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Un monde complice

par Mustapha Aggoun

Il existe une conviction profonde chez la majorité des politiciens américains que Benjamin Netanyahou incarne leur héros, menant une lutte acharnée au Moyen-Orient en leur nom. Cette perception est ancrée dans des décennies de soutien inconditionnel des États-Unis à Israël, souvent justifié par des intérêts géopolitiques, des alliances stratégiques et une solidarité historique. Ces politiciens voient en Netanyahou un défenseur des valeurs démocratiques occidentales face à ce qu'ils prétend et comme une menace terroriste et radicale venant de certains groupes de la résistance palestinien.

Pendant dix mois consécutifs, ces politiciens ont applaudi aux actions militaires de Netanyahou qui ont résulté en des tueries massives, la destruction de maisons et d'infrastructures essentielles, le déplacement forcé de milliers de personnes, la création de conditions de famine et l'écrasement de toutes les composantes de la vie palestinienne. Ils ont soutenu ces actions non seulement par des mots mais aussi par des actes, en approuvant des financements militaires et en fournissant un soutien diplomatique constant.

Ce soutien inébranlable est souvent justifié par une vision simpliste du conflit, où les Palestiniens sont perçus exclusivement sous le prisme de la menace et de la violence. Les souffrances des civils palestiniens, les violations des droits humains et les conséquences humanitaires des opérations militaires israéliennes sont minimisées ou ignorées, sous l'argument que ces actions sont nécessaires pour la sécurité d'Israël et, par extension, pour la stabilité régionale et la sécurité des intérêts américains.

De plus, ces politiciens sont souvent influencés par des lobbies puissants qui soutiennent inconditionnellement Israël. Ces lobbies exercent une pression significative sur les décisions politiques, utilisant leur influence pour modeler la politique étrangère américaine de manière à soutenir les actions israéliennes, quelles que soient leurs conséquences

humanitaires.

La conviction que Netanyahou est un héros menant leur guerre au Moyen-Orient résulte d'un mélange de realpolitik, d'influence de lobbies et d'une vision idéologique du conflit. Cela les amène à applaudir des actions qui, en réalité, causent des souffrances incommensurables aux populations civiles palestiniennes, simplement parce qu'elles sont Palestiniennes et perçues comme l'ennemi dans cette lutte.

Il n'est pas surprenant que le Congrès américain se transforme en une sorte de cirque médiatique, où les politiques se laissent emporter par des spectacles publics et des démonstrations de loyauté qui frisent souvent le ridicule.

Ce phénomène est en grande partie dû à la nature hypermédiatisée de la politique contemporaine, où les gestes symboliques et les discours flamboyants prennent souvent le pas sur les débats substantiels et les décisions politiques réfléchies.

Les membres du Congrès, conscients de l'impact des médias et de l'opinion publique, deviennent parfois une bande d'enthousiastes acclamant des figures controversées qui les divertissent avec des pitreries et des discours populistes. Ces démonstrations publiques, bien que superficielles, servent à galvaniser leur base électorale, à renforcer leur image publique et à attirer l'attention médiatique.

Cette fois-ci, ils se sont surpassés, allant au-delà de tout ce que leurs prédécesseurs avaient fait. Lorsque Netanyahou a pris la parole, le Congrès américain a été transformé en une scène de théâtre où chaque mot et chaque geste étaient accueillis par des applaudissements frénétiques. Les membres du Congrès, en quête de reconnaissance et d'approbation, ont rivalisé d'enthousiasme pour montrer leur soutien inconditionnel. Cette scène, bien que théâtrale, reflète des dynamiques politiques profondes et complexes.

D'abord, cela illustre la puissance des lobbies pro-israéliens aux États-Unis, tels que l'AIPAC (American Israel Public Affairs Committee), qui exercent une influence considérable sur les législateurs américains. Ces lobbies jouent un rôle crucial dans le façonnement de la politique étrangère américaine, en particulier en ce qui concerne le Moyen-Orient. Leur soutien financier et politique peut faire ou défaire des carrières politiques, ce qui pousse de nombreux membres du Congrès à manifester publiquement leur soutien à Israël et à ses dirigeants.

Ensuite, cette démonstration d'enthousiasme reflète une culture politique où la fidélité à des alliances stratégiques est valorisée au détriment d'une analyse critique des actions des alliés. En acclamant Netanyahou, les membres du Congrès ne se contentent pas de soutenir un dirigeant étranger ; ils réaffirment également une vision du monde où Israël est vu comme un bastion de démocratie et de civilisation occidentale au cœur d'un Moyen-Orient perçu comme chaotique et menaçant. Cette vision simplifiée et binaire du conflit renforce les stéréotypes et empêche une compréhension nuancée des enjeux complexes de la région.

Ce phénomène souligne la polarisation extrême de la politique américaine. Dans un climat

politique où les divisions partisanes sont de plus en plus marquées, soutenir Netanyahou devient un moyen de s'aligner avec une certaine idéologie et de marquer une position claire sur la scène internationale. Pour les politiciens, ces démonstrations publiques servent à mobiliser leur base électorale, à signaler leur allégeance et à différencier leur camp de l'opposition.

La transformation du Congrès en un cirque acclamant un bouffon divertissant n'est pas simplement un spectacle médiatique. C'est le reflet de dynamiques politiques profondes, où l'influence des lobbies, la simplification des enjeux complexes et la polarisation partisane façonnent le comportement des législateurs et la politique étrangère des États-Unis. Cette fois, en acclamant Netanyahou avec une ferveur inégalée, ils ont montré à quel point ces forces peuvent pousser les politiciens à dépasser les limites de la décence et du bon sens pour servir des intérêts stratégiques et personnels.

Le bouffon connaît son public et sait le satisfaire. Il lui suffit d'imiter les présidents américains dans leurs discours sur l'Union : une déferlante d'émotions «patriotiques», des louanges à la démocratie et à la civilisation, des avertissements sur la barbarie venant des arabes et des rappels de la relation paternelle pathologique entre l'Amérique et Israël, relation qui nécessite une analyse en psychologie plutôt qu'en politique ou en histoire.

De temps en temps, comme les présidents américains qui présentent des «héros» militaires dont personne ne sait pourquoi ils combattaient à l'autre bout du monde, Benjamin Netanyahou amène des échantillons de ses soldats pour qu'ils reçoivent également leur part d'applaudissements et de larmes d'émotion.

Alors que Netanyahou ment plus qu'il ne respire, jusqu'à dire qu'il n'y a pas de civils tués à Ghaza, les applaudissements augmentent. S'il y avait des arbres dans la salle, ils les grimperaient de joie.

Il est probable qu'ils aient surpris même Netanyahou. Il ne s'attendait pas à être accueilli comme le criminel de guerre qu'il est, ni comme un invité devenu encombrant pour leur trésorerie, comme le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ni même comme un président américain controversé. Il savait que ses adversaires au Congrès avaient boycotté son discours, et que les présents, à l'exception de cette femme palestinienne et de sa KOUFIYA, étaient tous ses partisans et ceux de sa guerre criminelle à Ghaza.

Netanyahou fut surpris par la démocratie célébrant avec autant de flagornerie depuis son entrée dans la salle jusqu'à sa sortie, porté par des mains enflammées d'applaudissements. Il semblait défiler parmi eux tel le camarade Kim Jong-un, et ils paraissaient comme les officiers de son armée dans la République populaire d'Amérique.

L'heure d'applaudissements dans ce cirque n'était pas drôle, malgré la scène grotesque du bouffon et de ses poules. Il y avait plus que la simple célébration d'un allié ou la flatterie des lobbys américains, qui savent où investir leur argent à chaque élection américaine.

Ils savent parfaitement à qui ils applaudissent et contre qui. Leur soif de vengeance n'est pas étanchée et ne le sera jamais. C'est leur image des Arabes, et ils veulent que leur héros agisse en conséquence.

Le menteur ne faisait pas que dire des paroles en l'air lorsqu'il affirmait qu'il menait la guerre en leur nom. En réalité, chaque action militaire, chaque frappe et chaque opération étaient effectuées sous la bannière de leurs intérêts et de leur soutien tacite. C'était comme si les bottes qui s'enfonçaient dans la boue sanglante du conflit étaient les leurs, symbolisant leur consentement et leur complicité. Lorsqu'il est venu devant eux, ce n'était pas simplement pour recevoir des éloges, mais pour exiger une reconnaissance pour toutes les horreurs et les atrocités qu'il avait commises en leur nom. Il leur demandait de reconnaître et de valider la violence et la destruction qu'il avait orchestrées pour servir leurs objectifs. Et en réponse, ils n'ont pas seulement répondu, ils ont surpassé toutes attentes en l'acclamant avec une ferveur et une adulation démesurées, prouvant ainsi que son sacrifice et ses actes étaient non seulement acceptés mais également glorifiés.

Cela se produit à un moment où brandir le drapeau palestinien au Maroc, en Égypte et aux Émirats est considéré comme un délit. Où crier «Free Palestine» est interprété comme une apologie du terrorisme, passible de sanctions sévères. Cette répression des expressions de solidarité avec la Palestine s'inscrit dans un contexte de normalisation des relations entre certains pays arabes et Israël, où les gouvernements cherchent à aligner leurs politiques sur celles des puissances occidentales et à éviter tout ce qui pourrait être perçu comme une opposition à Israël.

Cette dynamique révèle une volonté de réprimer toute forme de résistance ou de critique de l'occupation israélienne, souvent sous le prétexte de maintenir la stabilité et de lutter contre l'extrémisme. Les manifestations pro-palestiniennes, autrefois courantes et soutenues, sont maintenant étouffées par des lois strictes et une surveillance accrue.

Les gouvernements de ces pays justifient ces mesures en invoquant la sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme, mais en réalité, ils cherchent à réprimer toute dissidence qui pourrait perturber leurs relations diplomatiques et économiques avec Israël et ses alliés.

Cette criminalisation des symboles palestiniens et des slogans de solidarité montre à quel point les espaces de contestation et de résistance se réduisent, non seulement en Palestine, mais aussi dans le monde arabe. Elle témoigne d'une complicité tacite entre certains régimes arabes et Israël, visant à marginaliser et à museler les voix pro-palestiniennes.

En parallèle, sur la scène internationale, des actions comme celles du Congrès américain acclamant Netanyahou, accentuent ce sentiment d'isolement et de trahison ressenti par les Palestiniens et leurs soutiens. Tandis que les manifestations de solidarité sont réprimées dans plusieurs pays arabes, les applaudissements frénétiques des politiciens américains à Netanyahou amplifient la perception d'une collusion globale contre la cause palestinienne.

Cette situation souligne une réalité troublante : à une époque où la lutte pour les droits des Palestiniens est de plus en plus criminalisée, les dirigeants mondiaux, loin de défendre ces droits, renforcent les structures de pouvoir qui les oppriment. Cela renforce la nécessité

d'une solidarité internationale plus forte et plus visible pour contester ces narratives répressives et pour soutenir les droits humains et la justice en Palestine.