
A tous les
niveaux, c'est un effroyable climat de sinistrose, qui semble broyer autant les
Algériens que leurs institutions, les partis et au-delà les centres de
décisions. Les derniers événements qu'a connus le pays, à l'instar de la
manifestation mardi à Béjaïa contre les
investissements bloqués, ces cris de colère des jeunes contre la mort de harraga, les critiques des experts sur la politique
économique sans âme du gouvernement, ou ces «warnings» de PDG sur la situation
financière de leurs entreprises, montrent à quel point le pays a besoin de
«redémarrer» sur de nouveaux objectifs politiques, sociaux, économiques
également.
Sinon de
faire le point, en urgence, sur une situation catastrophique à tous les points
de vue, autant sur le plan économique avec un arrêt inquiétant de la
croissance, politique avec la dangereuse tournure qu'est en train de prendre la
prochaine élection présidentielle, et social avec un pouvoir d'achat laminé par
une inflation et une sourde baisse du niveau de vie des Algériens. Le pays
donne cette dramatique impression qu'il évolue au ralenti, qu'il vit une transition
qui tarde à s'achever, et, surtout, que les décisions politiques pour passer au
plus vite cette traumatisante période tardent à être prises. Le gouvernement,
en cachette, a recouru encore au financement non conventionnel, sans avertir
l'opinion publique, comme s'il est acculé par une situation financière
catastrophique. Sur le front politique également,
aucune embellie. Pis, les horizons se sont assombris avec ces appels du pied
insistants de partis de la majorité pour un report de la prochaine élection
présidentielle. Comme s'ils ont le droit d'aller à une éventualité, qui n'a pas
été prise en compte par la Constitution, ou prendre en otage une opinion
publique, qui ne croit plus depuis longtemps aux miracles, encore moins les
partis de l'opposition, tiraillés entre le devoir de protester, ou adopter la
politique ambiante, celle d'un grand et pathétique nihilisme, qui a submergé
tous les pans de la société algérienne. Le climat social et politique est
tellement stressé, angoissé, que pratiquement un Algérien sur trois ne se
projette plus dans le pays, alors que les partis, dont c'est le rôle de
mobiliser, restent absents, tétanisés par une actualité politique qui a dérouté
tous les scenarii. Penser à reporter une échéance politique aussi importante qu'une
élection présidentielle, c'est prendre en otage tous les acteurs politiques et
sociaux, les mettre devant une évidence pas tellement rassurante. Et, surtout,
qui a la fâcheuse perspective de maintenir plus qu'il n'en faut dans la
position «pause» le pays. Le rappel des troupes au sein du FLN, l'appel à une
conférence nationale pour le consensus, ou celui pour reporter l'élection
présidentielle, sont des signes qui ne trompent pas sur le fait que le pays
tourne en rond, sans trouver une voie, une issue, qui balise la voie à un
atterrissage en douceur, après le 19 avril prochain.
D'autant
que les clignotants sur le plan financier ne sont pas au vert, loin s'en faut,
et le calme relatif à ce niveau n'est assuré que par la «planche à billets».
Et, pour corser l'addition, un fort marasme social balaie le pays, au point que
les jeunes et les diplômés ne s'y projettent plus. Ce qui est fatalement
dommageable pour une politique sociale désastreuse du gouvernement et ceux qui
l'ont précédé, et surtout, un avertissement aux partis et aux politiques que le
pays a un besoin urgent de sursaut, d'une reprise en main, qui ramène la
confiance, et débloque les horizons des Algériens. Loin des querelles de
chapelle autour de la prochaine présidentielle, qui ne devrait pas servir
d'alibi pour alimenter ce climat de défaitisme.