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Avons-nous le
droit de cacher que le monde est ce qu'il est ? Et même si chacun le voit à sa
manière, nul ne peut regarder toute la réalité en face sans risque d'être brûlé
par celle des autres.
L'araignée, à l'affût d'une proie à dévorer, poursuit ses victimes, les manipule, les bloque, les enserre afin de leur injecter son venin et de les dévorer. Pour ce faire, elle tisse une gigantesque toile, aux fils presque invisibles (1). A l'instar des cibles de cette prédatrice, en tant que citoyens du monde, nous nous croyons libres. En fait, nous ne sommes que des proies en instance de persécution, victimes de l'adversité. Des maitres, aussi diaboliquement habiles que ces Aranéaes, s'occupent de nous. A dose homéopathique, ils injectent dans nos esprits des idées, des pensées et des modes d'action plus néfastes que salutaires. Ces messages et directives, servis sous forme de shows politiques et de spectacles de divertissement, nous les consommons pour nous divertir, sans même prendre le temps de les élucider, de les critiquer et de les analyser. En maltraitant et en trahissant le réel, les experts en manipulation diffusent alors, en toute tranquillité, des mensonges qui ressemblent à des vérités afin d'influencer l'opinion publique. Cette manière de faire à laquelle adhèrent des gens crédules devient parfois une prouesse artistique, un véritable spectacle offert par le truchement des médias écrits et audiovisuels. Ces derniers, qui ont pour principe de nous faire mieux comprendre le monde qui nous entoure afin d'en saisir le mode de fonctionnement, s'efforcent de nous faire croire ce que l'on voit. Pris dans la fantasmagorie médiatique, nous renouons alors avec la schizophrénie de la politique spectacle et à ses succédanés. Et voilà comment les suffrages des gens ordinaires propulsent au sommet du pouvoir politique des Eric Zemmour et des Marine Le Pen, devenus des cas d'école pour les Nuls en propagande politique. Cela dit, une question fondamentale vient à l'esprit, celle de savoir si les débats et polémiques actuels sur l'information en général et les médias en particulier, à travers le monde sont les vrais débats. Ne masquent-ils pas, au contraire, un malaise plus profond, une entrée dans le monde angoissant du délirium tremens, sans ceinture de sécurité ? Vaste champ d'enquête ! Si nul ne peut nier l'inquiétante dégradation de l'exercice du métier d'informer, rares sont ceux qui perçoivent les pressions, les contraintes visibles et invisibles qui s'exercent au grand jour sur les praticiens de l'information, et qui mettent à rude épreuve les indépendances éditoriales en escamotant toute velléité de débats libres sans contrainte aucune. A l'heure où la pratique démocratique prend une dimension alarmante à l'échelle de la planète, à l'heure où les faux dévots se multiplient en tentant d'imposer leurs lois, à l'heure du « jm'enfoutisme » délibéré et du « chacun pour soi », il s'avère indécent d'orienter le tir groupé contre l'ensemble d'une profession qui ne cesse de sacrifier des héros anonymes, dont on parle si peu. Des journalistes pervers « coupables » de fake news, de mensonges et de manipulations, il en existe certes, tout comme existent de véritables professionnels qui n'hésitent pas à dire, haut et fort, ce qui ne va pas ou ce qui n'est guère admissible, au risque de se voir très lourdement sanctionnés. Ces exceptionnels militants de la vérité, pleinement engagés dans leurs actions, ne sont malheureusement que rarement cités en exemple pour leur courage, leur liberté de ton et leurs critiques acerbes touchant à tous les domaines, sociaux, économiques et mêmes politiques. Désinformation, manipulation et rétention de l'information : le cocktail dévastateur. Aujourd'hui, faire couler de l'encre sur un papier, manipuler une caméra ou un micro, ou dénoncer un quelconque abus, est devenu risqué. Le journaliste est même qualifié de paria tellement son métier est devenu un sacerdoce. Pour le fondateur et figure de proue de Mediapart (15 ans d'existence), Edwy Plenel, l'engagement est total. Ce militant de l'expression libre s'en prend publiquement aux malfrats qu'il dénonce sans retenue dans un récent ouvrage (2), « Il s'agit pour nous », précise-t-il récemment à son collègue Patric Simonin de TV5, « d'exercer notre rôle démocratique au droit de savoir, de révéler les scandales en enquêtant, en dévoilant les mensonges et les non-dits, de lancer des alertes, d'apporter des informations d'intérêt public, et donc on dérange ». Quel contraste saisissant avec ces journalistes qui, pour faire état de leur consternation, signent courageusement par de simples initiales, hésitent à aborder certains sujets et ne cherchent plus à pointer du doigt les dysfonctionnements ! La machine de la désinformation n'a pas à se soucier de son sort. Dire que la rétorsion de l'information est devenue une donnée récurrente, ressasser le fait de l'existence d'une communication planétaire opium du politique, jeter l'anathème sur l'ensemble d'une profession, relève du truisme. La manipulation et la rétention de l'information existent sous tous les cieux et depuis toujours. Qu'on le veuille ou non, nous sommes tous, bien qu'à des degrés divers, manipulés, conditionnés et en permanence sous emprise des médias. Sournois et pernicieux, ces derniers participent à l'empoisonnement des esprits en raison d'un relâchement de vigilance. Entre les mains des puissants, les moyens d'information et de communication sont devenus des matrices idéologiques, redoutables à l'extrême en temps de crises ou de guerre, comme c'est le cas présentement. De redoutables perversités médiatiques se nichent là où on les attend le moins (3). En hiérarchisant et en privilégiant certaines des nouvelles dispatchées par les Spin doctors, on peut aisément constater que ces messages, qui usent et abusent de prismes déformants, agissent aussi bien sur notre manière d'appréhender le réel que sur notre perception du monde. Ainsi, par petites doses, nous sont distillés des modes de pensée et surtout des modèles de comportement qui progressivement, deviennent des comportements modèles. Et c'est ainsi que longtemps réputée libre et indépendante en Occident, la presse écrite et audiovisuelle va prendre un mauvais tournant, aidée pour cela par le désengagement de l'Etat. Sous le fallacieux prétexte de l'existence de multiples entraves et menaces sur le pluralisme et pour soi-disant se protéger des américains, la France a favorisé la naissance de grands groupes dont l'offensive fut décisive. Logique démocratique contre logique économique s'affrontent depuis 1936 avec Léon Blum. La gauche arrivée au pouvoir en 1981, n'a pas fait grand chose pour contrer les limites de la liberté d'expression et asservir l'information. Au contraire ! Mitterrand s'en est donné à cœur joie et l'issue du combat fut manifeste : mainmise progressive sur l'ensemble des technologies, restrictions des libertés de penser et de s'exprimer, asservissement total des travailleurs du secteur. Robert Hersant (capitaliste australien mondial), Robert Maxwell et Rupert Murdoch entre autres gérants des médias, vont placer sous le joug de l'argent l'information (presse, radios, télévisions, périodiques, nouveaux réseaux...) en la transformant en show planétaire. Les exemples de CNews avec ses débats à sens unique, d'Europe1, (droitisée depuis son achat en 2021) et de C8 (qui accorde une place privilégiée à l'actualité politique en plein exercice de divertissement) sont édifiants. Fidèles à leur employeur Bolloré, les éditorialistes, Cyril Hanouna, Sonia Mabrouk, Morandini et Pascal Praut entre autres, connaissent parfaitement les lois du marché et savent comment contaminer l'actualité sérieuse, voir dramatique en injectant des futilités sans portée réelle. Dans leurs émissions, la corruption des valeurs et du bon sens apparait dans toute sa nudité, au mépris des règles élémentaires du droit et du respect des citoyens. L'agora médiatique espace d'échanges ou de controverses Influencer l'opinion publique est devenue une pratique courante. L'art subtil de la désinformation a de grands jours devant lui. Nombreux sont ceux qui pour une poignée de main et quelques euros, sont prêts à pervertir le métier d'informateur en trahissant la vérité par la propagation de mensonges éhontés. Les enquêtes sur les hommes politiques qui ont failli à leur mission et sur les secrets d'Etat à peine dissimulés en France laissent pantois. Les affaires scabreuses sont tellement nombreuses qu'un journal entier ne suffirait pas à simplement les citer. Les médias hexagonaux ne sont pas les seuls à disposer de canaux occultes du « mensonge au-dessus de tout soupçon ». La partie se joue, depuis un certain temps, à l'échelle du monde. Dès l'arrivée de Georges W Bush, Mitterrand et Thatcher au pouvoir, l'information politique est passée de la lumière à l'ombre. Depuis D. Roosevelt, tous les présidents ont recouru à un appareil de propagande, à l'abri des regards indiscrets. En fait, tous les responsables de chaînes risquent, à un moment ou à un autre de subir des influences par les pressions, les mensonges ou les menaces qui pèsent sur eux. Puissants « appareils de relations publiques » des superstructures comme le FBI, la CIA, le KGB ou encore la Stasi, qui ont infiltré tous les secteurs même ceux en dehors des outils de l'information et de la communication, ont laissé des traces indélébiles. Qui peut oublier les mémorables harcèlements de Richard Nixon (Watergate), les frasques de Bill Clinton, et la machiavélique récupération médiatique de l'attentat contre Ronald Reagan, qui a été utilisée comme support patriotique et moyen de reprise en main du pouvoir. « Le Washington Post » et surtout le « Le New York Times » (malgré ses dix millions d'abonnés cette année), perdent pourtant de leu intérêts en étant de moins en moins des journaux de référence. La chasse aux sorcières a introduit la peur au ventre chez les journalistes qui craignent pour leur avenir et qui donc préfèrent se déconnecter la démocratie qu'ils prétendent servir. Plus près de nous, les alliances secrètes de Donald Trump avec l'étranger pour manipuler les scrutins, celle de Marine Le Pen et d'Eric Zemmour pour des prêts bancaires auprès de Poutine et de Viktor Orban laissent pantois, tout comme la fascination autour de la chute des tyrans : Saddam Hussein, Kadhafi, Ceausescu, Milosevic... Les médias en général s'en donnent à cœur joie, même les plus conformistes et les peu percutants d'entre eux qui, du jour au lendemain, se transforment parfois en de redoutables matrices de propagande. Citons enfin l'influence des « sondages » qui peut aussi être dangereuse. Il serait vain de croire qu'il est possible d'évacuer toutes les malversations, tous les abus et tous les dysfonctionnements médiatiques commis dans des conditions parfois ambiguës d'un trait de plume (4). On peut toutefois commencer à privilégier l'accessoire au détriment de En triant ce qui peut être dit et montré, en sélectionnant et en hiérarchisant les informations jugées importantes par les magnats des médias, le médium laisse apparaitre, bien malgré lui, ses stratégies de manipulation tout en dévoilant ses mécanismes de fonctionnement. Nous avons encore bien présents à l'esprit les impairs graves constatés ces dernières décennies (et très peu dénoncés) qui prouvent à l'évidence que le péril des aliments avariés (dioxine belge, farines animales, salmonelle, Escherichia coli, Pizzas Buitoni (mars 2022)... est bien réel, tout comme le sont certaines guerres « sans nom » que les médias tentent vainement de rendre invisible. Que savons-nous vraiment de ce qui s'est passé en Irak, Tchétchénie, Serbie, Syrie, Erythrée au Yémen et ailleurs ? Toutes ces drames qu'on essaie en vain de camoufler, suscitent et rappellent fâcheusement d'autres de sinistre mémoire, trop longs à énumérer dans un quotidien de presse. Qui enquêtera sérieusement sur ces multiples scandales aux dégâts incommensurables ? Qui rendra des comptes sur le scandale des dissimulations éhontées des risques d'irradiation après la catastrophe de Tchernobyl ? Qui sera traduit en justice en raison du laxisme face au Sida ? Les affaires du sang contaminé, de la « vache folle », de la maladie de Creutzfeld-Jakob, de la Covid 19 et les multiples tragédies liées au silence observé sur les empoisonnements, seront-elles un jour dévoilées? (A suivre) NOTES 1) ? Les araignées (45 000 espèces dans le monde ont huit yeux situés sur la tête et huit pattes sont dépourvues d'antennes et de pièces masticatrices). Elles sont des arthropodes prédateurs qui tissent des toiles collantes, qui leur servent à attraper leurs proies et à leur injecter du venin qui les paralyse, sans les tuer. Elles les consommeront par la suite. 2)-« A gauche de l'impossible ». La Découverte. 2022. En quoi un article qui critique tel ou tel abus ou dysfonctionnement peut-il constituer une menace pour la stabilité du pays ? Les harcèlements, les procès et les arrestations, pour des peccadilles parfois, font douter de l'impartialité du pouvoir exécutif et de l'autorité judiciaire. Ces derniers semblent se mêler les pinceaux dans des batailles burlesques où règne la confusion la plus totale. 3)-« La désinformation, arme de guerre ». Vladimir Volkoff. Ed. Julliard Col L'Age d'homme Paris. 4)- « Silence, on tue » d'André Gluckmann et Thierry Wolton. Grasset. |