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Le 16 novembre
2022, l'État français a été assigné pour faute lourde et déni de justice par la
famille de Dulcie Sep tember,
la représentante de l'African National Congress (ANC) en France, qui fut assassinée le matin du 29
mars 1988, devant la porte de son bureau situé 24, rue des Petites-Écuries, à
Paris. «C'est un jour historique», a déclaré ce jour-là le petit-neveu de Dulcie September, Michael Arendse, dans un communiqué diffusé en Afrique du Sud.
Dans le même communiqué, Michael Arendse souligne que le tribunal devra déterminer «si l'État français aurait dû lui apporter sa protection après sa double demande, lorsqu'elle informa la police locale que sa vie était en danger [...] même s'il ne s'agit pas de savoir qui l'a tuée, ni les raisons de ce meurtre». Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur, a toujours nié avoir reçu une telle demande. La réouverture du dossier judiciaire permettra, peut-être, de connaître la vérité. La famille espère qu'une issue favorable à cette procédure «sera un catalyseur pour une enquête en bonne et due forme sur le meurtre». En 1992, le tribunal de Paris avait prononcé un non-lieu dans cette affaire. La famille n'avait alors pas désiré faire appel. En 1994, je rencontrais la sœur de Dulcie September dans la région du Cap. Elle m'expliquait qu'en poursuivant la procédure elle risquait d'exposer sa famille aux représailles du régime d'apartheid. Ce qui m'a été confirmé, à l'époque, par Me Nicole Dreyfus, son avocate en France. Après l'arrivée au pouvoir de l'ANC, en 1994, et la chute du régime d'apartheid, deux demandes de réouverture du dossier, en 2019 et en 2020, ont été déposées à Paris, sans suites. UNE FEMME DROITE, INTRANSIGEANTE Contrairement à ce qui a pu être dit, Dulcie September n'a jamais été membre du Parti communiste sud-africain (SACP), mais elle avait adhéré, dans sa jeunesse, à divers groupuscules d'obédience trotskiste et avait fondé, en 1961, avec Neville Alexander, le Yu Chi Chan Club (National Liberation Front) - nom utilisé par Mao Zedong pour « guérilla » -, qui se voulait plus radical que l'ANC de l'époque. Elle fut arrêtée en octobre 1963 et condamnée début 1964 à cinq ans d'emprisonnement dans le cadre de la loi sur la suppression du communisme. Après sa libération, en 1969, le régime d'apartheid lui a imposé une assignation à résidence très stricte, renouvelée à plusieurs reprises. Elle a quitté l'Afrique du Sud le 19 décembre 1973 avec un visa de sortie permanent lui interdisant d'y revenir - une expulsion en réalité. Ce n'est qu'en 1974, à Londres, qu'elle a adhéré à l'ANC, dont elle est devenue une cadre permanente à partir de 1976. ABONNEZ-VOUS GRATUITEMENT À LA LETTRE D'INFORMATION HEBDOMADAIRE D'AFRIQUE XXI Après Londres et Lusaka, Dulcie September est arrivée à Paris en 1984 en tant que représentante de l'ANC, succédant ainsi à Neo Numzana et Godfrey Motsepe. Elle s'est dépensée sans compter pour faire connaître la lutte du peuple sud-africain, développer la solidarité avec l'ANC et tenter d'infléchir la position française quant aux sanctions visant le régime d'apartheid. Dulcie était une femme droite, sans concession, intransigeante, qui n'hésitait pas à exprimer ses désaccords, que ce soit au sein de son organisation, avec les autorités françaises ou avec les organisations françaises soutenant l'ANC. Avec elle, toute tentative de manipulation était vouée à l'échec. On pouvait être «proche» de Dulcie September, mais sa seule «amie» était l'ANC, à qui elle vouait toute sa vie. Au sujet de son assassinat, les questions «qui ?» et «pourquoi ?» ont été posées, en France particulièrement, de façon récurrente pendant ces trente-quatre années par des anciennes militantes et militants antiapartheid. Evelyn Groenink, une journaliste néerlandaise qui a publié une enquête en néerlandais (Dulcie : Een Vrouw Die Haar Mond Moest Houden, Atlas, 2001 ; que l'on peut traduire par : Dulcie, la femme qu'il fallait faire taire), et Jacqueline Dérens, membre du Parti communiste français (PCF) et ancienne présidente des Rencontres nationales contre l'apartheid (RNCA) - une structure créée par le PCF en 1984 pour prendre en main la mobilisation en France contre le régime de Pretoria -, ont apporté des réponses largement reprises par la presse par la suite, sans toutefois pouvoir fournir de preuves. Toutes deux estiment que Dulcie September gênait les pouvoirs français et sud-africain car elle détenait des informations sensibles concernant la collaboration militaire et nucléaire entre ces deux pays. Elles évoquent une implication directe des services français. Selon elles, Dulcie September aurait été en possession d'informations concernant, notamment, un hypothétique accord secret entre Pretoria et Paris sur la livraison d'armes et d'uranium enrichi au régime d'apartheid. Evelyn Groenink se fonde sur un appel de Dulcie September à Aziz Pahad, alors un des cadres de l'ANC à Londres, pour lui faire part d'un « sujet sensible » et lui demander son aide. Il ne viendra pas à Paris, mais l'autrice conclut que cet appel est forcément lié au commerce d'armes. Pour une partie de la presse, la spéculation devient réalité. Sans aucunement mettre en doute la collaboration française avec le régime d'apartheid en matière de nucléaire ou d'armement, cette version me semble improbable. LA FILIÈRE ALGÉRIENNE Mon implication dans les activités de l'ANC à Paris et ma collaboration avec Dulcie September m'ont conduite, dès son assassinat, à douter de cette version. Mes liens avec l'ANC dataient des années 1970, lorsque, installée en Algérie, je contribuais aux activités du bureau dirigé par son représentant, Thamy Sindelo. J'intervenais pour la représentation de l'ANC comme traductrice et interprète auprès des autorités algériennes notamment. La représentation de l'ANC à Alger occupait une place importante sur le plan international depuis l'indépendance algérienne, compte tenu du soutien que ce pays apportait à l'organisation dans sa lutte, y compris armée, contre l'apartheid. Nelson Mandela avait une relation très particulière avec l'Algérie, dont il avait dit, en 1990 : «C'est l'Algérie qui a fait de moi un homme.» Le 19 mars 1962 (quelques semaines avant l'indépendance, acquise le 5 juillet 1962), alors qu'il était sorti clandestinement de son pays pour faire connaître la lutte du peuple sud-africain dans le monde et trouver des soutiens pour sa nouvelle stratégie de lutte armée, il était entré clandestinement en Algérie par Oujda, à la frontière marocaine. Pris en charge par des membres de l'ALN, l'Armée de libération algérienne, il avait bénéficié d'une initiation aux armes sous la responsabilité de Noureddine Djoudi, futur premier ambassadeur d'Algérie à Pretoria et ami très cher de Nelson Mandela. Nelson Mandela lors de son séjour en Algérie, en 1962. DR C'est dans mon appartement, à Paris, après l'élection de François Mitterrand en 1981, que se sont réunis certains responsables de l'ANC pour discuter de l'ouverture d'un bureau officiel dans la capitale française. Il y avait, entre autres, Aziz Pahad, futur vice-ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement Mandela ; James Matthews, poète et écrivain sud-africain renommé, emprisonné en 1976 et interdit de passeport pendant treize ans ; Indres Naidoo, compagnon de bagne, pendant dix ans à Robben Island, de Nelson Mandela - dont j'allais traduire, en 1985, le livre Island in Chains (Dans les bagnes de l'apartheid, Messidor) - ; ou encore Alex Moumbaris, un activiste antiapartheid australien «passeur» de militants de l'ANC hors du territoire, qui fut arrêté, torturé et condamné en Afrique du Sud, et qui défraiera plus tard la chronique pour s'être évadé des quartiers de haute sécurité avec deux autres militants sud-africains, Tim Jenkin et Stephen Lee. LES CONDITIONS DU GOUVERNEMENT SOCIALISTE La demande d'ouverture d'un bureau déposée auprès de la présidence française fut rejetée. Les relations entre le régime d'apartheid et la France étaient au beau fixe. Entre 1980 et 1981, selon la revue spécialisée Marchés tropicaux, les exportations françaises vers l'Afrique du Sud avaient augmenté de 43,6 %. La balance commerciale de la France avec ce pays était excédentaire de 413,9 millions de francs alors qu'elle avait enregistré un déficit de 1,023 milliard de francs en 1980. Le gouvernement socialiste n'avait pas l'intention de mettre un terme à cette manne en dépit des résolutions de l'ONU. Par conséquent, il n'accéda à la demande de l'ANC que sous certaines conditions : les autorités françaises autorisaient l'ouverture des « bureaux » de l'ANC et de la Swapo - un mouvement namibien qui luttait contre l'occupation de la Namibie par l'Afrique du Sud -, mais uniquement au nom d'associations françaises, «Les Amis de l'ANC » et « Les Amis de la Swapo », dont je fus, alors, la présidente. Les représentants de l'ANC n'avaient donc aucun statut officiel en France. À Paris, la « garde rapprochée » de Dulcie September était composée, en premier lieu, de Joyce Tillerson, son assistante, une ancienne Black Panther américaine qui avait toute la confiance de la direction de l'ANC, de Jacqueline Grünfeld, dont la fille, Catherine, était l'épouse de Joe Jelle, un des dirigeants de l'ANC, et de moi-même, qui avais déjà une longue histoire avec l'organisation de Nelson Mandela. Dulcie se sentait menacée, particulièrement durant les semaines qui ont précédé son assassinat. Il m'est arrivé d'aller la chercher au bureau et de l'héberger chez moi à plusieurs reprises. L'une de mes missions au sein du bureau de l'ANC était de collaborer à un groupe européen informel, dirigé par Abdul Minty, directeur de 1979 à 1994 de la Campagne mondiale contre la collaboration nucléaire et militaire avec l'Afrique du Sud, une structure créée sous l'égide du président tanzanien Julius Nyerere, du socialiste suédois Olof Palme, et de Coretta Scott King, l'épouse de Martin Luther King. Abdul Minty, secrétaire d'honneur du puissant Mouvement antiapartheid britannique de 1962 à 1995, a été sollicité à plusieurs reprises en tant qu'expert par le Comité des Nations unies pour l'embargo sur les armes entre 1977 et 1994. Il a, de par ses fonctions, participé à de nombreux séminaires et auditions sur la capacité militaire et nucléaire de l'Afrique du Sud. Il a également collaboré avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), où il siège encore en tant que représentant de l'Afrique du Sud. C'est donc un homme très bien informé, qui n'a jamais confirmé la thèse d'Evelyn Groenink et de Jacqueline Derens. LA TRAQUE AU COMMERCE DES ARMES La mission de ce groupe informel était d'enquêter sur les violations des résolutions de l'ONU en matière d'armes et, si possible, de nucléaire, et de partager nos informations avec l'ANC et l'ONU. Au sein de ce groupe, une organisation néerlandaise, le Shipping Research Bureau (SRB), jouait un rôle essentiel. Il avait été créé en 1980 par le Komitee Zuidelijk Afrika (KZA - Comité néerlandais pour l'Afrique australe) et le Working Group Kairos, deux groupes hollandais antiapartheid. Avec des moyens subsantiels, des subventions de l'ONU notamment, KZA traçait les tankers qui transportaient clandestinement du pétrole en Afrique du Sud. Il avait ajouté à sa mission celle de découvrir également les transports illégaux d'armes, interdits par la résolution 418 de l'ONU du 4 novembre 1977, adoptée à l'unanimité, et qui imposait à tous les États un embargo total sur la vente d'armes à l'Afrique du Sud. En 1985, journaliste au sein de la revue Afrique-Asie, je publiais une longue enquête menée avec mon confrère Colm Foy sur des transports d'armes par des navires danois, entre autres le Pia Vista, le Thaven, ainsi que le Tinemaru, qui avait effectué plusieurs voyages clandestins via le port de Bordeaux-Bassens, où il chargeait des armes. J'étais en contact étroit avec Henrik Berlau, secrétaire général du Syndicat danois des marins affilié à l'organisation internationale «Marins contre l'apartheid». Le capitaine Kaj Narup, qui niait être informé des destinations avant d'être en haute mer et avait dénoncé ce trafic, m'avait envoyé des documents de bord «secrets». Il fut par la suite arrêté et jugé au Danemark, avec le propriétaire du cargo, aux termes de la loi danoise sur la violation des résolutions de l'ONU. Mon enquête me permit de découvrir cinq voyages du Tinemaru entre 1980 et 1982 au cours desquels des cargaisons d'armes et de munitions avaient été envoyées en Afrique du Sud. Interrogé à l'Assemblée nationale, le ministre socialiste de la Défense, Charles Hernu, avait répondu : «Il n'y a pas eu d'exportation de matériel français vers l'Afrique du Sud, et ce qui s'est passé est tout à fait en dehors de la compétence du gouvernement français. C'est aux pays qui ont découvert cela d'entreprendre les actions internationales.» Abdul Minty, en 2005. Wikimedia commons Bien entendu, je transmettais systématiquement mes informations et mes documents à Dulcie September, qui les envoyait à Abdul Minty, à Londres. Les copies des documents que l'on trouve sur certains sites ou illustrant certains articles, présentés comme étant la preuve que Dulcie détenait des secrets compromettants, sont des documents issus de mon enquête publiée dans Afrique Asie. Certains portent le tampon du journal. Dulcie avait également rencontré deux journalistes de TF1 qui avaient fait un reportage sur l'enquête du Tinemaru. Elle avait conservé les notes manuscrites de cet entretien qui ont été également publiées comme éléments de preuve, hors contexte. Elle ne détenait, en 1988, aucune information secrète pouvant la mettre en danger. Je pense que, si ça avait été le cas, Abdul Minty en aurait été informé, et que l'affaire aurait été rendue publique avant même l'assassinat de Dulcie. L'ÉPINEUSE QUESTION DU NUCLÉAIRE Concernant un projet d'accord secret au sujet du nucléaire, à cette époque, nous n'avons, malgré nos contacts, jamais pu en prouver la réalité. Cette thèse me semble improbable pour plusieurs raisons. Il est exact que, jusqu'aux années 1980, la collaboration entre la France et l'Afrique du Sud en matière nucléaire a été indiscutablement étroite (il existe une abondante littérature sur le sujet), particulièrement concernant la construction de la centrale nucléaire de Koeberg et son approvisionnement en uranium enrichi. Framatome1 a livré, via les États-Unis, l'équivalent de 250 millions de dollars d'uranium enrichi pour le démarrage de la centrale, dans le cadre d'un accord secret conclu en 1981. Alors qu'à partir de 1985, la coopération entre l'Afrique du Sud et les États occidentaux (technologie contre uranium de la mine de Rössing, en Namibie, principalement) connaît un net ralentissement dû à la fin des contrats ou au vote de lois interdisant toute collaboration nucléaire dans le cadre des résolutions de l'ONU, Framatome continuait d'approvisionner en combustible nucléaire la centrale de Koeberg, qui se trouvait dans une situation critique. C'est un consortium d'entreprises françaises (Spie Batignolles, Alsthom et Framatome) qui avait débuté en 1976 la construction de cette centrale nucléaire située près de Cape Town. La première tranche était connectée au réseau électrique en 1984, la deuxième en 1985. Le 21 août 1984, le constructeur français livrait officiellement la centrale à Eskom, la compagnie sud-africaine d'électricité. En 1990 et en 1991, ces entreprises intervenaient toujours dans la maintenance de Koeberg2. La centrale nucléaire de Koeberg, située près de la ville du Cap. © Eskom En 1979, un double éclair lumineux caractéristique d'une explosion nucléaire atmosphérique - ce qu'on a appelé l'«incident Vela» - était détecté à proximité de l'île sud-africaine Marion, dans l'océan Indien. Essai nucléaire ? Phénomène naturel ? Une polémique s'ensuivit. Dans leur enquête publiée en 2008 sous le titre The Nuclear Express : A Political History of the Bomb and its Proliferation (Zenith Press, 2010), Thomas C. Reed et Danny B. Stillman concluent que le flash était le résultat d'un test nucléaire mené conjointement par Israël et l'Afrique du Sud dans le cadre d'un échange entre la technologie israélienne et l'uranium sud-africain. «En 1997, écrit Yossi Melman dans le quotidien israélien Haaretz le 2 août 2009, Aziz Pahad me confirmait que le flash de 1979 était «définitivement un essai nucléaire»». Il confirmait, également, l'implication d'Israël. La collaboration entre les deux pays en matière de nucléaire est largement reconnue et documentée. LA BOMBE NUCLÉAIRE EN LIGNE DE MIRE Le 30 avril 1981, Pretoria annonçait avoir produit seul de l'uranium fortement enrichi pour un réacteur de recherche. Derrière le programme nucléaire civil se profilait l'ambition du régime d'apartheid pour un programme militaire pour lequel Pretoria s'était tourné vers Israël principalement. En 1982, dans le cadre d'un programme nucléaire militaire des forces aériennes sud-africaines en guerre contre l'armée angolaise et les forces cubaines, une première bombe nucléaire équivalente à celle d'Hiroshima est prête à l'emploi. Elle ne sera pas utilisée. En 1985, le président Pieter Willem Botha, qui représente alors l'aile la plus dure du régime d'apartheid, annonce la fabrication de sept bombes. Six verront secrètement le jour. Cependant, à la même période, sous l'influence de certains politiques, de militaires et de scientifiques, le choix se porte sur la fabrication de missiles balistiques construits en Afrique du Sud sur les plans du Jericho II israélien, qui posent moins de problèmes et placent Luanda, la capitale angolaise, à distance de tir. La victoire en Angola de Cuito Cuanavale en octobre 1987 donne un élan à l'armée angolaise, soutenue par les forces cubaines, qui aboutira à la signature d'un accord le 22 décembre 1988 sous l'égide de l'ONU. Pretoria est alors contraint de se retirer, également, de Namibie. C'est en Namibie, précisément, que l'Afrique du Sud, alors troisième producteur mondial d'uranium en 1981, possède l'importante mine de Rössing, la plus ancienne mine d'uranium à ciel ouvert, détenue alors par Rio Tinto à 69 %, mais également exploitée par des sociétés du Canada, des États-unis, de France, de Grande-Bretagne et de RFA. La France, via Minatome, possède 10 % et a accordé un prêt de 100 millions de dollars sans intérêt à une société minière sud-africaine pour le développement de l'extraction de l'or et de l'uranium en échange de la livraison de 9 000 tonnes d'uranium sur dix ans3. En septembre 1989, soit un peu plus d'un an après l'assassinat de Dulcie September, le président Frederik de Klerk4 ordonne l'arrêt du programme nucléaire militaire. La fin de l'apartheid était inéluctable. Certains, au plus haut sommet, l'avaient compris. C'est dans cette perspective que l'Afrique du Sud a adhéré au Traité de non-prolifération le 10 août 1991 après avoir détruit ses six bombes nucléaires. «Dans ces circonstances [la défaite en Angola, NDLA], une dissuasion nucléaire était devenue non seulement superflue, mais en fait un obstacle au développement des relations internationales de l'Afrique du Sud», avait déclaré Frederik de Klerk. UN RÉGIME AUX ABOIS À la fin des années 1980, le régime d'apartheid était aux abois. L'application des sanctions et le boycott financier et commercial par un grand nombre de pays, d'institutions internationales et d'organismes (les banques notamment) avait des effets dévastateurs sur l'économie sud-africaine. L'ANC et sa branche armée, Umkhonto we Sizwe, n'avaient jamais été aussi actives à l'intérieur et n'avaient jamais été autant soutenues, par l'opinion publique internationale comme par un grand nombre d'États. Dans ce contexte politique et économique difficile pour l'Afrique du Sud, j'estime qu'il semble peu probable que l'Afrique du Sud, qui possédait la technologie nucléaire et entretenait des relations privilégiées avec Israël en ce domaine, ait négocié secrètement un nouvel accord avec la France. À ma connaissance, ni Abdul Minty ni Dulcie September n'en ont parlé à l'époque, ou n'ont eu les preuves d'un tel accord en matière de nucléaire. Dans le cas contraire, Abdul Minty se serait exprimé depuis. La Commission Vérité et Réconciliation (Truth and Reconciliation Commission-TRC), mise en place par Nelson Mandela, n'a d'ailleurs apporté aucun élément nouveau à ce sujet. Dulcie September se sentait menacée. Elle avait été agressée dans le métro et savait qu'elle était suivie. Elle en avait informé ses camarades de l'ANC à Londres et ses soutiens à Paris. J'en avais moi-même informé les responsables des Rencontres nationales contre l'apartheid. J'avais suggéré qu'à défaut d'une protection officielle, elle pourrait être protégée par des «camarades» de la CGT (Confédération générale du travail) ou du PC. Ces avertissements n'ont pas été pris au sérieux, ni à Londres, ni à Paris. En 1988, la France vit sous le régime de la cohabitation : François Mitterrand est président, Jacques Chirac, Premier ministre. Son ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua, est proche du très actif lobby d'affairistes pro-Afrique du Sud. Les services de renseignements de l'un et de l'autre bord se font la guerre. L'approche des élections législatives (les 5 et 12 juin 1988) crée un climat de rivalité toxique entre le PS et le PC autour de la mort de Dulcie, chacun essayant de tirer la couverture à soi. «S'IL Y AVAIT UNE CIBLE FACILE, C'ÉTAIT BIEN DULCIE SEPTEMBER» Le soir de l'assassinat de Dulcie September, une réunion se tenait au local de l'organisation, rue des Petites-Écuries, en présence de la direction de l'ANC à Londres. Jacqueline Grünfeld et moi-même avions été chargées de maintenir une présence au bureau, tandis qu'un QG de crise était organisé en banlieue parisienne, dans un local mis à disposition par le Parti communiste français. Sous la surveillance des agents des Renseignements généraux, qui avaient pris le contrôle des lieux, nous réceptionnions le courrier. Deux jours après l'assassinat de Dulcie, nous avions reçu un mot griffonné à la va-vite. Il informait la police que l'assassin de Dulcie séjournait au Sudotel, un hôtel situé rue des Petites-Écuries. Ce mot était signé « Sud-Africain ». Les RG récupérèrent immédiatement ce courrier. À ma connaissance, il n'en a plus jamais été question. Ouverture du journal L'Humanité au lendemain de l'assassinat de Dulcie September. DR A-t-on enquêté ? A-t-on intentionnellement écarté une piste, quand, immédiatement après le drame, les hypothèses fleurissaient - règlement de compte au sein de l'ANC, opposant angolais au MPLA arrêté en banlieue puis relâché, etc. ? Alors que Joyce Tillerson, Jacqueline Grünfeld et moi-même étions convoquées par les services de renseignements pour une prise d'empreintes, un des agents nous avaient clairement dit que l'enquête était «compliquée», qu'ils allaient «beaucoup voyager» et que «la guerre entre les services» ne facilitait pas les choses. «S'il y avait une cible facile, c'était bien Dulcie September», écrivait en mai 1988 dans Sechaba, l'organe officiel de l'ANC, Alfred Nzo, secrétaire général de l'ANC de 1969 à 1991, alors en exil. P.W. Botha, le président du régime d'apartheid, avait déclaré la guerre à l'ANC « partout dans le monde, où qu'elle se trouve ». Depuis, les extrémistes du régime d'apartheid n'avaient jamais été aussi violents. Assassinats, disparitions, détentions massives sans procès, exécutions, torture : la fureur du régime n'avait plus de limite. En juillet 1981, Joe Gqabi, membre du Parti communiste et d'Umkhonto we Sizwe, représentant de l'ANC au Zimbabwe, était exécuté par un tueur à gage non identifié. Ruth First, membre de l'ANC et épouse de Joe Slovo, secrétaire général du Parti communiste, était tuée par un colis piégé le 17 août 1982 au Mozambique. Le 18 juillet 1984, Jeannette Schoon et sa fille, Katryn, âgée de 6 ans, étaient également tuées par un colis piégé à Lubango, en Angola. L'avocate Victoria Mxenge était sauvagement tuée de 45 coups de couteau, à Umlazi, le 1er août 1985. Sous le commandement de Dirk Coetzee et d'Eugene de Kock, les commandos de la mort du régime opéraient alors sans relâche et faisaient des dizaines de victimes au Botswana, au Lesotho, au Swaziland, au Zimbabwe, en Zambie, pays limitrophes de l'Afrique du Sud où - particulièrement à la suite du soulèvement de Soweto et de la répression qui s'est ensuivie - s'étaient réfugiés de nombreux jeunes Sud-Africains et cadres de l'ANC. UNE SÉRIE D'ATTAQUES EN EUROPE ET EN AFRIQUE Selon le rapport de la TRC, le bureau du renseignement de l'ambassade sud-africaine à Paris avait reçu l'ordre d'organiser des attaques contre les missions en France et dans certains pays d'Europe. Un Bureau de la coopération civile (CCB), branche secrète des Forces armées spéciales (les escadrons de la mort) qui décidait et organisait les attaques, avait été créé. À Londres, le 15 mars 1982, une bombe explosait dans les bureaux de l'ANC, où était basé le QG de la direction de l'ANC en exil. En 1987, la police découvrait un complot visant à l'enlèvement de plusieurs cadres. Arrêtés, les mercenaires payés par le régime d'apartheid avaient par la suite bénéficié d'un non-lieu. À Bruxelles, où il représentait l'ANC mais ne bénéficiait que d'un statut de réfugié, Godfrey Motsepe, qui dirigeait le bureau de Paris avant Dulcie September, était victime de trois tentatives d'assassinat par arme à feu en 1987 et 1988. Le 27 mars 1988, deux jours avant l'assassinat de la représentante à Paris, une bombe était découverte à l'intérieur des locaux. Lors de l'une de ces agressions, Godfrey Motsepe identifiait le lieutenant des Forces armées sud-africaines (SADF) et agent des services secrets sud-africains (NIS), Joseph Klue. Après ces attaques, les services secrets belges lançaient un mandat d'arrêt international et informaient les services français de la présence suspecte de trois agents sud-africains, dont un portait un nom commençant par « K ». Sans suite du côté français. À Berlin, un incendie criminel ravageait le bureau dirigé par Indres Naidoo. Le 7 avril 1988, quelques jours après l'assassinat de Dulcie September, le juriste sud-africain Albie Sachs, exilé au Mozambique, était gravement mutilé par l'explosion d'une bombe placée sous sa voiture. Durant la même période, un escadron de la mort tuait onze responsables de l'ANC en Zambie. Au Swaziland, un groupe de tueurs du régime enlevaient plusieurs membres de l'ANC dont Ismaïl Ibrahim Ismaïl dit « Com' IBI », un haut cadre, et les ramenaient en Afrique du Sud. « IBI » fut jugé et condamné au bagne de Robben Island, où il avait déjà été emprisonné pendant quinze ans avec Nelson Mandela. En 1987, treize membres de l'ANC étaient tués en neuf mois, dont Cassius Make, membre du comité exécutif de l'ANC et l'un des commandants d'Umkhonto we Sizwe. Des attaques similaires étaient lancées au Mozambique. DES MERCENAIRES CAPABLES DE FRAPPER À TOUT MOMENT Ces victimes des attaques commanditées par le régime d'apartheid étaient pour la plupart des cadres de l'ANC, internationalement connus. Désormais, le régime d'apartheid utilisait des mercenaires très mobiles, difficiles à identifier, de diverses nationalités, capables de frapper à tout moment et d'agir rapidement et efficacement, comme le Britannique Steve Burnett, arrêté et jugé au Botswana. Cet ancien agent des services de renseignements britanniques travaillait pour les services de sécurité sud-africains. Il était basé en Afrique du Sud depuis 1982. Les « Z-Squads » étaient composés de professionnels entraînés, ils disposaient d'une liberté illimitée d'actions et de fonds opérationnels. Dirk Stoffberg, un trafiquant d'armes et agent des services sud-africains, cité également comme chef de « Z-Squads Incorporated » opérant en Europe, a toujours admis connaître les détails du « dossier September » sans en dire plus. Il est arrivé en France deux jours avant l'assassinat de Dulcie. Peu avant sa mort, en 1993, Stoffberg avait accordé une interview à Jacques Pauw, un célèbre journaliste sud-africain d'investigation, fondateur de l'hebdomadaire antiapartheid en afrikaans Vrye Weekblad. Il avait donné l'ordre d'assassiner Dulcie September, écrit Jacques Pauw. [...] Il a dit qu'il avait payé deux anciens membres de la légion étrangère française 20 000 livres pour tuer la représentante de l'ANC en France. Et Stoffberg a dit qu'il n'avait aucune idée de la raison pour laquelle il fallait l'assassiner et présumait que c'était parce qu'elle occupait une position prééminente dans l'ANC. [...] Il a loué (ces) deux tueurs à gage via Adler Group [...]. Les renseignements sur Dulcie September lui ont été donnés par les services de sécurité sud-africains qui lui ont demandé de faciliter son assassinat5. Dirk Stoffberg a été auditionné à Lucerne le 10 janvier 1989 par la juge d'instruction française Claudine Forkel, qui, faute de preuve, n'a pas donné suite. Craig Williamson est l'un des suspects largement cité par la Commission Vérité et Réconciliation. Ancien officier de la police sud-africaine, cet homme avait été arrêté à Londres en 1982 après le cambriolage du bureau du PAC (Pan-African Congress, un autre parti opposé au régime d'apartheid en Afrique du Sud), puis, bénéficiant d'une immunité diplomatique en tant qu'employé de l'ambassade sud-africaine dans la capitale anglaise, il avait été « prié » de quitter le territoire. La même année, il était impliqué dans le plasticage du bureau de l'ANC à Londres, crime pour lequel il a déposé une demande d'amnistie auprès de la TRC en 1995, qui lui a été accordée. Il a été également soupçonné d'avoir participé à l'assassinat de Ruth First, à la tentative de renversement du gouvernement mozambicain en 1986 et à l'assassinat de Jeannette Schoon et sa fille. Craig Williamson est une figure de premier plan dans la politique des assassinats. «CAPITAINE SIAM» ET «SANDERS» AU C?UR DE L'AFFAIRE ? Dirk Coetzee, surnommé «Dirty Dick» («sale queue»), a été le principal témoin de la TRC sur le « dossier September ». Cofondateur et commandant de la Police sud-africaine de sécurité, l'unité des escadrons de la mort basés à Vlakplaas, avec Eugène de Kock6, c'est lui qui a confirmé l'existence et les opérations des escadrons, à la suite des aveux, en septembre 1987, de Butana Almond Nofemela, un gendarme membre des «Z-Squads», condamné à mort pour l'assassinat d'un fermier blanc. Dirk Coetzee, alias « Dirty Dick ». DR À la suite de cette « trahison », Dirk Coetzee fut victime de plusieurs tentatives d'assassinat de la part de ses ex-complices, et se rendit à l'ANC, à Lusaka, en Zambie. Il avait cité, également, le nom de Heine Hüman, un Sud-Africain d'origine suédoise. Selon le rapport de la TRC, Heine Hüman aurait participé à la préparation de l'assassinat de Dulcie September. Il aurait réceptionné l'assassin à l'aéroport de Heathrow (Londres). Après s'être réfugié à l'ambassade du Nigeria, à Harare (Zimbabwe), il s'est installé en Floride sous un autre nom. Il n'a jamais plus voulu, par la suite, évoquer le meurtre de Dulcie September. Autre suspect, Eugene de Kock, surnommé « The Prime Evil » (« le mal intégral »), était le commandant de l'unité C1, le commando de la mort le plus actif spécialisé dans les assassinats de cadres de l'ANC. Il a avoué devant la TRC, en avril 1998, avoir commandité le meurtre de Dulcie September. Les deux tueurs, selon De Kock, auraient été Jean-Paul Guerrier, alias « Capitaine Siam », et Richard Rouget, alias « Sanders », deux mercenaires français. Tous deux étaient des membres de la garde présidentielle de Bob Denard aux Comores. Ce dernier était lié aux services français. Il a mené plusieurs opérations en Afrique après avoir obtenu le « feu orange » de Paris, et sa base comorienne servait d'intermédiaire, dans les années 1980, entre la France et l'Afrique du Sud. Mais il lui arrivait aussi de s'affranchir de la tutelle française en quelques occasions. Ses lieutenants auraient, également, pu agir sans son consentement. UN IMMENSE SAUVE-QUI-PEUT Eugène de Kock, dénoncé à la TRC par son ancien complice Dirk Coetzee, a été jugé coupable en 1996, malgré tous ses efforts pour se dédouaner et dénoncer des complices - notamment Dirk Coetzee, ou le président de Klerk. Il a été inculpé de 83 crimes et condamné à 212 années de prison - une exception dans le programme de réconciliation de la TRC. Sa libération en 2015, « dans l'intérêt de la réconciliation nationale », par le ministre de la Justice, Michael Masutha, avait créé une polémique. Il y a eu, en effet, très peu de procès et de condamnations de ceux qui avaient accepté de témoigner ou de « se confesser » au TRC. Il est l'un des rares. D'autres noms, dont des Français, comme Jean-Dominique Taousson, sont également cités dans le rapport de la TRC, qui a auditionné un très grand nombre de criminels de l'apartheid. Avouer ses crimes devant la Commission était la condition pour être « pardonné » et amnistié. C'est là que réside toute l'ambivalence de ce tribunal. Si elle a joué un rôle essentiel dans la transition pacifique et est devenue un modèle pour d'autres pays, la TRC a été aussi le lieu de « grands déballages », de dénonciations, mais aussi de fausses informations et de règlements de comptes : un immense sauve-qui-peut pour nombre de criminels de l'apartheid, qui a généré une certaine confusion, notamment sur le « dossier September », et des versions souvent contradictoires et peu fiables. En France, les personnes auditionnées par la TRC (des militants proches du bureau de l'ANC), ont toutes insisté sur le fait que Dulcie September était devenue « dangereuse » pour le régime et qu'il était alors nécessaire de l'éliminer, impliquant, également, les services français. J'ai passé, à l'époque, une journée à l'ambassade d'Afrique du Sud avec les deux enquêteurs de la TRC, auxquels j'ai remis tous mes documents et exposé mon point de vue. Le rapport de la TRC n'a retenu ni mon audition, ni ma collaboration, ni mes documents. UN PREMIER PAS VERS LA VÉRITÉ ? Pour ma part, je retiendrai les confessions de Dirk Coetzee, que j'avais pu interviewer pour L'Humanité en 1990, à Lusaka, grâce à l'ANC. Dirk Coetzee était un grand costaud, grossier, récitant son texte avec force détails, sans interruption, décrivant sans exprimer aucune émotion les assassinats perpétrés par les commandos, sans état d'âme, sans aucune inhibition, fier d'avoir appris le maniement des armes à son fils lorsqu'il était enfant. Il m'a confirmé que l'assassinat de Dulcie September avait été commandité par les services sud-africains et exécuté par un mercenaire, dans le cadre de cette campagne d'attaques contre l'ANC « où qu'elle se trouve ». Il a été amnistié en 1997 et a travaillé ensuite pour les services secrets sud-africains. Alors qu'il ne fait aucun doute que le régime d'apartheid a commandité l'assassinat de Dulcie September, il s'est jusqu'à présent avéré impossible, en France comme en Afrique du Sud, de désigner nommément son assassin ou de déterminer le degré d'implication des services français. « Il n'y a pas dans ce rapport [remis à la TRC, NDLA] de preuve formelle [de l'implication des services français, NDLA], c'est de l'interprétation », soulignait en 1997 Charles Villa-Vicencio, théologien et directeur de l'unité de recherche de la TRC7. C'est sans doute la raison pour laquelle la formulation de l'assignation de l'État français par la famille de Dulcie September se limite prudemment à « déterminer si l'État français aurait dû la protéger ». Un premier pas vers la vérité, peut-être ? Cette affaire ressemble par certains aspects à l'assassinat d'Henri Curiel le 4 mai 1978 à son domicile - dont le dossier judiciaire a été classé en 2009 puis rouvert en 2018 - ou à la disparition en 1965 de Mehdi Ben Barka, l'un de principaux opposants socialistes au roi du Maroc Hassan II - dont l'enquête judiciaire, cinquante ans après les faits, est toujours en cours. Espérons qu'une réouverture de l'enquête sur l'assassinat de Dulcie September apportera des éléments de réponse. *Journaliste, aujourd'hui à la retraite. Elle a travaillé au magazine Afrique-Asie, à L'Humanité et L'Humanité-Dimanche avant d'occuper le poste de chef-adjoint de l'agence Viva pour la région Grand-Sud-Ouest. Elle a publié en 2001 une enquête sur la réalité chimique et radiologique de la guerre du Golfe, Guerre du Golfe, la sale guerre propre (Cherche Midi, 2001). Traductrice, elle a fait connaître pendant le régime d'apartheid les auteurs noirs sud-africains, notamment Wally Mongane Serote, lauréat de prestigieux prix internationaux. Militante, elle a contribué à faire connaître la lutte du peuple sud-africain par la traduction du récit d'Indres Naidoo et Albie Sachs, Island In Chains - Dans les Bagnes de l'apartheid (Messidor 1986). |
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