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Depuis
le 7octobre 2023, le thème de lantisémitisme retentit sans cesse, dans les
médias français. Depuis l'anéantissement programmé de Gaza, en guise de «
revanche », selon les propos tenus par Netanyahou , des voix multiples se sont
élevées , soit pour se féliciter de la « réplique exemplaire » que constitue la
puissance de feu israélienne, causant pas moins de 40.000 victimes innocentes ,
soit pour manifester une forte indignation contre la politique menée par Israël
, celle de faire de ces victimes des « Iphigenie »
sacrifiées à l'autel de l'expiation de masse.
Même ceux qui n'ont pas apprécié l'action perpétrée par le Hamas n'ont pas plus apprécié la mise à mort programmée de milliers d'innocents civils, appelés à payer le prix d'un drame existentiel. Des voix se sont élevées, partout dans le monde, pour arrêter le massacre. Il s'en suit une musique, notamment en France, qui qualifie ces manifestations d'antisémitisme. À cela s'ajoute une propagande selon laquelle cet antisémitisme est d'essence islamiste ! De plus en plus, les protestations contre la politique mortifère de Tsahaal sont mises sous le boisseau pour ne voir apparaître que le caractère antisémite de ces manifestations. Ainsi le drame palestinien s'invite dans les banlieues parisiennes, où des faits divers surplombent le drame qui se joue au Proche-Orient. Les débats actuels autour des élections législatives à venir en viennent à qualifier les protagonistes du débat inter-partisans en fonction du caractère antisémite, alias pro-islamiste, des uns ou des autres. L'antisémitisme, une invention de l'Occident chrétien Il n'est pas vain de rappeler que l'historiographie orientaliste n'évoque l'antisémitisme originel que sur le débat théologique autour du fameux « déicide » Cette controverse a occupé la littérature ecclésiale durant 2000 ans et n'est toujours pas terminée. Les péripéties punitives contre les juifs coupables d'avoir tué le Christ, ont couvert tout le Moyen-Age. Les croisés , au cours de leur pèlerinage vers Jérusalem pour y combattre les « Mohamettans », ne se sont pas empêchés de faire escale en Saxe, en Alsace ou en pays byzantin pour assassiner les Juifs , coupables de tous les maux, dont le goût du lucre qu'on leur prêtait depuis l'époque. Durant la « Peste Noire » du 14e siècle, les Chevaliers partant en croisade depuis l'Ouest européen s'arrêtaient à Strasbourg pour y tuer les Juifs, au motif qu'ils étaient coupables d'avoir empoisonné les puits (source de maladie, prétexte à l'évidence pour ne pas leur rembourser les prêts contractés). L'épisode le plus notoire fut celui de l'Inquisition qui opposa Catholiques et Protestants, et plus encore celle qui mit en péril Marannes et Morisques ( respectivement Juifs et Musulmans), contraints à se convertir au catholicisme sous peine de mise à mort ou d'expulsion, dans l'Espagne sous Isabelle la Catholique ( fin XVe siècle ), suite à l'extinction de la dynastie nasride de Grenade. Inutile de rappeler que les relations entre musulmans et juifs à l'époque médiévale en Espagne étaient on ne peut plus pacifiques, à telle enseigne que des poèmes de musique andalouse, encore chantés aujourd'hui , sont l'œuvre de personnalités juives ( Ibn-Sahl al'Andalûsi , 13e siècle, Séville). Il en est de même pour des écrivains comme Maimonide, contemporain d'Averroès, et dont les œuvres furent rédigées en arabe. Inutile également de rappeler la convivialité inter-communautaire entre musulmans et juifs durant le passé pré-colonial, au Maghreb, comme dans tout l'Empire ottoman. Dans la France coloniale, en revanche, l'affaire Dreyfus a laissé des traces, y compris en Algérie. La ligue des « Croix de feu » implantée en Algérie, dès le début des années 30, reprend le combat raciste contre la communauté juive, pour essayer d'inciter les citadins musulmans à combattre les Juifs, en reprenant à leur compte le combat salvateur allemand en préparation ... La fin de l'antisémitisme en Occident se manifeste à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. On peut lire alors des exégèses, émanant du clergé de France, tendant à relativiser le concept de déicide, affirmer si faire se peut, la fraternité entre les deux religions catholique et judaïque, pour en arriver à produire un nouveau concept, celui du caractère judéo-chretien de la civilisation occidentale (voir : « Catholicité au service de l'Eglise universelle - Revue trimestrielle, janvier 1948 ). Antisémitisme, nouvelle donne Le rapport à la judéité, notamment en France reprend ainsi une nouvelle couleur, celle de la mauvaise conscience, vécue encore comme telle par les générations daujourd'hui, dont une partie non négligeable a été élevée dans la haine du juif durant la Deuxième Guerre mondiale. Il ressort de ce qui précède que le juif du juif, en Israël comme en France, c'est l'arabe, ou plutôt le musulman. Il est curieux de remarquer que le concept d'islamophobie est contesté par une certaine bien-pensance médiatique, qui estime que ce concept reste légitime pour ceux qui luttent contre l'islamisme. Une telle observation, entendue pas plus tard qu'hier sur la chaîne France 5, de la bouche de M. Patrick Cohen, consistait dans une réplique de ce dernier à Raphaël Gluksman , juif d'extraction mais affirmant sa vigilance contre tout amalgame entre sa judéité et sa position critique vis-à-vis de la politique israélienne. Même chose pour un historien notoire comme Bertrand Badie, juif, lui aussi. Ces français d'origine juive sont nombreux, tout comme l'historien israélien Shlomo Sand (cf. « comment le peuple juif fut inventé », Seuil). Ces intellectuels d'extraction juifs seraient-ils, par hasard, antisémites ? *Professeur Émérite des universités |
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