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Comment renforcer
le lien entre l'université et la société ? En tant que partie intégrante de la
société, l'université doit exprimer sa solidarité en toutes circonstances,
assumer pleinement son rôle de moteur de progrès et rehausser l'image du pays à
l'international.
Dans un monde en pleine mutation, les nouveaux défis engendrés par des avancées scientifiques et technologiques majeures, l'espoir de suivre la cadence et d'acquérir une place confortable viennent de l'université. La course pour le progrès n'est pas répartie d'une façon équitable sur les différentes régions du monde. Elle s'accompagne d'une volonté de domination par celles où le savoir-faire est plus développé et où la production de richesse est forte grâce à la présence d'universités prestigieuses, pionnières dans la recherche et l'innovation. L'université est le garant du progrès et de la stabilité du pays. Sa force réside dans l'élite qu'elle forme et dans son ouverture vers la société. Elle se doit d'être un espace ouvert en interaction forte avec le milieu qui l'entoure, un espace culturel et scientifique utile suscitant la curiosité, le besoin de savoir et d'apprendre. Il s'agit là d'un objectif stratégique majeur qui sert à renforcer le lien et la solidarité entre l'université et la société. Sur ce registre, j'ai sélectionné quelques exemples d'actions que l'université peut entreprendre face aux attentes de la société. Ce qu'elle peut faire en cas de catastrophes naturelles ou simplement pour gérer des risques qui nécessitent un savoir-faire qui lui est propre. L'université a un rôle à jouer, voire une responsabilité dans la gestion des risques qui peuvent constituer une menace pour la société. Elle peut aider à gérer efficacement certains phénomènes naturels susceptibles de provoquer des dégâts importants, d'abord à titre de solidarité citoyenne, puis dans le cadre de sa mission de formation à travers les compétences et les moyens scientifiques dont elle dispose. Etudier les conditions ayant précédé une activité sismique, la nature et l'ampleur des dégâts après, devraient permettre de développer des scénarios et des matériaux de construction appropriés pour réduire les effets de la catastrophe. De même, maîtriser la propagation de gros feux de forêt nécessite des approches scientifiques assez compliquées tenant compte de nombreux paramètres qui dépendent de la nature du terrain, du climat et d'autres considérations entrant dans le savoir-faire universitaire. On peut citer de nombreux exemples comme le mouvement des sables, la désertification, etc., où l'université peut être grandement utile à la société. Parfois, l'ampleur des catastrophes naturelles est telle que la solidarité internationale est nécessaire, car un Etat seul se trouve dépassé par l'ampleur des dégâts et la rapidité de leur propagation, provoquant de grandes souffrances humaines et pouvant même menacer d'extermination des régions entières. Les instances internationales comme l'Organisation des Nations-Unis (ONU) sont conscientes de ce problème et tentent de sensibiliser la communauté internationale pour susciter plus de solidarité et se préparer aux situations d'urgences par des schémas d'actions rapides et efficaces. A ce titre, la plateforme de Sendai (Japon) pour la réduction des risques provenant des catastrophes naturelles a été adoptée lors de la conférence de l'ONU tenue en mars 2015 dans cette ville. Cette plateforme met l'accent sur le rôle que doit jouer la communauté académique dans toutes ses composantes et en particulier l'université à travers ses activités pédagogiques et de recherche. L'accent y est mis sur l'importance d'associer les trois composantes que sont l'université, la société et les décideurs politiques pour gérer les risques majeurs et prémunir le pays des conséquences néfastes des catastrophes naturelles. Dans le même contexte, la gestion des produits chimiques toxiques (usines chimiques, eaux polluées, solvants organiques, laboratoires de chimie et de biologie, stockage des produits chimiques explosifs, inflammables ou toxiques) doit se faire en étroite collaboration avec l'université qui a un savoir-faire particulier dans ce domaine. Il faut un travail pédagogique pour sensibiliser la société sur ces risques et mettre en place les moyens de réaction rapide et efficace en cas d'urgence. La crise sanitaire que nous avons vécue récemment suite à la pandémie Covid-19, montre que l'Algérie comme le reste du monde est exposée à des risques de contamination biologique virulente et imprévisible. Nous prenons conscience, d'une façon brutale, que nous ne devons pas compter uniquement sur la solidarité internationale même si elle est parfois efficace. Il nous faut principalement compter sur nous-mêmes, nos moyens, nos ressources, notre capacité à réagir dans l'urgence en nous appuyant sur l'élan national de solidarité et le gisement de compétences au sein de l'université. Ce destin partagé avec la société peut servir à consolider le lien en s'appuyant sur les moyens modernes de communication. L'université peut servir au mieux la société à travers des exposés simples couvrant toutes ses activités pédagogiques, une présentation accessible à tous des thèmes de recherche dans les différents domaines afin de générer chez le citoyen un niveau élevé de prise de conscience. A titre d'exemple, un musée des sciences et techniques au sein de l'université accessible au public à travers une exposition de photos, de films vidéo et d'affiches explicatives serait d'une grande utilité. Un autre domaine où l'université peut être utile à la société se rapporte à la protection contre les effets négatifs des radiations ionisantes et la manipulation des isotopes radioactifs qui ne peut être faite que par des personnes spécialement formées. L'utilité des radiations ionisantes est bien établie dans la détection et le traitement de certaines maladies comme le cancer. La manipulation des éléments radioactifs fait l'objet de règles établies et de contrôle strict par le Commissariat à l'énergie atomique (COMENA). Leur utilisation couvre plusieurs domaines comme le contrôle de la qualité des soudures dans les pipelines et gazoducs, la stérilisation des emballages alimentaires et d'autres besoins à des fins pacifiques. Il y a une autre source de radioactivité à un niveau beaucoup plus élevé, provenant de la fission d'un matériau fissile comme l'uranium ou le plutonium dans un réacteur nucléaire et qui dégage une grande quantité d'énergie pouvant servir à produire de l'électricité. L'Algérie possède deux réacteurs nucléaires (Draria, Alger et Aïn-Oussera) mais ils ne peuvent être utilisés que pour la formation et éventuellement la production de radio isotopes. Ils ne sont pas conçus pour produire de l'électricité. Alors, quels sont les risques pour nous en dehors du contrôle de la circulation et l'utilisation des éléments radioactifs ? Un conflit nucléaire est peu probable, vue l'ampleur des dégâts qui en découleraient pour une grande partie de l'humanité. Les risques provenant d'un accident sont faibles, grâce aux mesures sévères de protection et le faible taux d'utilisation des deux centrales, même si l'information n'est pas disponible sur cet aspect. Les risques peuvent provenir de l'extérieur, par exemple un accident majeur d'une centrale nucléaire dans le bassin méditerranéen ou une fuite accidentelle d'éléments radioactifs. On peut citer sur ce registre les accidents de Fukushima au Japon et de Tchernobyl en Ukraine. Dans le cas de Fukushima, la réaction efficace et rapide des experts et ingénieurs japonais a permis de circonscrire la zone contaminée sans effets sur les régions avoisinantes même au Japon, tandis que l'accident de Tchernobyl a eu des répercussions importantes sur de nombreux pays en Europe. Il s'agit là d'un risque non négligeable qui nécessite une formation particulière, indispensable à prendre en compte dans notre stratégie de gestion des risques. L'université algérienne a la première responsabilité dans cette formation à l'instar de beaucoup d'autres universités connues dans le monde. Force est de constater que la formation dans ce domaine est inexistante à l'université de Tlemcen. En fait, à ma connaissance, aucune université en Algérie n'offre un programme complet de formation en génie nucléaire sauf, peut-être, l'université des sciences et techniques Houari Boumediene qui a un programme limité de formation en collaboration avec le COMENA. Cette question doit être considérée sérieusement dans le cadre d'un échange avec les responsables du MESRS. L'université est une source d'innovation scientifique et technologique et de production de la richesse au service de la société. Elle possède des moyens de formation et des ressources humaines dans de nombreux domaines et à différents niveaux. Son rôle est de les exploiter pour assurer deux missions : i) faire rayonner le savoir et rehausser le prestige du pays dans le monde ; ii) créer un impact fort sur la dynamique de production de la richesse dans le tissu économique et contribuer au bien-être au sein de la société. Il y a donc un défi à inventer les voies et méthodes qui permettent l'accomplissement de ces deux missions dans les meilleures conditions possibles. Le recours aux logiciels de simulation est très courant dans les grandes universités du monde. Des phénomènes physiques complexes, des catastrophes naturelles et d'autres phénomènes peuvent être modélisés théoriquement, ou simulés dans des conditions proches du réel et étudiés dans les détails pour en déduire les actions à mettre en œuvre en cas de nécessité. L'université peut investir massivement dans ce domaine lié à l'intelligence artificielle pour être en phase avec les avancées technologiques actuelles. Les échanges entre le monde du savoir et de l'intelligence, d'un côté, et le monde de production de la richesse, de l'autre, sont la clé du succès d'une société dans sa lutte pour le progrès et le bien-être. Comment peut-on avoir des échanges équilibrés entre ces deux parties, des objectifs communs et rassembler les ressources pour créer et faire fructifier de la richesse ? L'université peut organiser des formations ciblées, de plus ou moins courte durée, des recyclages en permanence selon des schémas arrêtés d'un commun accord avec les partenaires socioéconomiques, dans de nombreux domaines. Cette opération est d'un grand intérêt qu'il faudra réaliser avec attention et rigueur. Les ressources humaines existent, les infrastructures sont disponibles, il suffit de préciser les programmes et leurs modalités d'exécution. Peut-on organiser des opérations de formation pendant les périodes de vacances où les étudiants sont absents et les cités disponibles ? Endiguer la fuite des cerveaux est une tâche prioritaire pour notre pays qui consacre beaucoup d'efforts aux ressources humaines et à la formation universitaire. L'université a une part de responsabilité dans l'accomplissement de cette tâche. Une bonne conception de la formation et un recours efficace à la diaspora peuvent servir à endiguer la fuite des cerveaux. Il est indéniable que depuis l'indépendance, de grandes possibilités ont été offertes aux bacheliers pour accéder à une formation de haut niveau dans l'enseignement supérieur, ou dans le secteur industriel, à travers les ministères et sociétés nationales. Cependant, de nombreux boursiers à l'étranger choisissent de ne pas retourner au pays à la fin de leurs études, et par conséquent, faussent toutes les prévisions faites pour l'amélioration du niveau de l'enseignement supérieur et le développement économique du pays. La cause principale vient de la mauvaise conception de la politique de formation et du manque de vision à long terme. En particulier, pendant longtemps, aucune action tangible n'a été prévue pour encourager le retour des diplômés, et peu d'importance a été accordée aux conditions de réinsertion des diplômés et de candidats hautement qualifiés. D'autres considérations peuvent s'ajouter à cette mauvaise préparation du retour pour aggraver la fuite des cerveaux comme, par exemple, le blocage bureaucratique et le long retard dans le traitement des dossiers de recrutement et la régularisation administrative des candidats. Par conséquent, beaucoup d'efforts fournis dans la formation à l'étranger n'ont pas apporté leurs fruits d'une manière suffisante. La fuite de cerveaux a freiné le renouveau espéré de l'économie nationale et le relèvement du niveau de la formation supérieure. L'importance d'une vision stratégique à long terme est particulièrement soulignée, elle s'impose d'une manière équivalente au niveau national, comme au niveau de chaque grande université comme celle de Tlemcen. Notre système universitaire n'est pas encore suffisamment organisé et prêt pour absorber les grandes compétences formées à l'étranger. Une personnalité scientifique de haut niveau exerce son savoir-faire dans un système rodé, performant, où les résultats de l'effort sont tangibles dans l'immédiat et où il existe une symbiose totale avec le personnel autour. C'est une ambiance encourageante, qui permet d'avancer dans les connaissances, d'être utile par des résultats concrets, en plus des gains matériels qui n'ont aucun rapport avec ceux obtenus en Algérie. Dans ces conditions et sans hésitation, les sacrifices (éloignement de la famille, du climat social, etc.) deviennent faciles et semblent justifiés. Comment peut-on mettre à contribution une personnalité qui a déjà sa situation garantie dans le pays d'accueil mais qui nourrit une forte motivation à se mettre au service de l'Algérie? La réponse à cette question constitue un défi pour chaque université algérienne. Le monde traverse actuellement une période de turbulences et d'instabilité avec des conflits meurtriers dans plusieurs régions, ajoutés à des catastrophes naturelles de grandes ampleurs. Si les conflits attisent la haine, les catastrophes naturelles suscitent la compassion et des élans de solidarité même s'ils sont parfois sélectifs et pas tout à fait à la mesure des drames vécus par des populations démunies. Pour survivre, l'être humain a besoin de solidarité venant des forces du bien. Une approche de diplomatie scientifique intégrée dans la stratégie de l'université fait partie de ces forces du bien qui doivent être nourries par tous les moyens et à tous les niveaux. La société dans toutes ses composantes, en particulier l'université, est interpellée pour trouver les moyens de mitiger les tensions, créer des forums de concertation et de dialogue, initier des projets de coopération. Dans cette contribution consacrée aux attentes de la société vis-à-vis de l'université, on peut dire, pour Tlemcen du moins, qu'une diplomatie scientifique centrée sur les thèmes où elle a acquis une notoriété au niveau national, voire même international, offre une bonne occasion pour rassembler des chercheurs d'horizons différents, promouvoir le dialogue, la concertation et joindre les efforts pour atteindre des objectifs communs. Le patrimoine culturel et l'histoire riche et diversifié de Tlemcen favorise son rayonnement dans le monde. Les ressources humaines et matérielles existent et permettent de lancer des projets de grande envergure pour peu qu'elles soient exploitées d'une façon optimale. *Professeur de physique (retraité) |
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