|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Tant
que la diversification effective de l'économie algérienne tarde, les
dispositifs tentés comme les cellules de veille économique, le partenariat
public-privé n'a rien donné et l'exemple du groupe Amor
Benamor/Eriad reste
édifiant, tant qu'aussi Sonatrach continue de prendre
en charge les besoins sociaux du pays et son développement économique, la
présence des deux agences prévues par le la loi 05-07 de 2005 n'est plus
opportune.
Le mastodonte national agit pour le compte de l'Etat et il le fait depuis sa création en assumant pleinement les contradictions entre ses objectifs économiques et ceux politiques. La controverse du débat sur ce sujet de 2001 à 2006 a montré qu'au stade actuel de la transition économique le tripotage du principal pourvoyeur de capitaux complexifie encore plus la mise en route du décollage économique. La démarche serait donc de prendre le minimum de risque et de revenir au régime de partage de production, un peu plus amélioré pour au moins deux raisons : 1- la loi 86-14 est à l'origine de toutes les découvertes en partenariat Depuis 1986, l'année de mise en œuvre du régime de partages de production, il y a au 30 septembre un total de 425 découvertes, dont 291 qui reviennent à Sonatrach seule et 134 en association soit un partenariat qui contribue à prés de 30%. C'est appréciable mais il fallait continuer avec une loi qui gagne des partenaires en réduisant ses inconvénients par une amélioration au lieu de chambouler des règles avant d'y être prêt. Quels sont justement les dysfonctionnements relevés dans l'application de ce type de contrat en Algérie ? Pour faire court et très schématiquement, un contractant qui vient dans ce cadre, s'acquitte de ses droits d'entrées et prend en charges tous les frais d'exploration et de délinéation jusqu'à l'annonce de la découverte commerciale. A ce moment Sonatrach rentre en jeu pour prendre en charge sa part dans les capex de surface. Le partage de la production se fait à la tête du puits. Mais avant cela, le contractant récupère l'ensemble des frais qu'il a engagé. C'est là où commencent certaines difficultés. Profitant d'un manque d'éthique, parfois même de complicité de l'encadrement du cocontractant, ajouté à une très mauvaise maitrise des coûts, ce partenaire gonfle ces frais engagés dés le départ et laisse très peu à son partenaire. De nombreux pays producteurs qui pratiquent ce régime contractuel, ont souffert de cette situation mais ils ont fait des efforts pour « l'améliorer » au lieu de la rejeter comme a fait l'Algérie. Résultat : le régime de concession n'a rien ramené. 2- Les contradictions de la loi 05-07 de 2005 Il est clair que les responsables d'Alnaft n'ont pas raté l'occasion à travers cet état de fait pour expliquer le marasme de l'activité en amont par l'attente comme toujours les nouvelles dispositions. En terme simple, la loi a toujours servi d'alibi à l'incompétence et le manque de créativité. Il faut souligner que ce texte a entretenu sciemment ou inconsciemment une légère confusion sur la question du régime juridique des activités de recherche et d'exploitation. En effet, la loi sur les hydrocarbures de 2005 et son ordonnance modificatrice abrogent toutes les dispositions, notamment la loi 86-14 du 19 août 1986 instaurant le partage de production. Par contre, l'ordonnance n° 06-10 du 29 juillet 2006, dans son article 02, confirme la concession mais modifie légèrement le terme concessionnaire en désignant Sonatrach SPA, et c'est là où commence cette ambiguïté. Actuellement, dans le monde, il n'existe pas de régime de concession hybride spécifique à chaque pays. Le contour typique général est bien défini. L'Etat octroie au titulaire un titre minier exclusif d'exploration. En cas de découverte commerciale, il obtient un ou des titres exclusifs de développement et d'exploitation. Le titulaire de la concession est propriétaire de la totalité des hydrocarbures produits à la tête des puits. Il est aussi propriétaire des installations de production jusqu'à l'expiration de ses droits miniers. A l'expiration de la concession, les installations fixes reviennent à l'Etat sans indemnité pour le titulaire. Il est possible pour l'Etat de participer dans le cadre d'un accord d'association sans aucune contrainte de l'une ou l'autre des parties. En contrepartie, le concessionnaire finance entièrement toute la phase d'exploration en plus d'une partie des investissements de développement dans le cas où cet accord d'association se concrétise. Il paye, durant ces opérations, un bonus, une redevance superficiaire, une redevance de production en nature ou en espèce, un impôt sur le bénéfice et d'autres taxes supplémentaires spécifiques à chacun des pays où ce régime est pratiqué. Il reste bien entendu que l'Etat dispose d'un droit de regard sur le profil de production et parfois même la commercialisation de la production. Donc assimiler l'obligation du contractant de prendre Sonatrach SPA comme associé avec un minimum de 51% à un retour vers le partage de production, dont nous venons d'exposer le principe plus haut, peut constituer une déviation du régime, voire même commettre une confusion contractuelle. Tout porte à croire que le président Bouteflika, en signant l'ordonnance en 2006, a voulu ménager son ministre et en même temps stopper la grogne autour de la privatisation de Sonatrach. C'est la raison pour laquelle on peut aisément constater, à la lecture de cette ordonnance, l'empreinte de Chakib Khelil et celle de Louisa Hanoune. En effet, l'article 2, non amandé de la loi 05-07 du 28 avril 2005, précise «le principe de mobilité et d'adaptation qui caractérise l'action de l'Etat, et dès lors, à restituer à ce dernier celle de ses prérogatives autrefois exercées par Sonatrach SPA». C'est ce même principe qui a constitué l'ossature de l'exposé des motifs de l'ancien ministre de l'Energie et des Mines. Il reste incontestablement contradictoire avec les dispositions contenues dans l'article 32 de l'ordonnance n°06-10 du 29 juillet 2006 qui restitue à Sonatrach le droit exclusif d'agir pour le compte de l'Etat dans sa participation avec le concessionnaire devenu maintenant contractant. Cela ressemble à un partage de production mais ce n'en est pas un. Ce rafistolage dans une loi cadre a quelque peu brouillé la vision stratégique de l'Algérie en matière de politique pétrolière. Il a peut-être fait douter les entreprises internationales, pourquoi ? Parmi les fondamentaux de l'industrie pétrolière et gazière, il y a l'importance des capitaux et le risque de les investir. Le risque géologique étant favorable à l'Algérie et les entreprises pétrolières notamment françaises et, partant américaines, connaissent bien, même mieux que les Algériens, le terrain. Cela explique le taux appréciable de réussite en exploration, environ 2,5/5 contre un ratio moyen mondial de 1/5. Par contre, ces compagnies sont à cheval sur le risque «pays», lié aux relations internationales, souveraineté, stabilité politique et surtout fiscale. Il est clair que l'article 101 bis, inséré au sein de la loi n°05-07 du 28 avril 2005, instaurant une taxe non déductible sur les profits exceptionnels, n'a pas été du goût des associés mais n'explique qu'en partie leur boycott actuel de l'application des nouvelles dispositions. Il va de la crédibilité de l'Algérie d'assurer une cohérence de ces textes pour la clarté qui instaure une relation de confiance avec ses partenaires. Ils peuvent avoir un choix et dans des conditions meilleures. C'est certainement ce déficit de cohérence qui a été à l'origine de la défection de nombreux investisseurs pour au moins deux raisons : 1- Où trouver cet «agneau» d'investisseur qui viendrait en Algérie risquer ses capitaux, et quand il découvre du pétrole et valide commercialement sa découverte, céderait la majeur partie de sa concession à Sonatrach SPA aux conditions validées par une agence de l'Etat Alnaft (article 48 de l'ordonnance 06-10 du 29 juillet 2006). Même si ces conditions sont fixées d'avance, elles restent étrangères à la pratique mondiale en la matière . 2- Au début de l'application de ces nouvelles dispositions, un appel d'offres, dit de manifestation d'intérêt, a été lancé pour apprécier, selon les propres termes de son initiateur, la capacité des futurs partenaires de transférer de la technologie. Lorsqu'on sait qu'à la moindre ouverture, les cadres de Sonatrach passent de l'autre côté de la barrière pour rejoindre les compagnies étrangères, on peut se demander qui capitalise, qui consolide et qui fertilise le savoir transféré. De nombreux partenaires dans ces conditions n'arrivent pas à circonscrire avec précision la forme de ce transfert. Ensuite, les instruments de formation et de recherche, qui auraient pu assurer cette tâche, ont été totalement marginalisés comme le Centre de recherche et de développement de Sonatrach (CRD) ou l'Institut algérien du pétrole (IAP), pionnier dans la formation et la recherche dans la chaîne pétrolière et gazière. Les experts, qui sont intervenus pour dénoncer la loi sur les hydrocarbures au moment même où son initiateur était sur place, avaient recommandé son retrait pur et simple, pourquoi ? Parce que le régime de partage de production est de plus en plus pratiqué en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique et il a donné ses fruits pour peu qu'on l'améliore. *Consultant et Economiste Pétrolier |
|