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Au
mot d'esprit sournois du juvénile Macron répond le
pragmatisme du plus vieil homme politique en exercice, Abdelaziz Bouteflika.
Officiellement, le président Abdelaziz Bouteflika a prononcé un discours traditionnel à l'occasion de la Journée nationale du chahid, le 18 février, dans lequel il accuse différents rapports émanant d'organismes et d'institutions de pays européens et américains sur l'Algérie qu'il accuse de «machinations et autres complots ourdis outre-mer et relayés par divers supports médiatiques». Tout son discours est structuré autour de ces accusations. Il enchaîne immédiatement en mettant en garde la population algérienne sur les conséquences de ces accusations, en exhortant la population et notamment la jeunesse «à se préparer à la bataille à venir en ignorant les détracteurs, les adeptes du chaos et autres esprits sceptiques et malveillants? Notre jeunesse a prouvé qu'elle était lucide quant aux menaces de l'heure? Elle ne peut être leurrée, car immunisée culturellement, idéologiquement et politiquement, consciente de ses responsabilités vis-à-vis de sa patrie et de son peuple et prête plus que jamais à défendre le pays?» Aucune allusion à la déclaration fracassante du candidat à la présidentielle française Emmanuel Macron ? «La colonisation est un crime contre l'humanité» ? qu'il n'a même pas reçu du reste pendant sa visite à Alger, alors que la déclaration en soi constitue pourtant un évènement majeur et que la presse mondiale s'en est saisie pour sitôt provoquer un débat qui concerne l'histoire de l'humanité entière depuis cinq cents ans. C'est toute l'histoire de la colonisation qui est convoquée. Si d'apparence le pouvoir algérien faisait mine d'être séduit par cette annonce en observant avec dignité le protocole de son accompagnement, il n'en a pourtant montré aucun emballement particulier, malgré le caractère de son très grand anachronisme avec le discours officiel français depuis la décolonisation. Pire, Ahmed Ouyahia, chef du parti au pouvoir avec le FLN, le RND, et conseiller spécial à la Présidence, lancera même une pique d'ironie à la classe politique française par la suite de la polémique que cette phrase a suscité comme débat en France : «Puisqu'ils parlent de crime contre l'humanité et ils se disputent entre eux. Je leur rappelle qu'ils sont venus pour nous effacer. Ce n'est pas nous qui le disons, mais leurs officiers et l'ont écrit au XIXe siècle.» L'absence de commentaire du Président et l'affirmation de son principal conseiller du scepticisme réservé à l'annonce par le pouvoir algérien, en considérant que la question de la criminalisation ou non de la colonisation est une affaire franco-française, s'apparente à s'y méprendre à la réponse du berger à la bergère. Car la réponse surgit dans le discours du Président pour qui ce qui est le plus important pour l'heure, ce sont les mises en garde adressées à la jeunesse algérienne qui constitue l'essentiel de la population dynamique. Cette annonce qui donne l'impression d'avoir mis dans l'embarras le pouvoir algérien, malgré son apparente disposition à la séduction, n'est pas en soi l'objet de son scepticisme, mais plutôt au mot d'esprit qui l'a ponctué, à savoir : «La France avait apporté aux colonies les droits de l'Homme et elle a oublié de les lire.» Ici, l'éclairage de Jacques Lacan sur «le mot d'esprit dans ses rapports à l'inconscient» prend tout son sens devant l'accueil sceptique que le pouvoir algérien a réservé à l'aveu anachronique de Macron et l'intérêt accru porté plutôt au mot d'esprit qui lui a servi d'écho. Car au fond, les Algériens ne semblent pas trop emballés non plus par la question de la repentance, qu'ils considèrent plutôt une affaire franco-française, parce qu'ils ont tout simplement arraché cette repentance par le sacrifice du dixième de leur population dans une guerre de libération nationale inégale et qui s'est soldée par la victoire et a abouti à l'indépendance, après avoir mis fin à 132 ans de barbarie coloniale. Naturellement, ils sont plus réceptifs au discours de Bouteflika qui pointe du doigt le danger de la recolonisation qui est dans l'air depuis que la question palestinienne a été abandonnée par «la communauté internationale» et que le projet du Grand Moyen-Orient tape à nos portes. S'il n'a pas déjà mis les pieds dans le territoire, au vu des découvertes de caches d'armes de plus en plus importantes avec leur lot d'armes de guerre de plus en plus sophistiquées et de neutralisation de terroristes par l'ANP. La manipulation des dernières émeutes de Béjaïa et de Ghardaïa n'en est pas moins d'autres symptômes à vouloir semer le chaos parmi la population. Au mot d'esprit sournois du juvénile Macron répond le pragmatisme du plus vieil homme politique en exercice. C'est une tradition héritée de l'esprit de l'engagement dans la guerre de libération nationale que d'affronter sans concession toute situation relative à l'atteinte à la souveraineté nationale. C'est dans ce sens que ce mot d'esprit commis par Macron sur le sol algérien semble être perçu par Bouteflika et ses conseillers. Car il aurait fallu à la diplomatie française, pour être crédible, devant son désir de solder son passé colonial qui terni son image, de commencer par cesser toute action néocoloniale dans ses anciennes colonies, ainsi que de mettre fin à la reproduction du système colonial sur son propre sol, en traitant les victimes et les descendants de victimes de la colonisation devenus français de seconde zone «d'indigènes de la république». Au lieu de cela, c'est une rhétorique sournoise que Macron semble venu vendre aux Algériens qui ne cadre pas avec le discours prononcé par Bouteflika et auxquels son message de mise en garde est adressé. Par le passé, lorsque les pays européens et les Américains commencent à s'ingérer dans les affaires intérieures de leurs cibles potentielles pour les soumettre, ils s'adressent à eux directement en leur reprochant le non-respect des droits de l'Homme contre leurs propres populations. Ce qui semblait impossible pour Macron sur le sol algérien, connaissant la susceptibilité et la jalousie du pouvoir algérien pour sa souveraineté, qui semble même être quantifié en «plus-value et moins-value». Le recours à ce mot d'esprit était inévitable. Un mot d'esprit qui semble tout de même un peu incongru dans ces circonstances, c'est comme jeter de l'huile sur le feu, en évoquant l'oubli de la lecture des droits de l'Homme par la France coloniale à ses sujets tout en visant sournoisement le non-respect des droits de l'Homme par le pouvoir algérien contre sa propre population. On ne peut pas ne pas y penser. Comme pour dire si la France devait observer le respect des droits de l'Homme dans ses colonies, il appartient aux pouvoirs postcoloniaux de faire de même, sous peine d'être des parias pire que la colonisation, parce que c'est contre leurs propres peuples issus des mêmes souffrances qu'eux-mêmes. Ce n'est pas un hasard si le lendemain même de sa visite, l'ONU a saisi les autorités algériennes et a demandé des explications sur l'emprisonnement de Kamel-Eddine Fekhar et ses partisans. Un militant berbériste séparatiste qui active en collusion avec le MAK, autre mouvement berbériste séparatiste. Tous deux appellent depuis des années au recours à la force contre le pouvoir algérien pour la partition du territoire national et la séparation ethnique des Algériens. Généralement, leurs soutiens se comptent parmi les mouvements les plus réactionnaires, les mouvements d'extrême droite les plus radicaux, y compris l'Etat colonialiste d'Israël, ainsi que toutes les institutions et les organismes pointés du doigt par Bouteflika dans son discours. Cette incongruité du mot d'esprit de Macron se comprend aisément par l'aspect de précipitation de l'annonce et la personnalité de son auteur. Le pouvoir algérien ne peut pas ne pas connaître le personnage atypique de Macron qui se présente beaucoup plus comme une arnaque qu'une véritable alternative à la crise politique française, caractérisée par l'effondrement de la confiance des électeurs dans la gauche et la droite et le regain d'intérêt pour l'extrême droite qui menace de s'emparer du pouvoir. En effet, Macron n'est pas un militant politique qui émane de la France populaire profonde, avec des convictions et des principes politiques. D'ailleurs, à ce jour, il n'a toujours pas dévoilé un véritable programme politique. Au regard de son parcours et de ses soutiens, le personnage s'apparente plus à une marionnette instrumentalisée par des intérêts non avoués. Celui-ci fut coopté par le faiseur de rois en France, en l'occurrence Jacques Attali, qui l'avait installé dans la commission qui porte son nom et dont le but était de conseiller le président Nicolas Sarkozy, pour le faire rentrer une année plus tard à la banque Rothschild en 2008. Attali, qui était déjà conseillé officiel du président Mitterrand, pour qui il avait déjà coopté le président François Hollande et Ségolène Royale, nous renseigne sur l'atterrissage de Macron dans le gouvernement de ce dernier. A peine installé dans sa fonction de ministre de l'Economie et des Finances, il laisse planer d'emblée l'ombre du retour des positions affichées par Sarkozy en 2007 et 2012, principalement «travailler plus pour gagner plus», en voulant mettre en péril l'acquis des 35 heures. L'objectif de leurs commanditaires présumés a toujours été de s'attaquer aux droits des salariés au profit des patrons. Ces commanditaires ne sont autres que les gros milliardaires qui monopolisent la sphère de la finance et qui ont déjà pris le pouvoir des médias. Ils ont besoin à chaque fois de leur candidat pour achever leur prise du pouvoir total. A ceci près que l'on devine aisément qui a chargé le canon de la boulette que Macron avait pointé sur Alger. Comme l'on peut deviner la collusion de ces commanditaires avec le gouvernement financier du monde, dont l'activité politique principale consiste à faire et à défaire des nations vulnérables pour ouvrir des espaces encore plus grands pour l'alimentation de leurs capitaux. Rien ne présage de leur réussite à semer le chaos en Algérie pour faire main basse sur ses richesses et soumettre sa diplomatie, car celle-ci est enracinée dans un serment qui constitue les fondations mêmes de la nation algérienne et qui est écrit avec le sang des martyrs qui ont été au fondement de sa résurrection. N'en déplaise aux adeptes du chaos pour espérer installer la démocratie, l'Etat de droit et le respect des droits de l'Homme, qui n'est que chimère utopie comme solution. On ne détruit pas sa maison parce qu'un voleur s'y trouve. |