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La
séparation de la Catalogne de l'Espagne prend un tour inquiétant. Et la volonté
«d'autonomie régionale» s'étend partout en Europe.
Ces dernières semaines, le président catalan, Carles Puigdemont, qui dirige jusqu'à présent la plus riche région d'Espagne a manifesté la volonté d'une pure et simple indépendance de la Catalogne. La formalisation de cette sécession devrait intervenir dans les jours qui viennent. Les députés indépendantistes ont prévu de convoquer une séance plénière du Parlement catalan le vendredi 27 octobre qui devrait éventuellement acter cette déclaration d'indépendance. Pour l'instant, le président catalan a deux options : se déclarer en rébellion ouverte et proclamer une nouvelle république qui ne serait pas au sein de l'Union européenne, soit négocier avec le gouvernement espagnol une plus grande autonomie vis-à-vis de l'Espagne. Mais il peut, en cas d'indépendance compter sur l'appui d'une partie importante de la population catalane. Samedi dernier, deux grandes organisations indépendantistes, l'Assemblée nationale catalane (ANC) et Omnium ont réuni 450 000 manifestants à Barcelone pour protester contre l'arrestation de deux leaders indépendantistes, accusés de sédition par Madrid. Le même jour, le 27 octobre, se tiendra à Madrid une réunion exceptionnelle du Sénat espagnol qui devrait valider des mesures exceptionnelles pour interdire cette sécession. Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a décidé de tout faire pour éviter un démembrement de son pays. Il va demander au Sénat l'autorisation d'appliquer l'article 155 de la constitution du pays qui donnerait pendant six mois la capacité à l'Etat espagnol d'exercer un plein pouvoir sur l'ensemble de l'autonome Catalogne. Les différents ministères espagnols exerceront un contrôle direct sur la «Généralité», l'actuel gouvernement de la région catalane. Le ministère de l'intérieur prendrait le contrôle direct de la police régionale, dont le chef actuel a déjà été mis sous examen pour sédition. En cas de besoin, les effectifs de la police locale pourraient être remplacés par des troupes espagnoles. Le ministère des finances espagnol veillera tout particulièrement à ce qu'aucun subside national ne bénéficie «à des organismes ayant des relations avec le processus sécessionnistes». Enfin, Madrid veut reprendre un contrôle direct sur les médias publics catalans, radios et télévisions, qui jusqu'à présent ont le plus souvent milité ouvertement pour la sortie de l'Espagne. Au cours de ces six mois, devraient également se tenir de nouvelles élections régionales. Mariano Rajoy dispose évidemment du soutien de son parti, le Parti Populaire, formation conservatrice qui ne dispose pas d'une majorité parlementaire mais qui actuellement à la tête de l'exécutif espagnol. Mais le chef du gouvernement a reçu également sur le dossier catalan, le soutien de son principal opposant, le PSOE, le Parti socialiste espagnol et celui d'une 3ème formation, le parti Ciudadanos. Plus largement, l'opinion publique espagnole est très largement opposée à une indépendance de la Catalogne, d'autant que celle-ci pourrait ouvrir à d'autres possibles sécessions, dans le pays basque, en Asturie ou en Galicie? Bref, c'est l'existence même de la nation espagnole qui est en danger de disparition ou d'explosion. Mariano Rajoy bénéficie par ailleurs d'un soutien de plus en plus affirmé des autorités européennes. La déclaration d'indépendance de la Catalogne impliquerait automatiquement la sortie de cette nouvelle nation de l'Union européenne, et dans cette hypothèse une demande d'adhésion de la Catalogne à l'UE parait pratiquement impossible, celle-ci réclamant une unanimité des états-membres (dont l'Espagne). Les opposants à l'indépendance catalane qui existent aussi au sein même de cette région, mettent en exergue les risques économiques et sociaux d'une telle sécession : plus de 1000 entreprises établies en Catalogne, dont les principales banques, ont déjà déménagé leurs sièges sociaux, et selon le gouvernement espagnol, l'on peut s'attendre à une baisse des investissements et du tourisme. Pour Mariano Rajoy, l'indépendance accompagnée d'une forte contraction du crédit et d'une vive inflation provoquerait «un appauvrissement de 25% à 30% du PIB» catalan. Bref, un coup de frein sérieux à la plus riche région espagnole. Italie : La Vénétie et la Lombardie réclament aussi plus d'autonomie Surprise ! Ce sont de très riches régions italiennes, la Vénétie (autour de Venise) et la Lombardie (autour de Milan), les deux régions contribuant à 30% du PIB national, qui ont dimanche dernier organisé deux scrutins consultatifs pour réclamer à Rome et donc au gouvernement italien davantage d'autonomie, notamment en matière de finances locales, d'éducation, de santé... La très conservatrice Ligue du Nord est à l'origine de ces deux référendums sur la question suivante : «Souhaitez-vous que votre région dispose de plus d'autonomie ?». Si 38% des électeurs lombards ont participé au scrutin, 95% y ont répondu positivement. En Vénétie, le score est encore plus inquiétant pour le gouvernement puisque 57% des électeurs ont été votés et 98% ont répondu «oui». «Dans le nord du pays, le vent autonomiste et la demande de fédéralisme souffle si fort que ni la droite, ni la gauche, ni l'extrême-droite nationaliste ne se sont franchement opposées aux référendums de dimanche. L'église catholique et les entrepreneurs locaux ont clairement soutenu le «oui», note Libération. «Vivre ensemble» ? Dans le cas de l'Espagne, de façon radicale, l'indépendance de la Catalogne et de l'Italie en forme d'aspiration à davantage d'autonomie de la Vénétie et de la Lombardie, concernent avant tout des régions les plus riches de ces deux pays. D'une certaine façon, la solidarité entre les différentes régions plus ou moins pauvres justifiait la notion de solidarité des «Etats-Nations». Le développement et l'extension à 27 états-membres de l'Union européenne met-elle en cause les solidarités nationales ? «Les frontières ont pris l'habitude de définir qui nous sommes, qui nous devons être et comment nos rapports avec nos voisins se doivent d'être. Depuis les débuts de la construction européenne, par la mise en commun de moyens économiques et politiques, on en est venu à abattre les frontières physiques. On espérait alors qu'une fois ces barrières tombées, un sentiment de «vivre-ensemble» émergerait et permettrait d'atténuer les perceptions nationales des identités, celles-ci s'enrichissant les unes les autres. Pourtant peut-on dire que l'intégration européenne est un moteur d'intégration des minorités ?» s'interroge Virginie Lamotte du site Nouvelle Europe. Si la Grande ?Bretagne a choisi la sortie de l'Union européenne, la relativement riche Ecosse a choisi l'an dernier à une très faible majorité de ne pas opter pour l'option de l'indépendance (et donc aussi pour un maintien dans l'UE). En France, les tendances indépendantistes régionales sont faibles sauf en Corse, mais la Corse est une région très pauvre qui ne pourrait que difficilement survivre à une indépendance. Europe de l'Est : de multiples «minorités nationales» Après les deux guerres mondiales et le contrôle de l'ex-URSS sur cette partie de l'Europe, les frontières des différents états sont en partie très artificiels, construites sur des rapports de forces de puissances extérieures. Du coup, chaque pays abrite de fortes minorités nationales. Trois nationalités sont ainsi présentes, avec les Polonais, dans la composition de la population de l'Etat polonais: les Ukrainiens, les Lituaniens et les Biélorusses. Six minorités principales sont aujourd'hui répertoriées en Pologne, dont des Allemands, dans l'ancienne Prusse, des Lithuaniens, des Tchèques et des Slovaques. En Tchéquie, sont présents des groupes minoritaires de Slovaques, de Polonais, d'Allemands et de Roms. En Slovaquie ? 10% de la population est d'origine hongroise. En Hongrie, la population est relativement homogène même si le pays contient 5% de Roms (tziganes). Mais les gouvernements hongrois successifs mènent une politique de soutien énergique aux très nombreuses communautés hongroises qui vivent dans les pays limitrophes de la Hongrie (3,8 millions), dont la plupart se sont retrouvées hors des frontières nationales, définies à l'issue de la guerre de 1914-18. On a de même recensé 23 groupes minoritaires en Roumanie, représentant 10 % de la population, dont le plus nombreux est celui des Hongrois, estimé à 1,5 ? 2 millions de personnes. La Bulgarie comprend une importante minorité turque ? 800 000 personnes environ, de religion musulmane ?. Par ailleurs, la minorité des Pomaks, au nombre de 150-200 000, sont des Bulgares de langue bulgare mais également de religion musulmane. La Bulgarie abrite également des groupes minoritaires moins nombreux : Arméniens, Gagaouzes, Aroumains. La République Socialiste Fédérative de Yougoslavie (RSFY) ? héritière du Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, devenu en 1929 le Royaume de Yougoslavie ? était une fédération pluriethnique où les nationalismes ont été plus ou moins maîtrisés jusqu'à la mort de Tito en 1980. La guerre civile qui a suivi a abouti à six nations indépendantes et 18 «minorités ethniques» avec des droits linguistiques et culturels reconnus, dont les plus nombreuses sont les Albanais (7,7 % de la population de la RSFY; 1,7 million de personnes) et les Hongrois (427 000). Parmi les 18 minorités ethniques 10 sont reconnues comme des «nationalités de Yougoslavie» : Albanais, Hongrois, Bulgares, Tchèques, Roms, Italiens, Roumains, Ruthènes, Slovaques et Turcs. L'intégration progressive de l'ensemble de ces pays de l'Europe de l'Est à l'UE fera nécessairement faire surgir des demandes d'autonomie régionale de la part de minorités concentrées géographiquement. |
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