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Livres
La vie (presque) vraie de l'Abbé Lambert. Roman de Abdelkader Djemaï. Editions Barzakh, Alger 2016, 650 dinars, 148 pages Ce n'est pas le premier ni le dernier homme de religion (toutes les religions) qui jette aux orties son engagement premier au service de la foi. Niçois d'origine, frais émulu de l'Institut catholique de Toulouse, docteur en théologie et en philosophie, co-auteur d'un traité pratique, à succès, de radiesthésie, encore bien jeune.... sorte « de précurseur de Belmondo » aimant côtoyer les précipices et frôler les abîmes, et accompagnée d'une belle amie, Clara Pardeni, qui avait abandonné mari et enfant pour le suivre, l'abbé (Gabriel Irénée Séraphin Lambert ) débarque, en soutane ( car, hélas, l'habit fait toujours le moine), une sorte de « terre promise », pour exercer son art (un don ?) de sourcier... c'est-à-dire, « chercheur d'eau », au moyen d'un pendule ou d'un bout de bois (baguette de coudrier). D'abord Alger, l'Algérois et l'Est algérien (c'est à Souk-Ahras qu'il « débaucha » Clara qui s'ennuyait ferme en compagnie de son instituteur de mari.) Oran est sa dernière étape (il avait déjà connu le Maroc, Marrakech qui l'avait beaucoup marqué), et de découverte en découverte (Oran était déjà connue par la rareté de son eau potable et le sel étant fortement présent), beau parleur, portant beau, populaire auprès des masses et de certains milieux affairistes... il deviendra, le 18 mai 1934 ?toujours en soutane? le 33ème maire de la ville la plus antisémite d'Algérie... Bien après son départ (vichysiste, il avait été écarté après le débarquement des Américains ... et il ne quittera l'Algérie ?et Clara- qu'à l'Indépendance... mourant, religieusemnt, à Antibes, dix-sept années après ), il n'y avait toujours pas d'eau potable à Oran. C'est seulement, en juillet 1952, que l'eau miraculeuse provenant du barrage de Béni Bahdel (à 180 km d'Oran) fit son apparition, alors que l'étude avait débuté en 1920. On fêta cette nouvelle née avec une gigantesque anisette-party qui dura deux jours. Une révélation : Robert Houdin, prestidigitateur (ou magicien) mondialement connu, était venu en Algérie en 1856, sollicité alors par l'armée d'occuoation pour « lutter contre les marabouts et les confréries qui incitaient la population indigène à la révolte ». Une mission militaire qui dura trois mois, de septembre à novembre 1850... Un voyage aux allures de « croisade »... L'Auteur : Né en 1948 à Oran, il vit en France depuis 1993. Grande plume journalistique au sein de la rédaction de La République (quotidien francophone à Oran, alors dirigé par feu Bachir Rezzoug), il est devenu un des plus grands écrivains algériens de langue française. Auteur d'une œuvre prolifique dont « La dernière nuit de l'Emir », en 2011 (Barzakh Editions et Le Seuil ) déjà présentée dans Médiatic Extrait : « La kalantita... créé par les Espagnols, fait avec de la farine de pois chiches, du pain rassis, de l'eau, et cuit au feu de bois, c'était le plat du pauvre, un appoint au goût délicieux qui ne coûtait presque rien » (p 78), « Les tentations étaient nombreuses à Oran, qui avait la réputation d'être folklorique, sensuelle et exubérante » (p 85) Avis : Pour ceux qui veulent approfondir leur connaissance de la vie de leur ville, Oran (car il y a une description détaillée de la ville et de la vie quotidienne, côté Européens et côté Indigènes)... et ceux qui s'intérressent aux comportements des hommes de religion « défroqués » et/ou hypocrites. Citation : « «Les mauvaise langues disaient que les deux fauves (les deux lions posés face à la mairie) refusaient de rentrer dans la mairie (d'Oran) parce qu'il y avait trop de bourricots dans les bureaux » (p 67), L'Algérie retrouvée. 1929-2014. Ouvrage de Jacques Fournier. Editions Media-Plus, Constantine, 2015, 800 dinars, 170 pages Plutôt, l'Algérie re-découverte... Il y a vécu son enfance et sa jeunesse, mais il ne la connaissait pas, ni ses paysages, ni ses habitants. Ayant épousé une femme d'origine Algérienne et après une carrière très bien remplie de grand commis de l'Etat français (ayant donc participé peu ou prou à certaines grandes décisions politiques et économiques concernant notre pays), il est saisi par une certaine nostalgie et peut-être un certain regret de n'avoir pas assez et bien connu son pays natal. Il raconte donc sa vie, mais aussi sa carrière, ses relations avec l'Algérie, ses contacts, ses (fréquents) séjours... un ouvrage assez autobiographique et linéaire parsemé de réflexions... tout particulièrement en guise de conclusion. De la chronique à l'essai : Où en est l'Algérie ? D'où vient-elle ? Où va-t-elle ? Va-t-elle enfin trouver son identité ? Des questionnements, des observations et des propositions qui intéressent bien plus les lecteurs outre-Méditerrannée que ceux algériens d'ici. Il est vrai qu'en re-trouvant l'Algérie, il a re-découvert que ni Arabe, ni vraiment pied noir, il était, aussi, algérien. Une maladie dont on ne guérit pas ! L'Auteur : « Né » en Algérie (en fait à Epinal où il séjournera avec sa mère durant quatre mois avant de revenir à Sédrata) dans une « vieille » famille pied-noir (d'origine allemande du côté maternel), fils de médecin, ayant grandi en Algérie jusqu'à ses dix-huit ans, puis à partir de 1947, en France. Il a été Sg ?adjoint de la Présidence de la République (1981-1982) puis Sg du gouvernement (1982-1986), puis Président de Gdf et de la Sncf (1986-1994). Epoux d'une des filles ?rencontrée à Sciences Po' - de Mohand Tazrout (un écrivain algérien encore bien méconnu chez nous). Auteur d'un essai sur « l'Economie des besoins » paru en 2013. Extraits : « J'ai vécu en Algérie les 18 premières années de mon existence. J'ai aimé ce pays. Je l'aime encore. Je l'ai connu à l'apogée de la colonisation française. Mais, je me suis progressivement rendu compte que, contrairement à la doctrine officielle, l'Algérie n'était pas la France et que là n'était pas mon avenir. Je l'ai quittée volontairement en 1947, sans attendre la guerre et l'indépendance » (p 17), « Etranger je me sentais donc en 1956 dans cette Algérie encore française, alors que, aujourd'hui, l'Algérie devenue algérienne ne m'est plus étrangère » (p 71) Avis : Un ouvrage assez sympathique et qui nous « veut du bien ». Sans plus. Heureusement, il nous fait découvrir un illustre inconnu « de chez nous », Mohand Tazrout, dont il était le gendre. Citation : « L'Arabe, pour beaucoup de Français d'Algérie, c'était le « bicot », le « raton », on ne disait pas encore le « bougnoule ». Sa femme était une « mouquère ». Son travail n'était que du « travail arabe », c'est-à-dire de mauvaise qualité. On l'appelait aussi, parfois, Dieu sait pourquoi, le « tronc » (p 42), Chroniques algériennes (2006-2016). Ouvrage de Bernard Deschamps. El Ibriz Editions, Alger 2016, 1 020 dinars, 423 pages Un véritable livre d'Histoire contemporaine de l'Algérie à travers des chroniques s'étalant sur toute une décennie, mais rappelant le passé du pays et ainsi que les hauts, les bas et les relations algéro-françaises. Mais, une histoire à travers le regard d'un homme tout d'humanité, « Algérien » depuis sa jeunesse car s'étant, très tôt, engagé, dès l'adolescence, dans le combat pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, refusant même de se plier aux appels de l'Armée afin qu'il aille combattre en Algérie durant la guerre. Cela, on le sent très bien, va au-delà de son militantisme communiste. Il a, donc, effectué plusieurs voyages en Algérie dans le cadre de l'association France ?El Djazair ou à titre personnel et il a animé plusieurs rencontres de fraternité au niveau de sa ville et de sa région. Et, c'est tout cela qu'il raconte à travers ses chroniques, sorte de journal de bord écrit durant toute une décennie. Ouvrage engagé ? Ouvrage militant ? Un peu de tout, de tout un peu. Avec, au départ dix « clefs pour comprendre l'Algérie », ce qui déjà nous annonce sa démarche... C'est-à-dire tenir compte de ce qui fait la personnalité de l'Algérie et de l'Algérien telle qu'il l'a perçue et comprise. Il y croit, il la défend, et c'est tout à son honneur. L'Algérie combattante d'hier, et celle d'aujourd'hui, toujours au cœur ! Près de 80 textes dont près d'une dizaine de récits de voyage (recueillements à la mémoire des martyrs, paysages et rencontres avec des « camarades » vieux ou jeunes, anciens ou nouveaux et avec de simples citoyens des villes et de l'intérieur du pays, tous inoubliables !), « chaque voyage étant différent, chacun apportant son lot de découvertes, d'impressions neuves et d'émotion ». L'Auteur : Né en 1932, objecteur de conscience en 1953, 54 et 55 alors que le statut n'existait pas encore. Plusieurs fois poursuivi par les tribunaux. Député communiste à l'Assemblée nationale française, conseiller général du Gard et membre du comité central du Pcf. Distinction du souvenir décernée en 2012, par le président de la République, A. Bouteflika, « en reconnaisance pour son travail et son engagement pour l'Algérie ». Il a créé une association d'amitié, « France-El Djazair » qui développe une activité multiforme afin de faire mieux connaître l'Algérie dans sa riche diversité. Extraits : «Quand donc les gouvernants de notre pays prendront-ils conscience que l'avenir des relations amicales et durables entre nos deux peuples passe par la reconnaissance par la France des crimes commis en son nom ?» (p 155), «La colonisation, avec son cortège de spoliations, de déculturation, d'oppression et de sang répandu, est en elle-même un crime» (p 230), «L'indépendance de l'Algérie a mis fin à 132 années d'occupation coloniale et à 7 ans, 4 mois et 18 jours d'une guerre atroce dans laquelle la France perdit son âme» (p 239) Avis : Un regard plus que fraternel et compréhensif sur l'Algérie et ses habitants. Citations : «Le patriotisme n'est pas le chauvinisme. Il n'est pas la négation de l'internationalisme» (p 35), « Perpétuer le souvenir présente, c'est vrai, un risque de repli sur le passé. Le risque de se couper de la réalité. Mais oublier le passé présente aussi le risque d'en reproduire éternelleemnt les erreurs faute d'en avoir tiré les leçons » (p 72). |
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