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Puisque Ouyahia a ouvert le bal, allons-y ! L'on n'aurait jamais
voulu citer une personne ou un confrère quelle que soit la couleur de sa plume
ou la matrice de sa muse. En citant nommément «le principal journaliste» d'un
quotidien national, le Premier ministre semblait vouloir faire une distinction
entre ceux qui vocifèrent un avis et ceux qui se taisent le formulant
autrement. Nous ne dirons jamais que, cité par un détenteur de pouvoir, un
journaliste augmente sa cote de lectorat, de surcroît si l'on ne cherche pas
une quelconque gloire qui va s'avachir à l'instant même où la cote de
popularité de l'orateur commence à dépérir.
Il est légitime pour un professionnel du mot dans une république où la démocratie n'est pas un vain mot de clamer ses avis, ses délires, ses fantasmes et toutes ses égéries. Au même titre qu'un gouverneur de dresser ses bilans, ses prouesses, ses vertus et ses illusions. Ce n'est qu'une question de réciprocité dans la pratique du droit à l'expression. si un avis est couché sur papier par un faiseur de style, allant parfois à contresens de celui qui, par micro, dessine une situation la croyant une beauté ; il n'y a ni péril au palais ni entorse à la loi. Seulement un débat paisible. Il est vrai que le chroniqueur, celui qui vient, selon l'alternance, ou chaque jour ou chaque semaine, dans un petit coin d'une page, se faisant tout discret, malmenant à bon point son autocensure n'a pas l'information que l'on voudrait la lui inséminer. Il tient la sienne de sa profondeur, de sa proximité et du regard qu'il porte indifféremment sur une actualité autrement à voir. Il se réjouit non pas d'avoir à tirer sur l'un ou l'autre mais à la finition de son œuvre que l'on ne juge qu'en rapport du rapport positif ou négatif qui se tisse dans le corpus de son texte. Faudrait-il faire de grosses louanges pour que l'on ne soit pas cité ? Faudrait-il aiguiser le ton et affûter le jet pour que l'on ait droit à être cité ? Un dilemme lourd et complexe. Voire inutile même d'y penser ou d'y accorder de l'intérêt. L'intérêt est dans l'émission de la réflexion, de l'argument et de la sérénité de soi. Que chacun pense n'importe quoi mais qu'il ne l'écrive pas. Que chacun qui sent la morve partout n'aille pas se moucher chez les autres. C'est cela la responsabilité d'opinion et l'engagement dans la fabrique des idées et l'extirpation de l'observation. Un chroniqueur, Monsieur le Premier ministre, est toujours une réaction à une action et qui comme en sciences physiques, elle produit les mêmes effets de même degré et à la même intensité. Il ne fait que répondre, il ne crée pas l'information, il la dissèque. Pourtant, tant d'exercices au pouvoir vous ont arrondi le dos pour supporter les tirs et tous les coups. Vous avez habitué vos observateurs à un sourire qui le plus souvent cache un mal encaissé que vous subissez à longueur d'aller-retour. Jeter un nom dans une conférence de presse est un embarras ou bien une cargaison qu'en l'émettant l'on se décharge. Et puis dans le pays, ils disent ne voir fleurir sur scène que des noms qui s'inscrivent à contrario d'une tangente officielle ou envers qui la reconnaissance n'est qu'extraterritoriale. Dans la littérature aussi. Leur position étant respectable tant qu'elle est vaillamment assumée. N'est-ce pas là une méthodologie incitative au recrutement dans des rangs en mal de sainteté ? Ou bien une invite sournoise chuchotant que la renommée est ailleurs que chez soi ? Et puis encore dire d'un ciseleur d'avis qu'il est un opposant n'est pas une honte en soi et cela ne fait en fait que renforcer le cadre démocratique ; tâche qui trône dans le cœur des préoccupations constitutionnelles de tous les acteurs nationaux. |