|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Les pandémies,
les guerres et autres fléaux que l'humanité a eu à éprouver remplissent la
chronologie des siècles. Peu ou prou, leur occurrence induit du changement
économique, social et politique, laissant prévoir des mutations dans le mode
d'organisation et de gestion des sociétés humaines.
Depuis la nuit des temps, les épidémies sont tristement réputées pour les ravages qu'elles causent. Le cas de la grippe espagnole (1918 - 1919), qui a marqué la mémoire collective, est assez illustratif. Elle fut très contagieuse et fortement létale. Elle se manifeste par des symptômes respiratoires, comme le Covid-19, avec le même mode de transmission (contact et gouttelettes respiratoires). A travers le monde, elle a affecté plus de 500 millions de personnes et, selon l'institut Pasteur, causé le décès de 20 à 50 millions d'individus, certains avancent le chiffre de 100 millions de morts. Les plus touchés furent l'Inde, la Chine, l'Europe et les Etats-Unis. La grippe espagnole a connu trois vagues dont la première au printemps de l'année 2018. La seconde, étalée du mois d'août 2018 au mois de décembre 2019, fit le plus grand nombre de victimes. La troisième vague, ayant sévi du début de l'année 2019 au printemps de la même année, était de sévérité modérée. Et la pandémie s'estompa avec le temps. Il semble que tel est le sort de la plupart des épidémies. Il est dit que c'est dans l'intérêt du virus de devenir bénin à un moment afin de pouvoir subsister, en se transmettant d'un individu à l'autre. On sait aussi qu'un virus peut muter pour devenir plus résistant ou donner d'autres formes de maladies. A noter que les conséquences de cette pandémie se confondent avec celles de la guerre mondiale (1914-1918), à laquelle elle a au demeurant contribué à mettre fin, du fait qu'elles sont temporellement embarquées dans le même mouvement historique. Elle a notamment participé, pour une bonne part, à une baisse prononcée, mais temporaire, de l'activité économique. Il en résulta une forte augmentation du chômage, de la pauvreté, etc. Il convient de souligner tout de même que la grippe espagnole a permis des progrès sensibles en sciences médicales et a favorisé l'amélioration des systèmes de santé publique. En outre, ayant pris conscience du caractère planétaire des épidémies et par conséquent de l'impératif de s'organiser dans un cadre institutionnel international pour y faire face, on créa par le traité de Versailles en 1919 le comité d'hygiène de la Société des Nations (SDN), ancêtre de l'OMS. L'impact des épidémies passées sur l'économie se faisait sentir surtout sur le court et moyen terme, il se résorbait généralement avec le temps. Cependant, il est clair que les effets varient d'un pays à l'autre, voire d'une population à l'autre, et restent liés aux moyens matériels et humains de chacun, au système politique et au mode de gouvernance. Et la vie finit toujours par reprendre ses droits. Qu'en sera-t-il alors pour la pandémie du coronavirus Covid-19 que nous éprouvons actuellement ? Apparue dans la ville chinoise Wuhan en décembre 2019, l'épidémie s'est répandue, telle une traînée de poudre, à travers le globe en quelques semaines. La maladie se transmet par les voies respiratoires, par les postillons. Elle se manifeste par de nombreux symptômes dont les plus marquants sont la fièvre, la toux sèche, la fatigue, l'essoufflement, l'obstruction nasale et les céphalées. Le bilan au 19 juillet 2020 fait état de 14,4 millions de personnes affectées par le virus à travers le monde. On déplore 606 mille décès. Pour l'heure, l'Afrique est le continent le moins touché, mais nul ne sait ce que demain nous réserve. Le bon sens recommande, plus que jamais, la prudence et la vigilance. Les médecins et les autorités sanitaires ne cessent de sonner le tocsin face à la recrudescence des contaminations en Algérie, où depuis une semaine on recense chaque jour (24 heures) plus de 500 nouveaux cas testés positifs ; la barre des 600 cas a été dépassée le 18 juillet 2020. A propos, il convient de rappeler qu'une étude prédictive, par simulation mathématique sur la base de données en provenance de 47 pays, dont l'Algérie, effectuée en mai 2020 par le bureau régional de l'OMS, prévoit que plus de 260 millions de personnes pourraient être contaminées par le virus en Afrique durant les douze mois prochains. La simulation anticipe que le nombre de décès se situerait entre 150 mille et 190 mille. L'Algérie, le Cameroun et l'Afrique du Sud sont les trois pays les plus à risque d'une sévère épidémie. Il reste que ce ne sont évidemment là que des simulations prédictives qui n'échappent guère aux aléas des probabilités. En tout cas, selon les spécialistes en la matière, la composition démographique (profil d'âge plus jeune qu'ailleurs), le taux d'obésité plus bas que dans d'autres régions et une meilleure immunité, liée aux conditions de vie, plaident en faveur de bilans beaucoup moins lourds qu'en Europe et en Amérique. Cependant, la possibilité d'un rebond ou d'une seconde vague, comme ce fut le cas de la grippe espagnole, n'est pas du tout écartée. Le scénario se profile depuis des semaines, voire s'affirme, dans plusieurs régions du monde. A l'état actuel, nul ne sait combien va durer encore le cauchemar socioéconomique induit par la première vague. La déferlante épidémique ayant gagné la quasi-totalité des pays de la planète, la majorité des Etats ont, entre autres gestes barrières, imposé la mise en quarantaine des villes et le confinement à leurs citoyens. Ensemble de mesures qui ont asséné un coup foudroyant à la production mondiale, au commerce, aux secteurs des transports, du tourisme, de la culture, des arts et du spectacle, etc. Du coup, les cours du pétrole, en raison d'une baisse vertigineuse de la demande, ont chuté de manière drastique. La pandémie a en outre sévèrement impacté la finance des entreprises et les marchés boursiers. La majorité des entreprises et des établissements publics ont été paralysés, partiellement ou totalement ; les plus fragiles ne reprendront probablement jamais leur activité. Au registre de la récession globale, les déficits dans les budgets des Etats à travers le globe se chiffrent en centaines de milliards. La Banque mondiale et le FMI estiment que le ?'grand confinement'' devrait entraîner une baisse de l'ordre de 3% du PIB de la planète en 2020. Une chute plus brutale en 2021 n'est pas à exclure. Selon le président de la Banque Mondiale, 60 millions de personnes pourraient être frappées par une pauvreté extrême à cause de la pandémie du Covid-19, qui a d'ailleurs dès à présent exacerbé les inégalités sociales et les divisions politiques. Tout cela appelle urgemment des mesures politiques. La gravité de la situation oblige l'intervention de l'Etat. Les dommages sont plus dramatiques pour les pays pauvres et ceux vivant essentiellement de la rente pétrolière, à l'instar de l'Algérie (voir notamment sur TSA et autres médias les chiffres dévoilés le 18 juillet 2020 par le ministre des Finances). C'est dire qu'il est grand temps pour que les Etats africains se réveillent, revoient leurs copies. Judicieux et bénéfique du point de vue sanitaire, de l'avis de la majorité des professionnels de la santé, le confinement est fortement préjudiciable sur le plan économique. De fait, je souscris à l'évidence que la pandémie du coronavirus a entraîné une récession économique sévère, difficilement surmontable. En revanche, en me détachant du choc immédiat et de l'appréhension de l'inconnu des lendemains, afin de ne pas m'écarter de la perception réaliste de l'évènement et de l'analyse rationnelle et objective de ses effets, il m'est bien rude d'adhérer à la thèse d'un effondrement du système économique, construit des décennies durant. Le FMI et multitude d'Etats souhaitent des réformes pour donner corps à un modèle économique plus juste et plus résilient. On peut concéder à cette éventualité un certain réalisme, mais je crains qu'elle ne fasse figure de lubie de ?'docteurs de l'économie'' qui, depuis des années, appellent de tous leurs vœux à une profonde révision, en vain. Aussi, je pense que ceux qui prédisent un basculement vers la fin d'un cycle libéral mondial vont un peu trop vite en besogne. Je reste en tout cas convaincu que cette tragédie ne changera pas fondamentalement l'ordre établi, ni économiquement, ni politiquement, ni socialement. Elle contribuera sans doute à des changements importants, dont elle ne sera au demeurant pas la seule cause, loin s'en faut. Enfin, un processus de réorganisation ou de ralentissement de la mondialisation pourrait être déclenché, sans pour autant la remettre en cause. Dans cet ordre d'idées, François Lenglet, éditorialiste à TF1, auteur de l'ouvrage ?'Tout va basculer'', affirme dans un entretien accordé à France 24 : « Depuis la crise de 2009, on voit le logiciel collectif, à la fois au plan économique et au plan politique se transformer. La crise du Covid-19 n'apporte rien de nouveau, mais elle dramatise, elle précipite, elle force ces évolutions qui se sont engagées avant elle et je pense qu'il va y avoir non pas un changement de nature mais un changement de mesures ». Enfin, selon certains économistes le monde pourrait retrouver la croissance économique dans moins de deux années. Le macro-économiste français Olivier Blanchard, professeur à MIT, estime que la crise actuelle « nous plonge plus dans le brouillard que celle de 2008 ». Il pense néanmoins que l'économie mondiale reviendra très probablement à un niveau normal dans dix à dix-huit mois. Il reste que les paroles des économistes ne sont pas des oracles. Leurs prophéties n'ont pas toujours été au rendez-vous de l'histoire. D'ailleurs, à ce stade on ne sait pas comment va évoluer la pandémie, de laquelle dépend le calendrier du retour à la normale des activités économiques et du redémarrage de la croissance. Il va sans dire que le Covid-19 nous aurait infligé une dure et pénible épreuve de vérité sur nous-mêmes, sur notre humanité et surtout sur notre vulnérabilité. Un simple virus, invisible à l'œil nu, a ébranlé la planète, défiant les fabuleux progrès scientifiques et la puissance technologique que l'humanité a cumulés des siècles durant. Est-ce pour autant que nous allons changer notre perception de la vie, de la relation à l'autre et à la nature ? Est-il envisageable que la société s'émancipe de l'individualisme, du repli et de la xénophobie ? Je reste bien dubitatif à ce sujet. Il est probable que l'on assistera au retour à certaines valeurs que le matérialisme, notamment dans les pays développés, a fait perdre. D'aucuns vont se réconcilier avec la religion, d'autres avec l'humanisme et la solidarité, etc. Il reste que l'éveil des consciences, l'élévation de la personne au-dessus d'elle-même et l'arrachement à l'égoïsme et à l'égocentrisme demeureront circonscrits à des groupes d'individus, pour ne pas dire marginaux. Les fondements du temple sont si profonds et solides qu'ils ne peuvent être fissurés pour si peu. Sur les plans politique et économique, des changements, plus ou moins importants, auront inexorablement lieu. En revanche, je doute fort par exemple que le libéralisme capitaliste soit fondamentalement remis en cause ou que le système monétaire et financier soient profondément réformés. C'est dans le domaine scientifique et technologique, en particulier ce qui touche la santé, que des progrès conséquents sont attendus. Les gouvernements sont appelés à repenser leur système de santé, à moderniser leurs structures hospitalières et encourager la recherche scientifique. Sur le plan social, de nouvelles habitudes, de nouveaux comportements, vont s'installer, durablement pour certains. Notamment, le travail à domicile (télétravail) et l'enseignement à distance (via des plateformes de télé-enseignement) sont en train de bousculer les us pour s'imposer en tant que modèle du XXIème siècle. On parle d'un basculement vers un capitalisme numérique. En d'autres termes, on va dire l'émergence d'un capitalisme numérique dominant. Un bouleversement inédit dans les relations sociales, qui se profilait, voire qui était entamé, depuis des années. Enfin, la tension économique, conséquence de la crise sanitaire, engendrera fort probablement des mouvements sociaux et autres jacqueries politiques, pour beaucoup en gestation avant la crise, dont des régimes payeront les frais. Les mesures préventives draconiennes prises jusque-là, à défaut de remède, ont permis de limiter la propagation du virus mais ont engendré une situation socioéconomique très critique, mettant les gouvernements face à un dilemme, difficilement surmontable. Un choix cornélien entre lever le confinement pour relancer l'économie ou le maintenir pour protéger des vies humaines. Après plusieurs mois, un déconfinement assorti de mesures barrières a été adopté pratiquement partout dans le monde. Il s'agit essentiellement de port de masque, de distanciation sociale, de mesures d'hygiène et d'interdiction de regroupements. Malgré toutes ces précautions, le relâchement fait craindre la relance de l'épidémie. L'apparition de nouveaux cas de contamination, alarmants dans certains pays, alimente cette appréhension. Un processus d'alternance confinement - déconfinement pourrait dès lors s'imposer. Au demeurant, Il semblerait que c'est un moyen de construire progressivement une immunité collective qui viendrait à bout du virus. Enfin, la gestion de la crise sanitaire a sans doute eu des effets positifs mais elle n'est pas de nature à juguler la pandémie, encore moins de l'éradiquer. La solution idoine réside dans la mise en œuvre d'un traitement et d'un vaccin. Jusqu'à ce jour, il n'y a pas de médicament cliniquement approuvé de manière claire pour traiter la maladie. Néanmoins, des pistes semblent prometteuses. Le lecteur peut s'informer à ce sujet en consultant, entre autres, le site de l'OMS. Dans une course effrénée pour trouver un remède, de gigantesques moyens financiers sont mis en œuvre par des Etats, des investisseurs du secteur pharmaceutique et autres organismes. La concurrence est rude et impitoyable. Notre positive en tout cas, l'effervescence des professionnels du médicament, du monde de la médecine et de la recherche scientifique en sciences médicales à l'échelle planétaire, suscite de l'espoir en vue d'une sortie de crise. Sur le plan économique, les gigantesques moyens financiers engagés laissent présager une relance de la croissance mondiale dès l'année 2021. Malheureusement, les pays africains - rendus exsangues par les guerres, le terrorisme, la corruption, la prédation des gouvernants et autres fléaux - ne sortiront pas des ornières de sitôt. En conclusion, force est d'admettre que le virus, malgré de laborieux efforts pour stopper sa propagation, va vivre parmi nous pour une durée que nul ne peut évaluer. Il nous sied d'intégrer une telle fatalité dans notre quotidien, de prendre notre mal en patience et de vaquer à nos occupations en prenant les précautions nécessaires. Du reste, l'activité socioéconomique ne pouvant être freinée trop longtemps, au risque de provoquer un drame incontrôlable, l'option du recours au confinement est indubitablement vouée à l'abandon, tôt ou tard. Les gouvernants qui n'ont pas plusieurs cordes à leur arc sont à plaindre. Sans doute, le Covid-19 nous tourmente, nous secoue fortement, mais ne constitue pas à mon humble avis une crise majeure de nature à bouleverser outre mesure notre existence. Malgré son lourd bilan macabre et le choc économique qu'il a produit, il ne saurait être un prodrome de cataclysme dont il sera difficile de se remettre, comme nous le prédisent certains. Aussi, parler d'avant et d'après coronavirus me paraît trop caricatural. C'est comme si l'on se résignait à croire que cette pandémie allait donner un coup d'arrêt brusque et définitif à l'histoire qui l'a précédée. Enfin, je pense que l'alarmisme au-delà du raisonnable, auquel s'adonnent des milieux enclins à l'exagération, ne se justifie guère. L'humanité n'est tout de même pas à sa première dure épreuve. N'oublions pas que les hommes ont cette capacité innée de penser et d'organiser leur existence, pas de la subir uniquement sans rien faire. Autrement, l'histoire humaine aurait été bien plate, monotone. Les besoins de survie et de bien-être de l'homme réveillent son génie et lui font réaliser de fantastiques exploits. Il se remet toujours de ses blessures, de ses malheurs. Il en sera immuablement ainsi jusqu'à la fin des temps. Et la vie reprendra ses doits. IN CHA'ALLAH, Amen ! *Professeur - Ecole Nationale Supérieure de Technologie |
|