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PRÉSENCE DE FEMMES

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

Les femmes de nos vies. Roman de Canesi et Rahmani. Editions Dalimen, Alger 2024, 360 pages, 1 500 dinars.



Trois femmes : deux mères, Suzanne et Malika, l'une Française et l'autre Algérienne et Elena, une ancienne compagne de Mourad Trois hommes : Mourad, un beau jeune homme, médecin de son état, installé à Paris, l'ombre de Nicolas (qui s'est suicidé), son compagnon et Pierre, un ami d'enfance.

Presque tous se retrouvent à Paris au chevet de Mourad, accidenté (un accident de moto «facilité» par sa dépression suite à la disparition de son «ami»).

Chacun(e) de son côté remonte le temps et essaie de sauver ce qui reste du «désastre amoureux», encore mal saisi (le Sida et l'homosexualité) à l'époque. Seul l'amour porté à la progéniture peut sauver les désespérés. Après Paris, c'est une retraite au cœur de l'Auvergne, en pleine campagne, par le passé lieu de vacances de la famille de Mourad que les femmes de la nouvelle famille tentent de reconstruire.

Mourad retrouve un de ses amis d'enfance, Pierre, sosie aussi beau de Nicolas, et retrouve, peu à peu, la santé... et l'amour. Les deux mamans (de Mourad et de Nicolas) peuvent en toute tranquillité, retourner à leurs fourneaux, l'une à Alger et l'autre sur la Côte d'azur... et Elena s'en ira bien loin, enceinte presqu'«accidentellement» de Mourad, au Canada.

Notes : -Toujours cette détestable manie d'introduire dans les romans écrits par les «autres» (les nôtres sont beaucoup plus que la vie politique) de «comparer» la vie à Alger, «ville sale, défigurée et triste et où l'ascenseur ne fonctionne qu'une semaine sur deux»... et à Paris, «ville toujours claire et joyeuse». Bien sûr, presque toujours à notre désavantage. A signaler un «texte» du «jeune» Winston Churchill, pp 219-220, sur les «terribles malédictions que la foi mahométane fait peser sur ses fidèles...»

Les Auteurs : Un Algérien et un Français. Le premier, médecin anesthésiste et le second médecin dermatologue, tous les deux en permanence, témoins, en direct, de douleurs humaines. Déjà auteurs, ensemble, de plusieurs romans dont le premier, en 2006, «Le Syndrome de Lazare» (sur l'arrivée du sida en France) a été adapté au cinéma par André Téchiné, sous le titre «Les Témoins». Le second livre, «La douleur du fantôme» a été édité en 2010.Leur troisième, «Alger sans Mozart» a été édité par les Editions Dalimen (Alger) en 2013 et un autre «Ultime preuve d'amour»a été édité en 2020, toujours aux Editions Dalimen. Il y a, aussi, «Villa Taylor» (Editions Anne Carrière, Paris 2017). En 2022, ils ont même publié un essai, toujours chez Dalimen, «Bien portant avec La Médecine du Prophète».

Extraits : «Partout des tableaux, des gravures, pas un seul pan de mur nu. La profusion pour combler le manque ?» (p 53), «Un médecin aide à vivre et non à mourir. Il est hostile à l'euthanasie. Certains collègues n'ont pas cette éthique, ils condamnent à mort puis exécutent, s'arrogeant les pouvoirs du juge et du bourreau» (p 62), «L'opium des suicidaires est la mort elle-même. Ils promettent : jamais ils ne recommencent ; ils manipulent leur entourage avec de belles paroles alors même que le passage à l'acte est imminent. La quête compulsive de ce qui assouvit leur irrépressible besoin de plaisir pour les toxicomanes ou de mort pour les suicidaires est un trait de leur pathologie» (p 145).

Avis - Un roman assez intimiste qui analyse et présente les méandres de la sexualité à travers les expériences douloureuses, faites d'amour et de souffrances (dont celles dues au Sida).Une œuvre assez déprimante, heureusement bien rédigée... mais hors de «notre temps... et de notre univers» habituels.

Citations : «Les hôtels sont une allégorie de la vie, on y croise des gens inconnus que l'on ne reverra jamais» (p 67), «Un coup (dur), c'est passager, le malheur est durable. Un coup est transitoire et surtout évitable» (p 117), «Les mères, quand elles aiment, sont capables d'entendre l'inaudible» (p 137),»Le malheur et le bonheur sont des jumeaux inséparables, ils se jouent de nous. Vivre, c'est accepter l'un et l'autre» (p192), «Quand on est jeune et que la vie s'étend infinie à nos pieds, chaque point d'interrogation est une promesse» (p 195), «Le rôle de mère est ardu, ce qui semble si naturel est en réalité un parcours du combattant. Il faut apprendre à gérer les obstacles, les surmonter, chuter parfois» (p 353).



Toi, ma sœur étrangère. Algérie-France sans guerre et sans tabou. Essai de Karima Berger & Christine Ray. El Ibriz Editions, Alger 2016 (Editions du Rocher, 2012). 192 pages, 620 dinars*



Elles voulaient «goûter ensemble le sel de leur histoire». L'une est Algérienne musulmane, une «indigène», une «Arabe», l'autre est une «roumia» de France ayant vécu une partie sensible de son enfance en Algérie (cinq années : 55-59, de l'âge de trois ans à huit), avec des parents «transplantés» professionnels.(...)

Un livre à deux voix, beaucoup de questions et des réponses se terminant bien souvent....en questionnements. Il est vrai que, aussi bien pour l'une que pour l'autre, il est toujours difficile d'analyser et encore moins de juger de situations vécues durant l'enfance et les maux des autres.

La société algérienne, la guerre pour l'Indépendance, le racisme pied-noir, et /ou l'indifférence des autres à l'endroit des «indigènes», l'Islam, les religions, la tolérance, les personnalités qui ont marqué l'Histoire coloniale (dont l'Emir Abdelkader, le Cardinal Duval, Camus, Germaine Tillon,...), les croyances, la femme, les lieux (Tipasa, Alger, Timimoun...), l'exil... tout y passe nous laissant parfois sur notre faim. Mais ce qui transparaît le plus, c'est bien un amour «fou» (avec ses souffrances, ses angoisses et ses joies) pour l'Algérie telle qu'elle a été vécue certes (avec des yeux d'enfant, cela s'entend), mais aussi telle qu'elle est aujourd'hui. Et, toujours, de l'espoir.

Les Auteures : Karima Berger, l'Algérienne, est née à Ténès. Et, ayant vécu à Médéa jusqu'en 1963. Etudes de droit et sciences politiques (Université d'Alger). Départ en France en juillet 1974 à l'âge de vingt ans. Auteure de plusieurs romans et essais (dont un édité en Algérie en 2013, «L'Enfant des deux mondes»)

Christine Ray – aujourd'hui plasticienne et écrivaine -, née en France, et arrivée en Algérie en 1955 à l'âge de trois ans, a passé quatre années de son enfance à Alger (1955-1959). Elle y est revenue comme journaliste entre 1979 et 1983. Auteure de plusieurs essais, notamment un livre d'entretiens sur le Cardinal Duval.

Extraits : «Mon pays est cet archipel aux filiations multiples, souterraines, aux identités plurielles qui creusent la matière de son histoire «(Karima, p 15), «L'Algérie (...) est une très belle femme, généreuse et splendide, elle a des enfants, très beaux aussi mais il lui manque un homme et personne ne veut l'épouser» (Karima, p 52) (...)

Un ouvrage à deux voix, et tout particulièrement en forme d'essai, est toujours difficile à lire.(...). Une psychothérapie à deux ? Un livre-défouloir ? Un livre qui tente de rassembler, surtout !

Citations : (...) «Le «voir» est un art suprême dans la culture arabo-musulmane, et les femmes maîtrisent plus que tout cet art en restant cachées ; voir au dehors, c'est s'évader» (Karima, p 54), «Libération, c'est tellement beau pourtant ! Dans Libération, on est dans le plaisir, dans Indépendance, on est dans l'après-coup... Indépendance appartient aux politiques, Libération appartient au peuple» (Karima, p 77), «Les religions ont transmis les textes, les saints, les récits de ceux qui ont cherché Dieu. Mais elles ont aussi accaparé le divin, enchaîné les esprits au lieu de les libérer. C'est un tout, mauvaises herbes et bon grain mêlés. La foi s'y fraye un petit sentier «(Christine, p 126).

*(Fiche de lecture déjà publiée en mars 2019... Extraits pour rappel. Fiche de lecture complète in www. almanach-dz.com/population/bibliotheque dalmanach)