Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Contrat Petroceltic/Sonatrach : résiliation légitime mais...

par Reghis Rabah*

Le communiqué du groupe Sunny Hill publié sur son site le jeudi 15 avril 2021(01) en réponse à celui de Sonatrach diffusé le même jour (02) annonçant la résiliation du contrat conclu avec Petroceltic, filiale de ce groupe sur le périmètre d'Isarène est révélateur « d'un jeu paradoxal » dans lequel la seule victime est le projet lui-même et par conséquent le trésor public.

En effet, cette réplique sèche qui cite l'homme d'affaire Angelo Moskov montre incontestablement que cette résiliation de plein droit a été provoquée , et très probablement voulue par Petroceltic pour cacher sournoisement une manœuvre dilatoire pour attendre un acquéreur de son Asset dans le champ de Ain Tsila devenu aujourd'hui peu rentable étant donné les prix au moment de l'annonce de la découverte commerciale en 2012 qui étaient en moyenne de l'ordre de 111,45 dollars pour le Brent, référence européenne avec le million de BTU du gaz qui frôlait les 11 dollars alors qu'en 2020/2021 les prix sont restés confinés entre 40-60 dollars pour le Brent et 3à 4 dollars pour le gaz.

Rappelons au passage que si le communiqué reprend la menace en citant nommément cet homme d'affaire c'est qu'il n'est pas à sa première et certainement pas sa dernière perche qu'il tend aux entreprises en difficulté. Rappelons qu'il contrôlait en 2016 le Fond Capital Management qui a racheté Petroceltic avec pertes et fracas après « une âpre bataille de rachat » (03) Cette transaction devait entrainer la démission du conseil d'administration au sens large. Il étaye son approche sur le fait que la résiliation d'autorité a peu de chance de passer dans les arbitrages internationaux et c'est le cas pour la simple raison qu'il a mis de l'argent dans ce projet dont il est sûr et certain même de les récupérer dans le cas le plus défavorable. Il est difficile d'imaginer que ce négociant habile signerait comme le laisse entendre « certains », un contrat dans lequel il existerait une clause de tout perdre s'il ne se conformerait pas à ses obligations contractuelles.

Tout le monde sait qu'avec l'avènement de la crise sanitaire due au Covid-19, caractérisée par une baisse des activités à tous les niveaux de l'économie internationale, les entreprises aujourd'hui peuvent tout justifier dans ce fourre- tout. Une résiliation d'autorité et non arbitrée reste peu probable d'aboutir et donc il récupérera son investissement en tentant de grignoter les dommages et intérêts et c'est sur cette base qu'il a poussé son partenaire à prendre cette décision. Mais avant d'aller dans les détails de cette affaire faisons une brève rétrospective sur l'évolution des contentieux et la ligne au demeurant productive suivie par Sonatrach. Il faut signaler d'emblée que Sonatrach qui parfois agit pour le compte de l'Etat dans les contentieux internationaux comme celui de la Taxe sur le Profit Exceptionnel, a toujours agit avec une souplesse pour favoriser l'amiable pour l'application des clauses contractuelles. Jusqu'à présent et depuis la promulgation de la loi 86-14, laquelle loi a drainé de nombreux investisseurs il n'y a eu qu'un seul conflit de ce genre, celui qui l'a opposé à la société Medex Petroleum North Africa qui n'avait jamais pris en charge comme convenu dans le contrat, même les travaux de sismique et de forage ont été réalisés par les filiales de Sonatrach et n'ont jamais été payés.

Le conflit portait sur des contrats de recherche et d'exploitation des hydrocarbures sur les périmètres Bourarhat Nord et Erg Issaouane. La procédure avait été introduite par Sonatrach contre Medex en 2015, devant un tribunal arbitral pour réclamer la résiliation des contrats, signés en application du Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations unies pour le droit international commercial (CNUDCI). Sonatrach reproche à la société contractuelle des défaillances dans l'exécution de ses obligations comme pour le cas de Petroceltic aujourd'hui.    

Le tribunal arbitral a rendu son verdict en faveur de Sonatrach prononçant la résiliation des contrats sur les périmètres suscités, aux torts exclusifs de Medex. Un autre cas de cession, dans un contexte totalement diffèrent, la société Hess selon sa stratégie, de s'occuper de ses ?assets' aux Etats Unis avait décidé de faire le transfert à Sonatrach, étant donné qu'elle avait amorti l'ensemble de ses investissements.

Or Petroceltic voulait déjà faire une notification en bourse pour annoncer une production de gaz de 18 millions m3/J, Sonatrach avait refusé cette notification qui ne reflétait pas les données réelles et du niveau des réserves prouvées ne permettant qu'une production de 12 millions m3/J en gaz dont 10 millions pour la vente.

Petroceltic a fini par lancer l'EPC en 2019.Les menaces que lance contre Sonatrach la compagnie Petroceltic à travers la presse spécialisée comme l'agence Bloomberg, l'Agence de presse Française (AFP) les sites Capital.fr, le mondedelenergie.com reprises par pratiquement tous les medias du monde en général et ceux de l'Algérie en particulier est la preuve incontestable qu'elle vise un objectif précis qui s'éloignent de l'aspect contractuel en se versant dans la propagande par exemple lit-on dans une reprise que « l'Algérie saisit un actif gazier » (04) Il revient ensuite à son partenaire commercial pour déclarer dans ce même communiqué que « Sonatrach a agi d'une manière agressive et irrationnelle.

Cette expropriation est le type de geste attendu de la part du Venezuela d'Hugo Chavez mais pas d'un pays comme l'Algérie.» On en détecte et cela saute aux yeux, une velléité délibérée pour faire pression sur son partenaire et, partant l'Algérie. En effet, l'Algérie a grandement besoin d'investissements étrangers en amont pour compenser la baisse de ses capacités pétrolières et gazières, alors en écartant son partenaire Petroceltic dans un grand projet gazier, elle pourrait être taxée d'une réputation d'expropriatrice ce qui pourrait dissuader les investisseurs surtout en amont réputé fortement capitalistique. C'est du moins ce qui ressort de ce tapage médiatique que compte Sunny Hill pour aboutir à faire plier le management de Sonatrach. Qu'en est- il exactement dans les faits ? Et ce tintamarre médiatique va-t-il lui ramener quelque chose?

La genèse de cette affaire

Le contrat en question qui lie Sonatrach avec la filiale de Sunny Hill, Petroceltic International avait été conclu le 26 septembre 2004 dans le cadre d'un partage de production conformément à la loi 86-14 et concerne le périmètre d'Isarène à 160 km au nord-ouest de la wilaya d'Illizi et 450 Km au sud est de Hassi- Messaoud, le champ gazier d'Ain Tsila y a été découvert dans les (blocs 228,229a) trois ans après en 2007.Le projet de développement du champ gazier d'Ain Tsila approuvé en 2012, devait permettre la récupération de 64 milliards de mètres cubes (m3) de gaz avec une production journalière de 10,3 millions m3 de gaz de vente, 11.500 de barils de condensat et de 17.000 barils de GPL sur un plateau de 14 ans.

Pour le développer le Groupement associatif, société d'exploitation commune crée par Sonatrach, Petroceltic et l'Italienne ENEL dit « ISARENE » avait attribué à Petrofac International en mars 2019, le contrat de construction d'une usine de traitement et de séparation provenant du champ gazier de Ain T'sila en Ingénierie Approvisionnement et Construction (EPC) sur une base forfaitaire clé en main.

Ce contrat avoisine le milliard de dollars sur un délai de 42 mois. Il comprend la mise en service, le démarrage et les tests de performance des installations de traitement, du système de collecte et des lignes d'exportation.

Ce même Angelo, qui cumulait la présidence de Petroceltic et Worldview Capital Management avait déclaré à cette date « Nous sommes ravis que le contrat EPC ait été attribué. Il représente une étape importante dans le développement du projet Ain Tsila qui reste un joyau de la couronne parmi les actifs d'hydrocarbures de l'Afrique du Nord. Notre stratégie est de développer ces ressources rapidement, faisant d'Ain Tsila l'un des plus grands champs de production de gaz à être mis en service en Afrique du Nord ces derniers temps. » (05) Mais comme tout businessman, il ne ratait pas l'opportunité de céder une partie de cet Asset chaque fois qu'il gagne un dollar en plus. Il a commencé avec une participation de projet de 75% puis commence les cessions pour la ramener aujourd'hui à 38,5% et probablement il attend un autre acquéreur cette année. Donc cette portée stratégique dont il a parlé plus haut était pour la consommation médiatique locale mais c'est ainsi qu'évolue le business en ce moment.Il se trouve par hasard que Petroceltic Ain T'sila Ltd qui conduisait les opérations a pris des retards sans consentir à les expliquer depuis pratiquement début de l'année 2020. Son partenaire Sonatrach dans son communiqué qui n'a pas été commenté par le troisième associé ENEL probablement consentant, parle plutôt de « conformité aux obligations contractuelles » mais maintien selon le même communiqué, la mise en production initiale et prévue du champ en novembre 2022, donc le retard soulevé par Sonatrach n'apparait pas puisque une source sur place révèle que l'usine est au stade de montage des ventilateurs de refroidissement, cela voudra dire que toutes les utilités sont sur site. L'agence américaine Bloomberg avait déclaré avoir contacté par téléphone le PDG de Sonatrach Toufik Hakkar qui maintient qu'il s'agit bien d'un retard « Nous avons essayé de faire le maximum avec lui», aurait il dit, lors d'un entretien téléphonique. «Nous ne pouvons tolérer des retards dans les projets. C'est un projet stratégique pour l'Algérie et la Sonatrach. » (Cf. au renvoi 04) Juste à ce niveau plusieurs aspects restent sombres s'agissant d'un projet de développement confié en clé en main jusqu'aux essais de performance, il est très difficile de circonscrire avec précision le contenu de cette « obligation contractuelle », serait-elle en temps ou en argent ? Comment peut-on espérer un transfert des opérations si le conflit est en arbitrage ? Il faut signaler toutefois que l'homme d'affaire dit avoir pris contact avec un cabinet d'avocat pour la porter en arbitrage et tant que cet arbitrage dure, le projet restera à l'arrêt avec une assurance que le plaignant récupérerait ses investisse ments. Alors qui serait perdant en définitif ?

Sur le plan purement financier

Tenant compte des prix pratiqués actuellement sur le marché pétroliers gazier et les perspectives de leurs évolutions notamment pour les pays européens, considérés comme un marché de proximité de l'Algérie menacés par une autre vague difficile due à un risque de voir de nouvelles générations de virus pouvoir continuer à se transmettre même au sein d'une population en partie vaccinée, la production annuelle de Ain T'sila s'établirait dans le scenario le plus optimiste à 3,8 milliards de m3 de gaz, 572647 tonnes de condensat et 846521 tonnes de GPL qui généreront tout au plus 700 millions de dollars auxquels il faudrait soustraire le « Cost Oïl » qui revient aux partenaires « contractor » et la part de la fiscalité revenant à l'Etat. Il restera pour les 3 operateurs tout au plus aussi un profit Oil de prés de 300 millions de dollars/an dont 25% reviennent à Sonatrach soit 75millions de dollars.

Une telle somme justifie t- elle tout ce tintamarre qui pourrait affecter sa réputation mondiale avec un habitué des scandales, en plus du risque de payer plus d'un milliards de dollars en arbitrage ?

*Consultant, Economiste Pétrolier

Renvois

1-https://sunnyhillenergy.com/algerian-national-energy-company-acts-to-seize-u-k-energy-company-gas-asset-and-faces-over-us1-billion-claim/

2-https://sonatrach.com/presse/resiliation-du-contrat-sur-le-perimetre-isarene-conclu-avec-la-societe-petroceltic

3-https://www.irishtimes.com/business/energy-and-resources/former-irish-energy-group-to-demand-1bn-from-algeria-as-gas-project-seized-1.4538443

4-https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-04-15/sunny-hill-energy-says-algeria-seizes-its-shares-in-gas-project?fbclid=IwAR2ddD5KHjEFscGAkZJnKKvUCqn87EyMjG4TGn 64LexNONHi CIuUfu4ZLYo (05)-https://www.euro-petrole.com/petroceltic-ain-tsila-ltd-awards-dollars-1bn-epc-contract-to-petrofac-n-i-18410