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Utilité publique

par Abdelkrim Zerzouri

L'Ethiopie qui vient d'interdire l'importation de véhicules fonctionnant à l'essence et au diesel prend-elle une décision visionnaire d'un avenir totalement dédié aux énergies renouvelables et propres vers lequel le monde se dirige à petits pas ?

La décision en question, qui a surpris tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, notamment quand on sait que le pays manque affreusement d'énergie électrique, voire où n'existe qu'une seule borne de recharge et où de larges pans de la population n'ont pas d'accès à l'électricité, n'est quand même pas du tout déraisonnable.

L'Ethiopie, qui a surpris plus d'un en développant son économie alors qu'on ne misait pas une miette sur sa performance, pourrait avec cette anticipation engranger des gains énormes sur le plan des finances du pays et sur le plan environnemental. Celui-ci qui a déjà le mérite de connaître de sérieux acquis avec la promesse de planter 5 milliards d'arbres en 2024 dans le cadre de vastes campagnes de reboisement initiées sous la gouvernance du Premier ministre Abiy Ahmed, prix Nobel de paix en 2019.

Sur quoi compte l'Ethiopie pour faire rouler son parc auto sans essence et sans diesel, puisque les Ethiopiens sont bien obligés de n'acheter dorénavant que des véhicules électriques ? Et, selon toute vraisemblance, bientôt il n'y aura plus aucune goutte d'essence ou de diesel à servir dans les stations. Car, la décision en question vise à réduire d'une manière drastique l'importation d'essence, dont la facture s'est élevée à 6 milliards d'euros en 2023, et réduire considérablement la pollution atmosphérique. Certes, le pays passe par une mauvaise passe, selon des avis partagés des économistes, mais il ne faut jurer de rien avec l'Ethiopie, dont les dirigeants ont réussi à hisser leur pays parmi les économies émergentes.

Premièrement, il faut comprendre que cette décision ne s'adosse pas au néant. Les dirigeants du pays comptent sur le barrage de la Renaissance (Ennahdha) pour produire l'électricité à souhait et répondre aux besoins des foyers et des véhicules électriques.

Pour rappel, le barrage qui a commencé à produire ses premiers mégawatts en 2022, vise une production de 5.000 mégawattheures dans le court terme. D'après plusieurs experts, cette électricité bon marché produite par le plus grand barrage hydroélectrique d'Afrique, devrait être exploitée dans le cadre de la préservation des devises du pays en l'orientant vers le remplacement de l'essence et du diesel.

Sur un autre plan, on ne serait pas étonné que des constructeurs de véhicules électriques, notamment chinois, viennent installer leurs usines en Ethiopie, un marché appelé à voir une explosion de la demande de véhicules électriques. Il n'existe pas d'autres solutions que de construire des usines sur place pour absorber la forte demande urgente qui va naître de cette décision de stopper l'importation des véhicules roulant à l'essence et au diesel.

Sûr que les Ethiopiens vont rencontrer des difficultés pour suivre cette transformation, mais devant les gains très importants pour l'économie du pays rien n'est insurmontable. C'est la devise de l'utilité publique élevée au rang sacré qui est à l'origine de ce qu'on pourrait appeler le miracle éthiopien.