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Mettre fin au racket saisonnier des plages !

par Cherif Ali

Ces dernières années, les journaux n'ont eu de cesse de rapporter dans leurs colonnes les appels de détresse des estivants rackettés, au vu et au su de tout le monde par les mafieux des plages.

Des reportages ont été diffusés à la télévision pour étayer les dires des victimes sans que les auteurs n'aient eu à y répondre! Des vidéos de citoyens choqués par les affrontements très violents entre « parkingueurs » et « plagistes-attableurs-parasolistes-bessif » sur la plage des Canadiennes, entre les communes de Aïn Taya et Heuraoua, dans la wilaya d'Alger, ont fini par faire réagir les pouvoirs publics: des escouades de gendarmes ont déboulé là, ont fait le ménage; mais jusqu'à quand ? Tout ceci pour dire que ces gros bras continuent à défier les lois de la République

Dont notamment cette instruction du ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement territorial, qui consacre la « gratuité des plages » !

Dans les faits, les squatters des plages assurent tirer leur « légitimité » des maires qui leur ont donné « verbalement » leur quitus pour s'arroger tout ou pourtour d'une plage, louer des parasols et des chaises.

Et aussi monter, au pied levé, des aires de stationnement des voitures pour en faire payer l'accès à l'« automobiliste estivant », forcé de payer ou de s'en retourner vers lui, penaud, chez lui.

Au final, une journée de plage lui coûterait en moyenne mille dinars, au bas mot!

Plages publiques, plages privées : l'ambigüité !

Pour l'heure, on évoque l'éventualité d'annuler le système de concession des plages, une pratique pourtant réglementée mais qui n'a pas porté ses fruits, nonobstant un décret qui en fixe les contours : « deux tiers de la surface d'une plage peuvent faire l'objet de concession au profit de personnes offrant des prestations de qualité, la partie restante, un (tiers) étant libre d'accès aux estivants ».

Mais parfois le mal est ailleurs !

Un concessionnaire affirmait avoir investi des milliards pour installer un espace de jeux sur une plage qu'il louait à la commune en raison d'un million de dinars par saison estivale, mais les squatters l'empêchent de travailler dans la sérénité !

En réalité, les choses virent au pire à chaque saison par la faute des « gros bras » maitres des plages qui imposent leur diktat en taxant pour tout et rien les estivants.

A ce rythme disait quelqu'un, on payera pour accéder à nos maisons, ou pire encore, pour voir nos enfants ! Peut-être bien, dès lors qu'en Algérie, on compte quelque 220 plages interdites à la baignade pour cause de pollution et les deux tiers restants sont infréquentables pour les familles !

La pollution, faudrait-il en parler ?

Le ministère de l'Environnement et des Energies renouvelables devrait, par exemple, se pencher sur le cas de la zone industrielle de Reghaïa où des rejets sont déversés via le lac directement dans les plages de Aïn Taya, Kadous et Corso. Ce serait le cas semble-t-il de deux plages à Zeralda.

C'est vrai, rien n'est plus comme avant, disent les nostalgiques !

Force est de le dire, nos plages sont devenues un espace où il ne fait pas bon vivre!

L'insécurité, c'est le problème majeur malgré les efforts des services de sécurité qui se plaignent d'un manque d'effectif.

Qu'est-ce qu'ils pourraient faire de plus pour sécuriser ces espaces maritimes ?

Patrouiller davantage afin de rassurer les baigneurs et dissuader les fauteurs de troubles ? Il faut savoir déjà qu'il n'est pas facile de classer socialement la clientèle des plages, d'autant que l'absence de tenue vestimentaire supprime un critère d'identification social important pour l'observateur. A fortiori un gendarme ou un policier. Et la «chicha», faut-il s'en préoccuper, l'interdire ?

Demander aux maires de prendre des arrêtés pour mettre fin à de véritables joutes de fumeries collectives qui empestent l'air, incommodent les enfants et laissent leurs parents décontenancés devant tant de déliquescence morale et d'incivisme ?

Ici, les jeunes fument des «joints» au beau milieu des familles qui n'ont pas le choix. Ces jeunes-là, déjà, ne respectent pas les consignes, encore moins la couleur du drapeau.     Qu'il soit vert, orange ou rouge, ils sont dans leurs territoires!

Pour l'heure, le ministre de l'Intérieur est, semble-t-il, décidé à faire bouger les lignes !

Tout un programme pour Merad Brahim et ses collaborateurs, qui auront également à se soucier de l'éclosion, çà et là, des «plages islamiques» et ceux qui les organisent pour, disent-ils, «nettoyer les plages du spectacle de la nudité et de la drague».

Rappelons que dans ce département, l'idée de désigner des« administrateurs de plages» avait été évoquée avec les présidents d'APC des villes côtières pour permettre un contrôle efficace et permanentdes flux dans les plages.

Après diverses expériences, les pouvoirs publics remettent sur la table la formule de«la concession des plages».

En 2023, le ministère de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire avait rappelé les avantages de cette formule, soulignant qu'elle permettrait de garantir une gestion professionnelle des plages et d'assurer des services de qualité aux estivants. Le département de Brahim Merad instruit les walis des 14 wilayas côtières «d'entamer en urgence les procédures d'adjudication ouverte pour la concession des plages en vue de leur exploitation touristique conformément à la législation en vigueur». Selon ladite instruction la concession devra se faire conformément à la loi 03-02 du 17 février 2003 et le décret exécutif 04-274 du 5 septembre 2004 fixant les conditions d'exploitation touristique des plages ouvertes à la baignade. Il faut dire que ce modèle de gestion a été abandonné par les autorités en été 2016 après une vague de contestations dénonçant des velléités de privatisation de ces espaces de détente.

Son abandon par les autorités a été motivé aussi par le diktat des parasoliers et autres indus exploitants qui s'autoproclament comme propriétaires incontestés des lieux. Une situation qui a amené les autorités à limiter les concessions uniquement pour les établissements hôteliers et les complexes hôteliers, mais cela n'a pas empêché certaines bandes de continuer à s'adonner à leur business habituel. Cette mesure annoncée à chaque saison estivale n'a pas été mise jusque-là réellement en pratique. Il y a des hôtels pieds dans l'eau comme par exemple Les Sables d'Or à Zéralda, qui ne peuvent concrètement bien fonctionner que si on leur donne la plage en concession. Il est difficile d'annoncer à un client que l'établissement n'a pas la main sur la plage et qu'il faut se contenter de la piscine! Seules les prestations seront payantes.

Bon an mal an, les autorités centrales et locales s'attellent à la préparation de la saison estivale :

1. Des dizaines d'établissements publics de wilayas sont mobilisés afin d'aménager les accès et les parkings des plages.

2. Des plans de lutte contre les maladies à transmission hydrique sont établis

3. Les services de sécurité ne sont pas en reste avec l'établissement de plans de circulation et de fluidité routière.

4. Les services de la Gendarmerie nationale lancent, à chaque saison estivale, des opérations d'assainissement de différentes plages du pays, et ce dans le but de mettre fin aux activités illégales pratiquées par des jeunes louant des parasols, des chaises et des tables aux estivants. Des descentes de gendarmes sur les plages sont assez fréquentes pour mener une lutte sans merci contre les squatteurs qui pourrissent la vie des baigneurs. Les descentes de gendarmes sont généralement soldées par la saisie des dizaines de chaises, de tables et des parasols utilisés pour la location de façon illégale par les propriétaires.

En théorie, les pouvoirs publics ne ménagent pas leurs efforts pour « démocratiser les espaces maritimes, les plages notamment et permettre à tout le monde d'accéder au loisir gratuit»! Est-ce suffisant ? Non au regard des événements rapportés supra.

A moins que le président de la République ne prenne en compte cette suggestion de nomination de 14 walis délégués à la sauvegarde et la protection du domaine maritime ?

Ces «walis délégués maritimes», appelons-les ainsi, auront à coordonner l'action en mer des administrations et la mise en œuvre de leurs directives. Investis d'un pouvoir de police générale, ils exerceront leur autorité dans les 14 wilayas côtières du pays et dans tous les domaines où s'exerce l'action de l'Etat en mer, notamment:

Ø la défense des droits et intérêts nationaux, particulièrement dans les zones sous juridiction algérienne (mer territoriale, zone économique exclusive) ; d'espace de contact et de rencontre, la Méditerranée est en train de basculer et de devenir une zone de tensions politiques, économiques et culturelles ;

Ø le maintien de l'ordre public en haute mer et sur les plages publiques ;

Ø le secours et la sécurité maritime ;

Ø la protection de l'environnement ;

Ø la lutte contre les activités illicites en mer (pêche illégale, trafic de stupéfiants, migration clandestine, piraterie...).

C'est à ce prix-là, peut-être, que l'on pourra faire prévaloir l'autorité de l'Etat sur les espaces publics maritimes et, partant, faire revivre nos 1622 kilomètres de côtes, y compris la faune et la flore qu'elles recèlent.

C'est à ce prix-là, surtout, que les décisions prises par le président de la République Abdelmadjid Tebboune lors du dernier Conseil des ministres tenant notamment, de «l'application rigoureuse de la loi à l'encontre de toute forme de courtage saisonnier au niveau des plages et la consécration du respect absolu du principe de gratuité des plages le long du littoral algérien » seront rigoureusement appliquées. Tout ceci, pour rappeler l'intérêt du Président à faire bouger les lignes dans ce secteur touristique à travers un, «l'installation d'une Commission nationale de facilitation des investissements dans de nouvelles structures touristiques, notamment dans les régions côtières qui connaissent un manque en la matière et qui disposent d'atouts touristiques naturels» et deux « la révision des prix pour qu'ils soient à la portée des familles algériennes, pour promouvoir le tourisme intérieur».