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La notation financière libérée

par Abdelkrim Zerzouri

Comment interpréter cette volonté affichée par les dirigeants africains de s'affranchir des Agences internationales de notation financière, en créant une Agence panafricaine de notation financière, appelée l'Agence africaine de notation de crédit (AFCRA), dont le lancement est annoncé en juin prochain ? L'idée, qui n'est pas nouvelle, a pris forme lors du dernier sommet de l'UA, tenu à Addis-Abeba, les 15 et 16 février, où les dirigeants africains se sont mis d'accord pour lancer cette agence de notation sans plus tarder.

Au-delà, donc, d'un agenda chargé, allant des discussions de la paix, de la sécurité, de la ZLECAf et d'autres dossiers d'actualité, le Sommet s'est penché sur cette question sensible de la notation financière qui, telle qu'elle est établie par les trois principales Agences internationales, Moody's Investor Service (Moody's), Fitch Ratings (Fitch) et Standard & Poor's, désavantage les pays du continent. Selon le président éthiopien Tayé Atske-Sélassé, dont la note de son pays a été récemment dégradée par l'Agence Fitch, « les Agences de notation internationales ont souvent présenté une vision déformée et peu constructive des économies africaines, et leurs évaluations qui se caractérisent par leur imprévisibilité et leur incohérence, ainsi que le manque d'objectivité a limité les capacités des pays du continent à s'intégrer dans le système financier mondial ». Il y a, surtout, cette surévaluation de la prime de risque dans les pays africains qui a tendance à faire fuir les investisseurs potentiels et bloquer les prêts au niveau des institutions financières internationales, qui se réfèrent à la notation établie par les Agences en question avant de faire le moindre pas dans cette direction.

Le Président Tebboune, qui a soutenu la création de cette agence, lors de son allocution prononcée à l'ouverture des travaux du 34ème Sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement du Mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP), en sa qualité de président de ce Mécanisme, affirmant qu'elle représente un nouveau jalon pour le développement de l'économie africaine qui aura un impact positif pour tous les pays du continent, a insisté sur « la nécessité d'œuvrer de concert pour assurer sa crédibilité et son efficacité ». Soulignant dans ce sillage qu'il faut s'éloigner des évaluations non scientifiques, illogiques et anti économiques. En somme, il ne s'agit pas seulement de créer une Agence de notation mais, surtout, lui donner du poids sur la scène internationale.

Les Européens également, qui ont sévèrement critiqué « l'opacité des méthodes » de travail des trois principales Agences, toutes trois d'origine anglo-saxonne et sont ancrées dans cette culture, ont créé leur propre agence de notation Scope Ratings, qui a été agréée par la BCE, en novembre 2023.

L'action des Européens montre la voie à suivre, consistant à ne pas laisser cette agence de notation panafricaine aux humeurs politiques, en la plaçant sous l'agrément d'une institution financière africaine.