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Les sources de la haine et du mal

par Mustapha Aggoun

Il y a une question brûlante qui tourmente les consciences : pourquoi une telle haine sioniste semble-t-elle être dirigée avec une violence si démesurée contre Ghaza et ses habitants ?

Nous assistons à une guerre d'une brutalité inouïe, une campagne que beaucoup qualifient de génocide, une horreur qui s'acharne, sans pitié, sur les enfants, les femmes, et les familles entières. Chaque jour, nous sommes témoins de la destruction systématique des maisons, des quartiers, et même des hôpitaux, des lieux censés être des refuges de paix et de soins.

Ce qui bouleverse encore plus, c'est que ces atrocités sont commises par l'armée d'un État qui, au XXIe siècle, se targue d'être civilisé et démocratique. Comment un pays qui se présente comme un modèle de modernité et de justice peut-il orchestrer une telle campagne de terreur ?

Face à cette tragédie humaine d'une ampleur inouïe, le silence qui résonne est déchirant. C'est un silence lourd et pesant, un vide sonore qui amplifie l'angoisse et l'horreur de chaque instant. Les cris étouffés de douleur et les murmures de désespoir se perdent dans un néant abyssal, là où devraient résonner les clameurs de solidarité et d'indignation.

Il n'y a ni cri d'indignation ni condamnation officielle de la majorité des gouvernements occidentaux. Ce fait heurte profondément, comme une lame s'enfonçant dans le cœur de notre conscience collective. Où sont donc les voix des protestants et des évangéliques, ces défenseurs autoproclamés de la compassion et de la justice, qui s'érigent en champions des valeurs morales et de l'empathie humaine ? Où est leur courage dans ce moment où la dignité humaine est piétinée, où les innocents subissent les affres d'une violence insensée ?

Dans ce tumulte de souffrances, pourquoi ces communautés, si souvent en première ligne pour défendre les Droits humains, ne s'élèvent-elles pas avec la force et l'urgence que la situation exige ? L'urgence est palpable, l'horreur est visible, et pourtant, les voix qui devraient porter le flambeau de l'espoir et de la résistance restent étouffées, emprisonnées par une apathie inexplicable. Les églises, ces bastions de l'amour et de la rédemption, se transforment en sanctuaires de silence et d'inaction.

Ce silence assourdissant face à une guerre qui dévaste des vies et des rêves interroge nos valeurs fondamentales et remet en question les priorités de notre époque. Les flammes de cette crise brûlent avec une intensité qui devrait secouer notre indifférence et raviver notre sens de la justice. Et pourtant, elles semblent incapables de percer la carapace d'insensibilité qui enveloppe ces communautés, si promptes à prêcher l'amour du prochain mais si lentes à répondre à l'appel pressant de l'humanité en détresse.

Chaque seconde de mutisme face à ce carnage érode l'humanité commune de l'ensemble des peuples et laisse une marque noire dans l'histoire contemporaine. C'est un rappel cruel que le silence n'est pas seulement une absence de réaction, mais un consentement implicite à la continuation de l'horreur. C'est une trahison de notre essence la plus profonde, de cette étincelle de bonté et de compassion qui fait de nous des êtres humains. Dans ce silence, ce sont nos valeurs qui se consument lentement, notre conscience collective qui se dilue, et notre humanité qui se dérobe sous nos pieds.

Il est urgent que ce silence se brise, de retrouver la voix du courage, de rallumer la flamme de l'humanité qui vacille sous le poids de l'indifférence. Le monde ne peut pas rester spectateur passif alors que des vies sont réduites en cendres, que des rêves sont anéantis. Le moment est venu de se lever, de parler, de dénoncer. Car chaque mot, chaque geste de solidarité, peut être un phare dans l'obscurité, une étincelle d'espoir dans l'abîme de la souffrance.

Ce que l'État sioniste avance pour justifier le déclenchement de la guerre et ses objectifs semble manquer de sincérité et de profondeur. Les discours officiels parlent de la puissance de la résistance et de la menace existentielle qu'elle poserait à l'État israélien. Ils invoquent également la nécessité de restaurer le prestige de l'armée israélienne après l'humiliation ressentie le 7 octobre. Mais ces arguments, pris au pied de la lettre, sonnent creux et n'offrent qu'un miroir déformé de la réalité.

Derrière cette rhétorique se cachent des émotions plus profondes, des douleurs ancestrales et des peurs viscérales qui ne sont pas pleinement exprimées. Les récits sur la menace de la résistance semblent alimentés par une terreur vieille de décennies, peut-être même de siècles, de voir disparaître ce qui a été ardemment construit et défendu. C'est une angoisse existentielle qui se traduit par un désir féroce de montrer une force indomptable, un besoin de prouver à chaque instant la capacité de se défendre et de survivre.

La mention du besoin de restaurer le prestige de l'armée après le 7 octobre n'est pas simplement une question de réputation militaire. C'est une blessure ouverte, une atteinte à l'âme collective, à la fierté nationale, qui nécessite une réponse – non pas uniquement pour les autres, mais pour le cœur même de l'identité israélienne. Ce prestige perdu représente bien plus que des soldats abattus; il évoque la fragilité de ce qui est censé être invincible, et la peur qu'une vulnérabilité apparente ne mette en péril tout l'édifice.

Les explications données par Israël pour justifier ses actions ne sont pas juste des raisons tactiques ou stratégiques; elles sont l'expression d'une lutte intérieure pour la survie et la reconnaissance. Ce ne sont pas seulement des mots mais des cris d'une nation hantée par son histoire et obsédée par son avenir. Les motivations sont complexes, imprégnées de douleur, de fierté blessée et de la volonté impérieuse de persévérer face à ce qui est perçu comme des forces qui cherchent à détruire.

Il est donc essentiel de regarder au-delà des déclarations officielles, d'écouter les murmures des âmes et de comprendre les angoisses profondes qui guident les actions. Car ce qui se joue ici n'est pas simplement une question de stratégie militaire ou de politique internationale; c'est une lutte poignante pour l'existence et la dignité dans un monde perçu comme profondément hostile et incertain.

La guerre actuelle, bien que présentée sous des prétextes politiques et sécuritaires, est en réalité profondément enracinée dans les interprétations des textes de la Torah. Ces écrits sacrés, qui ont un impact considérable sur la politique et les comportements des sionistes, dominent le paysage politique israélien par l'intermédiaire de figures influentes telles que Ben-Gvir, Smotrich, et Netanyahu.

Dans cette guerre acharnée, ces leaders semblent exécuter ce qu'ils perçoivent comme la volonté divine et les enseignements de la Torah concernant les non-Juifs. Les récits bibliques qu'ils invoquent justifient, selon eux, non seulement la destruction des biens, des terres et des cultures des peuples non-juifs, mais vont jusqu'à prôner l'annihilation de leurs générations futures. Ces interprétations servent à légitimer, à leurs yeux, la poursuite d'une guerre sans merci contre les Palestiniens.

Les textes anciens de la Torah contiennent des passages qui mentionnent spécifiquement les Palestiniens et leur lutte farouche contre les tribus israélites, venues d'ailleurs, pour envahir et coloniser la Palestine. Ces récits parlent de Ghaza, une région devenue un symbole de résistance tenace. Ils racontent comment sa conquête a été un défi monumental pour les Israélites, et comment, à travers les siècles, Ghaza est devenue une terre maudite aux yeux de ces envahisseurs.

La vision extrême de ces leaders israéliens se nourrit de cette interprétation des textes sacrés, laquelle pousse à voir les Palestiniens non seulement comme des adversaires politiques, mais comme des obstacles divinement désignés à éradiquer. Cette guerre prend alors une dimension tragiquement biblique, où chaque acte de violence est perçu comme un accomplissement d'un destin prophétique. Le sol de Ghaza et des autres territoires palestiniens se retrouve ainsi imprégné non seulement de sang, mais aussi du poids de millénaires de conflits théologiques et territoriaux.

Les dirigeants sionistes et les rabbins juifs ont souvent cité des passages de la Torah pour justifier leurs actions, que ce soit en Cisjordanie ou à Ghaza. Le rabbin Manis Friedman a ouvertement évoqué ce qu'il appelle les « valeurs de la Torah » ou la « manière juive » de mener une guerre morale, rejetant ce qu'il appelle les « moralités occidentales » dans la guerre. Il a déclaré : « La seule façon de mener une guerre morale est la manière juive : détruisez leurs lieux sacrés, tuez leurs hommes, leurs femmes, leurs enfants et leur bétail. »

Dans la Torah, dans le « Livre de Sophonie », il est écrit : « Voici la parole du Seigneur adressée à Sophonie : J'enlèverai tout de la face de la terre, j'enlèverai les hommes et les bêtes, j'enlèverai les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, j'abattrai les méchants et je retrancherai les hommes de la face de la terre (...) Le grand jour du Seigneur est proche (...) Ghaza sera abandonnée et Ascalon sera un désert, les habitants d'Asdod seront chassés à midi, et Accaron sera arrachée de sa place. »

Même Netanyahu a fait référence de manière explicite à la justification religieuse de la guerre contre Ghaza, dans plusieurs de ses discours. Dans un discours télévisé le mercredi 25 octobre, il a cité la prophétie d'Isaïe dans la Torah en disant : « Nous sommes les enfants de la lumière, et ils sont les enfants des ténèbres, et la lumière triomphera des ténèbres. » Il a également dit, en s'adressant aux soldats de l'occupation : « Vous devez vous rappeler ce que les Amalécites vous ont fait, comme nous le dit notre Livre saint. »

Tout cela pourrait expliquer la position de certains gouvernements et partis occidentaux chrétiens qui pensent que les Juifs accomplissent une mission religieuse et mettent en œuvre les commandements de Dieu et les visions d'Isaïe. Lorsque Dieu parle et délègue aux rabbins juifs l'exécution de ses commandements, le monde doit se taire.

Et comme beaucoup de partis au pouvoir en Occident sont de droite et ne sont pas loin des références religieuses, ils agissent comme si la référence biblique était au-dessus des lois séculières, qu'elles soient internationales ou nationales. De là, nous remarquons la différence dans les positions sur la guerre de génocide, par exemple, entre l'Irlande et l'Espagne, qui sont les plus critiques envers la guerre de génocide et les plus soutenant des Droits palestiniens, où la majorité des habitants dans ces deux pays sont catholiques, peu conciliants avec le judaïsme. En revanche, la situation est différente, par exemple, avec les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne, les plus favorables et soutenant l'État juif et la guerre de génocide. Dans ces pays, le protestantisme, plus conciliant avec les Juifs et la Torah, est plus répandu.

Ce que font les Juifs aujourd'hui reflète une haine envers les autochtones et une tentative de régler des comptes avec la vérité et le récit palestinien profondément enraciné, depuis des milliers d'années. Après la récente guerre de génocide, ce récit est devenu encore plus enraciné et établi. Ce qui a intensifié leur haine, c'est que la bande de Ghaza, après la Nakba de 1948, est devenue le foyer du nationalisme palestinien et a vu naître les premières avant-gardes de la résistance et de la lutte armée. De Ghaza ont émergé de nombreux leaders nationaux qui ont conduit la révolution palestinienne contemporaine dans l'exil. Une révolution nourrie par les flammes de l'oppression et qui ne s'éteindra que lorsque les causes profondes de son embrasement auront disparu.