaires qui grèvent le budget étatique. En effet, des 38 pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Israël est celui qui a connu le plus grand ralentissement économique entre avril et juin 2024 pour cause de conflit, si l'on en croit le rapport de ladite organisation publié le 22 août dernier. De même, la Banque d'Israël prévoit un taux de croissance de près de 1.5%, dans l'hypothèse que la guerre finit cette année. Ce qui coïncide avec le déclassement de la notation financière d'Israël de A+ à A au début du mois d'août dernier par l'Agence de notation financière américaine Fitch. D'ailleurs, cette agence-là pense que le conflit tirera en longueur jusqu'à la fin 2025 ! Une catastrophe en perspective ! C'est dire que la probabilité d'une guerre durable serait, quelle que soit l'issue, fatale pour l'entité sioniste. Qu'en est-il d'une incursion terrestre au Liban ? Un scénario pour le moins improbable à l'heure présente, vu les impondérables d'une équation à deux fronts, ou peut-être à trois si l'on prend en compte, encore une probabilité minimale, l'entrée directe de l'Iran dans le conflit, perspective fortement repoussée au demeurant par le président iranien, Messoud Pezeshkian, lors sa dernière allocution à l'ONU. Ce dernier a estimé que le chemin est encore plus long avant une éventuelle implication directe de son pays dans le conflit. Une ambiguïté d'autant plus troublante que Miri Eisin, une ancienne colonelle israélienne, connaisseuse avertie des arcanes du système sioniste, a déclaré récemment à l'AFP, en faisant allusion au régime des ayatollahs, qu'en guerre tout est possible. Comprendra qui pourra ! La carte libanaise est ma foi une autre partie du grand Poker sur laquelle pourra se jouer l'avenir de tout le Moyen-Orient dans les prochains mois. Netannyahou le sait parfaitement, surtout après l'affaire des otages retenus par le Hamas à Gaza dans le sillage du déluge d'Al-Aqsa du 7 octobre 2023 ! Serait-on donc face à un nouveau réordonnancement de la géopolitique du Moyen-Orient dont Gaza et Beyrouth seraient les seuls boucs émissaires ? Wait and see ! Une chose étant sûre après tout : au rythme où vont les événements, le Liban risque de payer le prix fort, du fait qu'il sert de base-arrière au Hezbollah, ennemi juré d'Israël, même si la caution tutélaire traditionnelle d'Emmanuel Macron est toujours là, en tant que gérant-héritier de la grande politique arabe de la France... |
|