A Porto, l'équipe
nationale de football a consommé son échec et le nôtre avec. A Addis-Abeba, son
homologue féminine nous a rendu l'honneur en se
qualifiant avec brio pour la CAN. Reconnaissance et chapeau bas «Mesdames».
Bonne fête de l'Aïd.
Dans la même
semaine, une jeune femme court à Alger un footing en fin de journée et un
homme, ou ce qui se dit et s'apparente en tant que
tel, l'agresse par la parole et le geste. Ailleurs à des milliers de
kilomètres, en Ethiopie, onze jeunes demoiselles hissent l'emblème national
après un dur combat sur un terrain de football et amènent le pays au tournoi
des nations de la coupe d'Afrique. L'opinion publique, presse et réseaux
sociaux, crie à juste titre au scandale de l'énergumène agresseur à Alger et
fait l'impasse sur les héroïnes d'Addis-Abeba. D'autres femmes à Alger, Annaba
et Oran manifestent leur indignation contre l'agresseur d'Alger et ce qu'il
représente de misère mentale en courant des footings de soutien à la jeune dame
agressée à Alger. Puis ça et là des voix rappellent « l'oubli» de celles qui
vont représenter le pays à la prochaine CAN. Dans les deux situations, la
«Femme» a été le centre d'intérêt d'un débat devenu fatigant à force de répéter
les mêmes inepties depuis mille ans chez nous, dans nos maisons, nos têtes, nos
émotions et nos pantalons. Cet épisode intervient durant ce mois de Ramadan qui
prête à la piété religieuse, la générosité, le pardon et la solidarité dit-on.
Toute la sacralité et la symbolique du Ramadan s'est manifestée dans
l'organisation d ?Iftars géants dans les rues de
plusieurs villes, relayés à leur tour par les réseaux sociaux et une bonne
partie de la presse nationale. Femmes et ripailles gargantuesques seront les
souvenirs de ce Ramadan 2018. Pour le coup, la symbolique nous est implacable: ventre et bas-ventre. Préoccupés par ces deux
besoins et instincts primaires de vie, le terrain du reste de la vie ouvrait
grand le portail aux prédateurs du pays: barons de la
drogue, spéculateurs du marché national, du grossiste au vendeur à la sauvette
sur un trottoir, agitateurs politiques d'occasion, prêcheurs obscurantistes
dans et en dehors des Maisons de Dieu...le pays entier livré au hasard en
attente du retour «légal» à la bouffe et aux vacances d'été qui suivent.
Farniente sans fin. Nous sommes dans le pays des merveilles où des femmes lui
ont sauvé l'honneur à des milliers de kilomètres plus loin dans un pays
africain, lorsque des hommes l'on attristé après un périple en Europe autant
par la prestation sur le terrain de jeu que par les disputes et les
effronteries de ceux qui les managent et entrainent. Le peuple a vu et jugé,
pouce vers le bas, unanimement l'équipe de football masculine et son entraineur
et a zappé celle féminine et son staff qui dansaient, seuls, à Addis-Abeba.
Paradoxe dans la pensée et le comportement: on ignore
celle qui nous honore et nous grandit sur un terrain africain, et on s'inquiète
pour celui qui nous défait et nous humilie sur un autre terrain en Europe.
Reproduction du rapport homme- femme ou de manière plus appropriée à notre
«culture» du rapport de l'homme à la femme: même dans
l'échec, il est au dessus, capte l'attention et reste
«l'Homme». Elle reste en dessous, «Femme», même dans le succès. Qu'il soit
sportif, social, économique ou politique, le succès de la femme fouette
l'orgueil et la vanité de l'homme en général et révolte ceux qui ont décidé de
décider, ici sur terre, sur nos destinations sous terre et dans le ciel, en
enfer ou au paradis. Paradoxe de la pensée et du comportement : l'Algérien
chérit sa maman, sa sœur, sa fille, sa grand-mère, sa tante, sa petite-fille..toute femme de son
sang et se méfie, surveille, accuse toute autre femme ou fille hors de sa
progéniture et sa filiation sanguine. Les premières font partie de son corps et
les autres lui sont étrangères. Et c'est comme ça dans cette immense foule
nationale. Du coup, la rue et l'espace public deviennent un entrejeu ou l'enjeu
principal reste «cette femme» qui nous déroute, nous attire, nous révulse, nous
réconforte..nous fascine. On
ne sait plus. Et quand on ne sait pas , on craint, on
s'inquiète, s'interroge...on fuit même le succès quelle nous offre et l'honneur
qu'elle sauve dans et hors du pays. Paradoxe de la pensée et du comportement: le pays entier commémore la bravoure et la
mémoire de Hassiba Benbouali,
des soeurs Bedj, de Ourida Meddad, des Bouaatoura, de et de ...jusqu'au plus lointain dans notre
histoire de Fatma N'soumer, de la Kahina... et ignore
oublie celles qui aujourd'hui travaillent, inventent, aident, sauvent, gagnent,
l'honorent. Le pays oublie par dessus tout que son
propre nom est féminin: Algérie! En français, arabe , anglais ou toute autre langue « Algérie» est un nom
féminin. La pays porte son nom pour l'éternité. Et
cela, rien ne pourra le changer. Ni notre ingratitude envers « la Femme», ni notre
vanité misogyne, phallocrate et imbécile, ni les prêches et obscurs discours
d'islamistes ténébreux et ignorants. «L'avenir de l'homme est la femme, elle
est la couleur de son âme, elle est sa rumeur et son bruit, et sans elle il
n'est qu'un blasphème» écrivait le poète Louis Aragon au milieu du siècle
dernier. Trêve de blasphème et fêtons l'Algérie au féminin pluriel pour ne pas
hypothéquer notre avenir. Pour nous avoir consolés de l'échec de nos hommes à
Alger, Porto et ailleurs en hissant le drapeau national en Afrique, pour avoir
veiller nuit et jour sur notre enfance, pour tout ce que vous endurez sous le
regard agressif de frustrés dans la rue, sur la plage ou sur l'écran d'une
télé, nos remerciements et notre reconnaissance pour le nom que vous nous
faîtes porter avec fierté: Algérie! Bonne fête de l'Aïd Mesdames et à vos
prochaines conquêtes et victoires.