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La défense d'un
juste prix entre 60-70 dollars le baril du PDG de Sonatrach
lors de sa conférence de presse dans un contexte particulier est un signal fort
envoyé à l'électorat du président américain en vu de
l'échéance électorale du 4 novembre prochain. Pourquoi contexte particulier ?
Cette annonce est faite au moment même où la commission du World Oil Outlook 2018 rend son rapport perspectif qui insiste
sur la prédominance de l'énergie fossile dans le mix énergétique au moins d'ici
2040. La veille, le Joint Ministerial Monitoring Committee (JMMC) félicite l'Algérie et plus
particulièrement le président de la république Abdelaziz Bouteflika de l'effort
soutenu fait pour le maintien de la cohésion de l'OPEP, non seulement depuis la
rencontre d'Alger de 2016 mais aussi de son adhésion en 1969. Cela donne du
poids au PDG de Sonatrach qui s'exprimait au nom de
l'Algérie. Il s'est permis même de rappeler « Quand le baril était à 40
dollars, on ne savait pas où aller, on n'avait pas l'argent pour agir, et quand
il a atteint les 100 dollars, on a gaspillé l'argent, on investissait à tout
va, ce n'est pas normal ni rentable». Pour lui la fourchette défendue par Trump permettra à l'entreprise dont il a la charge de se
projeter à l'avenir sans pour autant gêner d'une manière ou d'une autre le
consommateur implicitement américain. Son message a été reçu 5 sur 5 puisque
répercuté amplement par les medias américains avant le discours de Trump devant l'assemblée Générale de l'ONU où la délégation
de l'Iran était présente. Ce qu'il a développé par la suite en s'exprimant dans
son état « enfant » dénote désormais d'une certaine indigence des analyses
perspectives en matière pétrolière et gazière. La raison logique est simple :
lorsque les prix sont bas l'équation économique des investisseurs est rompue.
Cela voudra dire qu'ils obtiennent une valeur actuelle nette négative qui ne
compenserait pas leurs dépenses et par voie de conséquence désertent le
domaine. C'est la principale préoccupation du monde pétrolier et gazier puisque
la dernière chute drastique du prix du baril a fait perdre prés
de 1000 milliards de capitaux destinés à l'activité recherche. Par contre,
lorsque les prix sont hauts, les investisseurs se bousculent pour placer leur
argent et la redynamisation du secteur reprend et les reserves
avec. Cette fourchette du plus bas au plus haut dépendra primordialement et
principalement de l'offre et de la demande et par ricochet aux facteurs
géopolitiques. Pourquoi ce ricochet ? Parce que ces événements affectent
d'abord l'offre dans un sens ou dans un autre.
Que vise Trump ? Trump ne veut pas que son électorat roule avec une essence chère et en même temps reste conscient et se prépare pour les conséquences de la décision qu'il a prises de quitter les accords de Joint Comprehensive Plan of Action» (JCPOA) signé par les six puissances mondiale le 14 juillet 2015. Il a déjà demandé par la passé à l'Arabie Saoudite d'augmenter sa production de 2 millions de barils par jours. Il vise le court et le moyen terme. En tout cas, selon le communiqué du conseil de ses ministres, le royaume semble avoir pris connaissance, au cours de cette réunion, de la teneur de la conversation téléphonique du roi Salmane avec le président Trump à ce sujet. Il reste disposé, à travailler à la stabilité du marché « en coordination avec les autres pays producteurs » sous entendu les non OPEP dont leur chef de fil est la Russie. En termes simples, il produira les deux millions dont un tout de suite et le reste au début des sanctions en novembre prochain. Cela selon toute vraisssemblance donnera assez de temps pour se préparer techniquement à cette éventualité. Contrairement à ce qui est dit ici et là, le calcul est fait avec une précision par le département américain de telle sorte à résorber le déficit de l'offre causé par les incidents des pays cités plus haut afin de maintenir le prix du baril au niveau décidé par la Maison Blanche c'est-à-dire autour de 75 dollars. Contre toute attente et prévision d'experts, les réserves américaines de brut ont augmenté la semaine dernière, selon les données publiées jeudi par l'Agence américaine de l'Energie (EIA), alors que les marchés et les analystes tablaient sur une nouvelle baisse d'environ 5 millions de barils par jour. Cette hausse était principalement due à une montée des importations nettes d'autant plus que les exportations ont légèrement reculé. Ceci n'a pas empêché le président de relancer ouvertement ses hostilités commerciales avec la Chine en imposant des droits de douane sur des dizaines de milliards de dollars de produits chinois. Une telle mesure devrait appeler la réciprocité de la Chine sur les produits américains. Cette realpolitik que mène Trump tout azimut semble donner ses fruits en consolidant son électorat. Même ses opposants applaudissent tout bas le contraire de ce qu'ils clament tout haut. Cela revient à dire que ce qui s'est passé à Alger le 23 septembre 2018 n'est qu'une réponse politiquement correcte de l'OPEP à Trump mais avec des artifices qui limitent l'humiliation pour montrer à l'opinion publique qu'aussi bien les membres de l'OPEP que ceux non OPEP n'ont aucun ordre à recevoir du président américain. Cet aspect de pure forme, n'emballe pas Trump puisqu'il a obtenu la fourchette du prix du baril qu'il veut et même le PDG de la principale compagnie organisatrice soutient dans sa démarche. Pour preuve le fou rire des présents à son discours à l'assemblée générale de l'ONU s'est transformé en applaudissement grâce à son habilité. C'est quelqu'un qui a montré qu'il est insensible à ce que disent les autres sur lui pourvu qu'il atteigne son objectif. C'est exactement ce qui s'est passé à Alger le 23 septembre 2018. Il y a longtemps que l'OPEP rétropédale dans le vide Tout le monde et ces experts qui défilent dans les médias lourds en sont convaincus, les facteurs géopolitiques ont beaucoup plus d'influence que ceux économiques. La réalité des chiffres est édifiante : L'OPEP, qui produit environ un tiers du brut mondial, a pompé quelque 32,3 millions de barils par jour (mbj) au premier trimestre 2018, tandis que la production saoudienne a atteint à elle seule 10,13 mbj de janvier à avril (+3,5 % sur un an). Dans un cycle normal, lorsque le prix du baril augmente, les investissements en amont augmentent et traineront avec eux l'offre qui équilibrera le marché. La situation d'aujourd'hui est inquiétante parce qu'elle décourage les capitaux par sa chronicité. Selon l'Agence internationale de l'Énergie, les investissements dans l'exploration-production devraient chuter pour la deuxième année consécutive en 2019 : après un recul de 24 % l'an passé, ils devraient à nouveau diminuer de 17 % cette année, ce qui laisse plusieurs analystes penser que le marché pourrait même être confronté à un déficit d'offre dès les années à venir. C'est justement sur cette thèse que les membres de l'OPEP s'appuient pour soutenir que ce soit au sein de l'OPEP ou non, et les consommateurs sont convaincus qu'un prix juste est nécessaire pour tout le monde afin d'obtenir un retour sur investissement raisonnable et investir dans l'industrie. Ce qui est logique mais que des considérations géopolitiques contredisent. Les Etats Unis ont prévalu leur stratégie politique en supportant ses effets secondaires pour la simple raison que sa situation n'est guère rassurante. En partant de ces considérations, le rôle du swing producer n'est plus assuré par l'Arabie Saoudite mais par les Etats Unis en fonction de leur stratégie géopolitique. Un prix du baril très fort détériore automatiquement les termes de l'échange et les pays producteurs qui importent tout seront les premiers perdants. Les experts aiment les tables rondes mais prédisent au gré des circonstances du moment. Il y a moins de 4 mois on avançait un prix euphorique de 300 dollars le baril sans penser aux conséquences d'un côté comme d'un autre. Un tel scénario bousculerait le quotidien de la population mondial qui pourrait ne pas suivre l'inflation et la détérioration de leur pouvoir d'achat. Contrairement à cette euphorie qui apparait chez les producteurs de pétrole et notamment les plus gros d'entre eux, ils seront les premiers touchés par la détérioration de ces termes de l'échange. A titre d'exemple pour produire, les entreprises Algériennes réservent prés de 80% de leur input à l'importation. En plus, chaque citoyen du monde consomme en moyenne 4 à 5 litres de brut par jour. Tous les produits importés, blé, café, lait et bien d'autres demandent de l'énergie et donc augmentent avec lui. Le prix du litre d'essence le plus haut actuellement est compris entre 2,10-2,12 dollars en Chine et Island, avec un baril à 300 dollars il sera triplé pour atteindre en Europe par exemple prés de 4 dollars le litre. Dans les villes européennes, le paysage pourrait également être transformé en cas de flambée durable des prix du pétrole. Car, à 300 dollars le baril, l'extraction d'hydrocarbures «non conventionnels» devient rentable. Ce qui pourrait marquer l'arrivée de derricks forant le pétrole de schiste en Ile de France, ou le gaz de schiste dans le Sud-est et le Nord-est du pays. Celui qui a pensé à un tel scénario n'a pas imaginé que le prix du brut avec la découverte et le forage du premier puits par le colonel Edwin Drake en 1859 qui valait moins d'un dollar en monnaie courante, aujourd'hui, il est en moyenne à prés de 80 et il est passé par un pic maximal de 160 mais très peu probable qu'il atteigne les 200. Les experts sont parfois payés pour faire rêver les citoyens mais la réalité est toute autre. Nous évoluons vers un autre modèle de fixation du prix du baril L'ancien modèle de fixation du prix du baril en valeur absolue obéissait à la loi surnommée du mouvement d'un « serpent dans un tunnel ». La limite haute est définie par le coût des énergies de substitutions aux énergies fossiles, celle du bas par leur coût de production. La nouvelle oscillation 60-70 annoncée par l'OPEP semble agréer tous les acteurs à l'exception de ceux dont l'économie reste fortement dépendante des hydrocarbures comme l'Algérie et encore plus le Venezuela. Cette règle dure dans le temps et impose un nouveau modèle qui distribue un rôle à chacun des acteurs. Les producteurs de gaz de schiste réguleront la partie haute c'est-à-dire le plafond des prix et les producteurs dont l'OPEP joueront le goal qui ne laissera pas passer le ballon au dessous des 50 dollars. A moins qu'il est un événement géopolitique qui chamboulera ce modèle ce qui est peu probable. Le cas de l'attaque américaine en Syrie est édifiant car les prix du Brent ont fait un saut de 4 dollars en une séance. Mais il ne faut pas s'en réjouir car il s'agit d'un simple avertissement. La problématique est que les premiers, les attaquants font des efforts de recherche immense pour adapter leur tactique : Aujourd'hui, on constate que les compagnies qui produisent le pétrole et le gaz de schiste ont développé des techniques qui leur permettent de produire d'une manière rentable pour un prix de 50 dollars. La défense quant à elle ne fait qu'accentuer sa dépendance des hydrocarbures et, partant mettre leur développement en péril. * Consultant, Economiste Pétrolier |
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