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«Un laps de temps
considérable s'est maintenant écoulé depuis que j'ai reçu, le 29 mars, votre
parole de prince...c'est-à-dire la mise en liberté d'Abd-El-Kader...En
conclusion, mon Prince, ce n'est certes pas pour vous menacer que je vous fais
part de la décision à laquelle je suis parvenu, si ce dernier appel reste sans
résultat et ne me donne aucun espoir positif. Je livrerai au public et au monde
la correspondance et les lettres (dont les copies sont en ma possession) du Duc
d'Aumale et du général Lamoricière, comme je me suis engagé à le faire depuis
mon banc de la Chambre des Lords ». (3ième et dernière lettre de Lord Vane Londonderry
à Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République française ; depuis la
Tour de Garron, Comté d'Antrim, Irlande, le 25 Août
1851).
Quelque 50 jours plus tard, le Prince-Président acquiesce à la « demande expresse » de Lord Londonderry en ces termes à l'adresse de l'Emir : « Abd-El-Kader, Je vous annonce votre mise en liberté... Le gouvernement précédent n'a pas tenu les engagements pris envers un ennemi malheureux ; et rien à mes yeux de plus humiliant pour le gouvernement d'une grande nation, que de méconnaître sa force au point de manquer à sa promesse...Vous avez été l'ennemi de la France, mais je n'en rends pas moins justice à votre courage, à votre caractère, à votre résignation dans le malheur ; c'est pourquoi, je tiens à l'honneur de faire cesser votre captivité ». (Château d'Amboise, le 16 octobre 1852). La France venait de sortir d'une manière très déshonorante d'un Parjure qui restera à jamais gravé dans les mémoires collectives. Revenons à la date du 23 décembre 1847, près du mausolée de Sidi Taher, qui se trouve entre celui de Sidi Brahim et la ?Colonne Montagnac', (monument édifié en 1853 par l'armée française sur le lieu-même de l'une des 3 plus grandes défaites des armées coloniales françaises, en Algérie ; ce monument se trouve sur le sommet d'un monticule connu sous le nom de Rokbet Mezzoudi, un des contreforts de la petite chaîne du Guerbous, au revers du Djebel Kerkour, sur la route conduisant à Sidi Boudjenane et à 25 km de Ghazaouet), endroits mythiques de la célèbre bataille de Sidi Brahim du 23 au 26 septembre 1845 ; à cet endroit se dressait un palmier sous lequel Lamoricière réitérait sa parole donnée la veille, pour un armistice, parole acceptée le 24 décembre par le Duc d'Aumale (fils de Louis-Philippe, Roi de France). Ce palmier-témoin existe toujours avec une plaque en ardoise d'époque avec l'inscription « 23 Décembre 1847 ». Le 22 décembre 1847 le général Lamoricière envoie une missive au Duc d'Aumale en ces termes : « J'ai été obligé de prendre des engagements ; Je les ai pris, et je l'ai fait, pleinement confiant que votre Altesse Royale et le gouvernement les ratifieront si l'Emir fait confiance à ma parole. Je n'ai pas le temps de vous envoyer une copie de la lettre que j'ai reçue de l'Emir, ni la réponse que je lui ai faite ; qu'il me suffise de préciser que j'ai seulement promis et stipulé que l'Emir et sa famille seront conduits à Saint-Jean d'Acre ou à Alexandrie : ce sont les deux seules localités que j'ai mentionnées. Ce sont celles qu'il a désignées dans sa demande et que j'ai acceptées ». Les conditions (im) posées par l'Emir Abd-El-Kader pour un armistice et acceptées par les généraux français et le fils du Roi des Français étaient les suivantes : « De la part de l'Emir, défenseur et protecteur de la religion, Sid El-Hadj Abd-El-Kader, que Dieu lui soit en aide ! Au général Lamoricière, chef des troupes françaises de la province d'Oran, que Dieu améliore votre état et le nôtre! Salut à celui qui suit la vérité et qui dit la vérité. J'ai reçu votre épée et votre cachet (en fait c'était celui du commandant Bazaine) que vous m'avez envoyés à la réception de l'empreinte du mien qu'aucun écrit n'accompagnait à cause de l'obscurité de la nuit. Nous voulons de vous votre parole de Français, sans arrière pensée et sans retour que nous serons transportés de Djema'â-Ghazaouet à Alexandrie ou à ?Âkka (Saint-Jean d'Acre), sans dévier ni à droite ni à gauche. Vous nous enverrez votre lettre bien détaillée sur ce point et, lorsque nous nous rencontrerons, nous nous entendrons sur le reste, car nous connaissons ce que vous valez et ce dont vous êtes capable et nous avons voulu vous faire le plaisir de notre démarche à vous de préférence à d'autres (les Marocains) ». La suite de la lettre comprend d'autres conditions : d'être accompagné par tous ceux qui le souhaiteraient ; de prendre le montant intégral de la vente de tous leurs biens ; d'avoir des nouvelles de Bouhmidi (il est déjà mort assassiné) envoyé auprès du roi du Maroc, (La lettre manuscrite contenant les conditions posées par l'Emir se trouve dans les archives du Château de Chillon dont une copie est en notre possession). Le 23 décembre à midi, l'accord était scellé entre l'Emir et Lamoricière, en présence de Montauban. Arrivé à 18h à Djema'â Ghazaouet, l'Emir passera sa dernière nuit sur le sol national avant sa Hidjra. Le lendemain midi, 24 décembre 1847, accompagné du général Lamoricière, du général Cavaignac et du colonel Beauford, Abd-El-Kader est présenté au duc d'Aumale lui demandant de lui renouveler l'engagement qu'il sera transféré à Alexandrie ou à ?Âkka et « non ailleurs », ce que fit le prince (in : Ch.-H. Churchill, « la vie d'Abd-El-Kader »). Mis au courant de ces évènements, le Roi Louis-Philippe convoquera son ministre de la guerre qui, pas enthousiaste du tout vis-à-vis de cet accord, dira : « Sire. L'on ne détruit pas un grand homme à la tète de sa Nation tant qu'on ne l'a pas tué ni capturé » (in : Guizot, mémoires, T.II). Suite à cela, l'Emir sera interné durant cinq longues et terribles années en France. « Abd-El-Kader n'est point prisonnier, la loi française est montrée parjure » écrira le général Cavaignac à Oran, le 9 janvier 1848 et « Adieu (donc) la victoire française sur l'Emir » (Général Fabvier, chambre des députés), in : L. Lataillade, « Abd-El-Kader ». Il faut encore et toujours dénoncer, avec la plus grande vigueur, les falsifications et autres duperies de l'histoire concernant l'Emir Abd-El-Kader dont la plus grave est celle de la prétendue « reddition » de l'Emir. Là aussi, pour effacer des mémoires collectives le parjure français du 23 décembre 1847, les thuriféraires d'ici de leurs maîtres de là-bas, faisant fi de l'honneur de ce grand homme, colportent régulièrement cette idée ; en réalité il y a eu des négociations avec acceptation totale des conditions posées par l'Emir pour « l'arrêt des combats » ou « 'armistice », accord dûment signé et paraphé par les deux parties (Lamoricière d'un côté et l'Emir de l'autre) ; la « reddition » militaire répond strictement à un protocole détaillé et bien documenté que les ennemis de l'Emir seraient à mal de présenter. *Les héros ne se rendent jamais... **Docteur |
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