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Pourquoi je risque de voter le 4 mai

par Abed Charef

Participer ? Boycotter ? L'essentiel est ailleurs : quel contenu donner à son choix en faveur d'une option ou de l'autre ?

Salima Ghezali tente de donner du sens à une élection législative qui en a si peu. Dans une interview au site TSA, cette militante au long cours évoque le scepticisme qui entoure le scrutin, la difficulté de dire des choses cohérentes dans une société déstructurées, et où domine une pratique politique destructrice. Elle le dit sans illusions, mais sans perdre espoir non plus.

Engagée dans la liste FFS, elle relève qu'elle mène campagne « dans une société en crise ». Le pays « subit de plein fouet les crises qui frappent les militantismes aujourd'hui». Elle enfonce le clou quand elle parle du climat ambiant : « Il y a une chute au plan de la qualité culturelle. Le militant est un citoyen qui est déjà fatigué lorsqu'il sort de chez lui le matin. Il faut encore gagner la bataille de l'organisation et de la cohérence dans la pratique quotidienne». Elle fait un autre constat très dur : « Des questions importantes sont traitées de manière légère. Les instruments de la gouvernance sont inopérants et le système de pouvoir n'est plus opérationnel ». Elle note aussi « une absence de vision et, probablement, une perte de contrôle des instruments de la gouvernance et de la décision ».

Face à ce sombre tableau, elle refuse pourtant d'abdiquer. Pourquoi est-celle candidate, elle qui tape depuis tant d'années sur le système ? « Une idée me semble majeure : les luttes citoyennes doivent se mener dans un cadre institutionnel », dit-elle.

Réhabiliter le politique

Une démarche guide son action: le consensus national, nécessaire, indispensable. Pour elle, il y a un « lien entre la résolution de la crise politique » et le retour à « un cadre où la pratique sociale, économique et culturelle retrouverait la cohérence et le sens de l'intérêt général et du droit ».

Et elle finit par une note, pas forcément optimiste, plutôt « lucide » : « Il y a une société vivante derrière la chape de plomb et la caricature qui sont imposées par l'élite dominante ». Elle ajoute : « il y a des militaires qui ne sont pas nécessairement gros et brutaux, des politiques pas nécessairement imbéciles et corrompus, des écrivains pas nécessairement néo-colonialistes et des musulmans pas nécessairement fanatiques ». Pour elle, « cette terre est généreuse ». Elle plaide donc pour « un effort collectif », en rappelant que « les militants sont mus par l'espoir. Et l'espoir est une lutte ».

De la considération

De Theniet El-Had, au cœur de l'Ouarsenis, Abdelkader Ghessab tente lui aussi de donner de la consistance au scrutin. Franc-tireur, il n'a pas la même ambition nationale que le FFS, mais il révèle ce que, à d'autres échelles, on attend des législatives : de la considération pour des zones oubliées, du débat là où il n'y en a jamais, un coup de projecteur sur des contrées qui n'apparaissent dans les médias qu'à la faveur de drames ou d'actions terroristes.

Dans ces contrées perdues de l'intérieur du pays, la vie est enserrée entre une bureaucratie omnipotente et des baronnats locaux. En dehors de ces sphères, il n'y a pas d'existence politique. A de rares exceptions, la société civile se limite à des associations qui constituent un simple prolongement de l'administration. Que la ville s'appelle Aflou, Barika, Aïn-Sefra ou Boghni, le mode de gestion de la localité est le même, ce qui réduit fortement les possibilités d'action d'un militant.

Vivre à côté

Dans une autre sphère, Abdelaziz Belaïd continue de poser ses pions. Le président du parti El-Moudtaqbal ne se fait pas d'illusions. Tant que le président Abdelaziz Bouteflika est là, la marge est extrêmement réduite. S'y opposer frontalement, c'est laisser des plumes et vivre tout le temps sur la corde raide. Coller au pouvoir, c'est se compromettre, et hypothéquer l'avenir. D'où cette cohabitation discrète : tout en maintenant des rapports courtois avec le pouvoir, tenter de construire un édifice solide pour l'après Bouteflika.

Dans cette perspective, participer aux élections est une opportunité à ne pas rater. Cela permet de donner de la visibilité au parti, de construire et d'élaborer son propre discours, de développer des réseaux, et de prospecter pour recruter ou faire émerger de nouveaux cadres qui vont renforcer le parti.

Convergences

Smaïl Goumeziane, lui, n'est pas candidat. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir un point de vue très lucide sur le scrutin et ses enjeux. Il balaie d'un revers de la main « les postures à l'égard des élections législatives ou présidentielles », pour évoquer « les possibilités concrètes, même réduites, qui s'offrent dans le cadre de ces joutes électorales ou au dehors pour faire avancer les revendications légitimes ».

Pour lui, « tous les espaces démocratiques et toutes les formes de luttes pacifiques se valent, pour peu que les conditions et objectifs du combat pacifique soient clairement exprimés et défendus. A défaut de ces espaces institutionnels et légaux, même faiblement représentatifs, il n'y aurait plus alors de place que pour les émeutes, voire des aventures aux conséquences incalculables », ajoute-t-il. Selon lui, « c'est le sens qu'il faut donner à la participation libre à ces élections législatives. C'est aussi le sens qu'il faut donner à ceux qui ont, librement, choisi le boycott ».

Il s'agit là, évidemment, de ceux qui vont aux élections dans une logique politique. Pour les autres, ceux qui aspirent juste à être recrutés au parlement, c'est une autre affaire.