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L'amélioration du climat des affaires: Est-ce que toutes les contraintes ont été levées ?

par Brahim Lakhlef*

Le climat des affaires intègre l'ensemble des facteurs internes et externes qui composent un environnement avec toutes ses caractéristiques politiques, économiques, sociales et réglementaires. Ces caractéristiques déterminent la qualité du climat des affaires et l'attractivité d'une économie. L'environnement influe considérablement sur l'économie d'un pays, sur la création d'entreprises, l'implantation des projets et la création d'emplois. Selon ses spécificités, le climat des affaires favorise ou entrave l'acte d'entreprendre et d'investir.

C'est pour toutes ces raisons que différentes nations tentent continuellement d'améliorer leur climat des affaires. Il y a une sorte d'émulation, de rivalité entre les pays. Cette lutte est imposée par des exigences et des objectifs, d'une part, les économies ont besoin de capitaux pour assurer la croissance et l'emploi et, d'autre part, les détenteurs de fonds cherchent les conditions les plus appropriées à l'investissement et à la création d'entreprises. Ils apprécient un climat des affaires qui leur garantit la rentabilité des fonds engagés et la sécurité.

L'impact de l'attractivité sur l'économie d'un pays est considérable. C'est pour cette raison que « rendre une économie attractive » est devenu une préoccupation primordiale et permanente de beaucoup de gouvernements. Le caractère déterminant de l'attractivité d'une économie a conduit les institutions internationales (Banque mondiale, FMI, OCDE, Union européenne, Forum économique mondial de DAVOS) à définir des batteries d'indicateurs pour apprécier annuellement l'attractivité et la compétitivité des économies. Ces indicateurs ont un caractère qualitatif ou quantitatif, donnant des informations sur un environnement d'un pays, d'une région ou d'un marché. Ces indicateurs sont, dans la plupart des cas, mesurables pour favoriser la comparabilité entre les différentes situations.

En général, des conditions fondamentales constituent des préalables à tout investissement national ou étranger. Ces préoccupations sont liées aux lois sur les transactions et la flexibilité de l'emploi, à la taille du marché, à la stabilité macroéconomique, à l'évolution des échanges internationaux, aux transferts de capitaux, aux infrastructures, à la qualification de la main-d'œuvre, à la protection des biens...

Le porteur de projet peut ainsi détecter les marchés qui possèdent les capacités à attirer les capitaux, facilitent la création d'entreprises et permettent d'investir sans contrainte et d'éviter les environnements contraignants où la bureaucratie, l'instabilité politique ou économique et la corruption sont endémiques.

Tenant compte de l'importance de la qualité du climat des affaires sur l'attractivité des capitaux, les décideurs algériens l'ont toujours inscrite parmi les objectifs prioritaires. Des réformes ont été entreprises, des mesures en vue d'alléger la réglementation et la simplifier ont été appliquées, de nouveaux textes législatifs concernant le code de commerce, la fiscalité, la création d'entreprises, l'investissement et l'attrait des IDE ont été élaborés et publiés, notamment la loi relative à l'investissement et la loi monétaire et bancaire. La création de guichets uniques décentralisés et un guichet spécifique aux grands projets sont des mesures ayant pour but de faciliter les démarches pour les porteurs de projets.

Ces mesures et réformes commencent à donner des résultats très encourageants. L'AAPI (Agence algérienne de la promotion de l'investissement) a enregistré 7.230 projets totalisant un montant d'investissement de 3.340 milliards DA (mai 2024). Ces projets ont un impact assez important sur la création d'emplois. En outre, la NESDA (Agence nationale d'appui et de développement de l'entrepreneuriat) a financé plus de 9.900 projets à fin 2023.

Cette démarche a contribué à relancer l'économie qui enregistre en 2023, un taux de croissance de plus de 4%, une évolution encourageante des exportations et une réduction des importations.

Les avis du FMI et de la Banque mondiale sur l'évolution de l'économie algérienne sont positifs. Le FMI constate que l'économie algérienne enregistre un taux de croissance de 3.8% en 2023, que les réserves internationales sont confortables et sont l'équivalent de 14 mois d'importations, que la balance des paiements est excédentaire et que les perspectives de l'économie algérienne sont « globalement favorables ».

Par ailleurs, la Banque mondiale constate que le PIB connaît une évolution significative, que les réformes entreprises sont intéressantes et que l'Algérie doit persévérer dans ce sens pour soutenir l'investissement, la croissance et la diversification de l'économie. Le Forum de Davos classe l'Algérie parmi les pays « leaders » dans le monde en matière de sécurité alimentaire grâce à la production nationale et en particulier à sa production agricole.

En termes de PIB, l'Algérie accède à la troisième place en Afrique avec 266.8 milliards de dollars, derrière l'Egypte avec 347.6 MD et l'Afrique du Sud avec 373 milliards. L'Algérie doit faire de gros efforts pour atteindre le niveau de l'Afrique du Sud classée parmi les économies émergentes.

L'économie algérienne doit continuer dans cette logique et entreprendre d'autres réformes pour atteindre un taux de croissance d'une économie émergente dont le taux de croissance moyen se situe entre 5 et 7% par an. L'économie algérienne doit faire « plus » et elle possède les moyens humains et des ressources naturelles et financières. Elle doit améliorer continuellement son climat des affaires et le rendre le plus attractif possible ?

Voyons les approches qui ont été retenues par les économistes et les institutions internationales (FMI, Banque mondiale, CNUCED) pour améliorer en permanence le climat des affaires, approches appliquées par des pays et qui ont donné des résultats appréciables sur le plan de l'attractivité et la compétitivité d'une économie.

Beaucoup d'économistes optent pour la nécessité de réformes structurelles. Ces réformes visent des mesures en profondeur, voire radicales touchant l'ensemble des institutions ayant un lien avec l'économie du pays. Le but de cette transformation radicale est de corriger les dysfonctionnements et de réunir les conditions d'une relance économique fiable.

W. Rostow (prix Nobel d'économie) suggère aux nations qui optent pour le développement, d'identifier, au préalable, les facteurs capables d'exercer une action conséquente sur les transformations économiques et de faire réussir les réformes entreprises. Il convient donc de faire un diagnostic de la situation pour identifier les potentialités de l'économie et cerner ses points faibles.

V. TANZI conseille un changement dans les fondements des structures de l'Etat : décentralisation, implication de la société civile, transparence, réformes institutionnelles et économiques, réforme de la gestion publique. Dans une économie libérale, la priorité est donnée aux réformes visant l'ouverture du commerce et de l'économie, l'intégration régionale, la réglementation, la protection de la propriété, la flexibilité dans le travail, une gestion budgétaire rigoureuse, des infrastructures de qualité, la persévérance dans l'action réformatrice.

La CNUCED dans son rapport sur l'investissement dans le monde 2016 propose des mesures qui visent la promotion et la libéralisation de l'investissement, notamment l'assouplissement des restrictions, l'amélioration des procédures, la création de zones économiques spéciales...

Une feuille de route a été établie pour orienter les pays en développement. Cette feuille de route comprend un ensemble de mesures et d'actions visant à améliorer l'attractivité d'une économie et à attirer les capitaux, notamment par la simplification des procédures, leur efficacité, la mise en place de mécanismes de soutien aux investisseurs en leur accordant des avantages...

L'évaluation des institutions et l'appréciation de leurs impacts sur l'évolution de l'économie ou sur l'exécution et les résultats des réformes nécessitent une démarche qui peut créer une dynamique composée des étapes suivantes : le diagnostic, les choix stratégiques, l'application, l'évaluation, les mesures correctives.

La CNUCED évalue les effets des institutions sur le commerce international sur la base de trois indicateurs :

l L'efficacité des pouvoirs publics qui repose sur une série d'indicateurs qui donnent une information sur l'efficacité des services administratifs, le degré de décentralisation ou de centralisation, l'autonomie et la qualité de la gestion de la fonction publique, la qualité de la gestion budgétaire et l'utilisation des ressources et fonds publics, le respect des politiques engagées, la continuité des options choisies...

l L'indice de la primauté du droit qui repose sur une condition fondamentale : le respect du droit, de la propriété et des engagements et des contrats, l'application non discriminatoire du droit, la confiance dans les lois, l'autonomie de la justice...

l L'indice du contrôle de la corruption. La corruption constitue un fléau destructeur de tous les principes et valeurs sur lesquelles reposent une société, les échanges et contrats économiques. L'existence de la corruption fausse les données du marché et influe négativement sur les échanges commerciaux, sur la qualité et les coûts.

Le Forum de Davos, quant à lui, privilégie douze piliers de la compétitivité qui méritent d'être pris en considération dans toute stratégie de développement économique et d'amélioration de la compétitivité. Ces piliers sont classés en trois groupes :

1. Les piliers de base économique composés de quatre domaines stratégiques et déterminants dans le processus de la croissance économique : les institutions, les infrastructures, la stabilité économique, la santé et l'éducation primaire.

2. Les piliers accélérateurs de croissance : l'éducation supérieure, l'efficience du marché des biens, l'efficience du marché du travail, le développement du marché financier.

3. Les piliers de l'économie de la connaissance : l'agilité technologique, la taille du marché, la sophistication des entreprises, l'innovation.

Le tableau de bord de l'attractivité utilisé par l'économie française pour mesurer et comparer son attractivité par rapport aux autres pays retient sept déterminants. Chaque déterminant renferme plusieurs critères mesurables qui permettent de comparer et de suivre les évolutions.

- La taille du marché : elle est évaluée sur la base des indicateurs suivants : le PIB/tête, le taux de croissance du PIB, le volume et des importations, les flux des IDE...

- L'éducation et le capital humain : ils sont appréciés par une série d'indicateurs, notamment : les dépenses réservées à l'éducation, les dépenses par élève, le niveau de culture scientifique des élèves, le personnel affecté à la recherche et au développement, à la science et à technologie, le pourcentage des 25-35 ans ayant un diplôme supérieur, la formation continue...

- La recherche et l'innovation sont évaluées et comparées selon les critères suivants : dépenses consacrées à la recherche et au développement et à leur évolution, intensité de l'activité recherche et développement/PIB, marques et brevets déposés, protection des brevets...

- Les infrastructures. Les critères retenus pour leur évaluation concernent la densité du secteur routier, ferroviaire, aéroport, train à grande vitesse, taux de pénétration de l'Internet, le coût de l'électricité...

- L'environnement administratif et réglementaire : les critères concernent la facilité de création d'entreprises, les barrières à l'entrepreneuriat, la disponibilité du secteur public...)

- L'environnement financier est apprécié par l'évaluation de son efficacité et de ses performances...

- Les coûts et fiscalité sont appréciés par le volume des coûts de l'implantation d'entreprise et des projets, les coûts salariaux et leur évolution, la structure des recettes fiscales...

Mais des contraintes et des dysfonctionnements font échouer beaucoup de réformes et des stratégies de développement, notamment l'absence d'une vision de développement et d'une stratégie stable à moyen et long terme.

Les spécialistes et les institutions internationales recommandent aux pays qui enregistrent des résultats médiocres dans l'application de leur politique de procéder à des réformes institutionnelles pour aller vers la bonne gouvernance et l'amélioration de la qualité des institutions.

En résumé, nous constatons que dans le domaine de l'appréciation de l'attractivité d'une économie, une série d'indicateurs touchant à l'ensemble des domaines est établie et concerne, en général : l'instabilité économique, le déficit de la balance commerciale, le volume de la dette publique, le taux d'inflation, l'instabilité politique, la qualité des institutions financières, la concurrence, l'information sur l'insolvabilité, l'efficacité ou non des services publics, le poids du secteur informel dans l'économie, la corruption, le marché de l'emploi et à sa flexibilité...

« Rendre son économie attractive » est une option qui exige de la qualité dans tous les domaines, de la persévérance, de la fiabilité et de la crédibilité.

*Economiste

Sources :

1. Doing Business. Banque mondiale

2. Rapport sur l'investissement dans le monde 2016, nationalité des investisseurs, enjeux et politiques, repères et vue d'ensemble CNUCED

3. Menu d'action globale pour la facilitation des investissements CNUCED

4. Rapport mondial sur la compétitivité : The Global Competitiveness Report 2016-2017. Et de 2010-2011.World Economic Forum

5. F&D juin 2003 qualité des institutions et résultats économiques Hall Edison FMI