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«Qu'importe,
nous disent les politiciens, professionnels... Nous avons désappris la
république, mais nous avons appris de gouverner... Le gouvernement fait les
élections, les élections font le gouvernement... Les populations regardent, le
pays est prié de payer.» Charles Péguy.
Nous sommes tous concernés ! C'est par cette profession de foi, qu'une belle jeune fille et un beau jeune homme brandissant fièrement leur carte d'électeur, annoncent sur de grands placards publicitaires, leur participation aux législatives de mai prochain. L'image subliminale, renvoyée par ce poster réaffirme que cette catégorie de citoyens constitue la majorité de la population et par conséquent beaucoup plus concernée que la population vieillissante ; sauf que le document brandi semble être d'un autre âge. Les experts en communication auraient du être, plus imaginatifs dans le registre. Enfin, n'est pas là le propos. Il est, cependant, loin le temps où l'on votait pour un idéal. On voyait à travers l'élu que nous côtoyons, d'ailleurs, notre porte voix auprès des instances administratives qui, en dépit de notre fraiche indépendance, constituait encore une citadelle souvent inexpugnable. L'administration d'alors, encore infiltrée par les relents bureaucratiques coloniaux n'arrivait pas à s'expurger de ses tares de domination. Habitant les mêmes lieux que nous, donc proche, il était aisé de l'aborder pour nous assister dans la résolution de nos soucis, parfois élémentaires, telle que l'inscription d'un enfant à l'école ou la délivrance d'un simple document administratif. L'élu local ou même national, se devait de respecter son électorat car son devenir dépendait de ces nombreuses voix anonymes. Issus du défunt parti unique, certains parmi eux se démenaient tant bien que mal pour jouer un rôle plus ou moins conforme à l'esprit de la fonction. Il leur arrivait, même, d'indisposer l'autorité locale en place. Il est évident qu'à cette époque, maintenant révolue, c'était le Parti-Etat qui dictait ses règles. En dépit de la pensée unique qui prévalait, beaucoup de doléances parvenaient à être introduites auprès des instances politico administratives locales et trouvaient une oreille attentive. Les organisations de masse et à leur tête l'UGTA, roulant sans aucun doute pour le régime en place, rugissaient bruyamment. Il ne fallait surtout pas les avoir comme antagonistes car, il pouvait en couter à ceux ou à celles qui les défiaient sans un solide mentor du sérail. Cet accommodement perdurera jusqu'à la veille d'Octobre 88 où tous les verrous jusque là posés sautent dans une lamentable débandade. La constitution de 1989 ouvrait la voie à un multipartisme mal digéré et par conséquent mal assimilé. On allait en opposition comme on va-t-en guerre. D'ailleurs, l'illusion entretenue ne résistera pas à la tentation de l'effusion de sang. La période de flottement institutionnel, mettra en danger l'existence même de l'Etat-Nation issu de l'insurrection armée ayant mené à l'Indépendance. Des tentatives de substitution de l'emblème national par d'autres pavillons, voulaient arrimer le pays à d'autres obédiences cléricales moyenâgeuses. Et c'est cette transition, justement, qui ouvrira la voie à toutes sortes de prédation du bien public dans ses patrimoines immobiliers et fonciers. La simple décision communale pouvait avoir force de loi et aller à contre sens de l'intérêt général public. Les règles d'urbanisme les plus élémentaires étaient foulées au pied sans état d'âme. Le pays était orphelin de ceux qui pouvaient le prendre sous sa protection. D'anciens chantres de « Kassaman » en oublièrent les paroles pour les substituer, touts honte bue, par « Alayha nahya ou alayha namout ». Afin de donner, un semblant de légitimité au pouvoir en place, on invente un Conseil national de transition(CNT). Et c'est à partir de cette création de laboratoire que naissent les nouveaux squales qui se nourriront du menu fretin. Les instances sécuritaires et judiciaires occupaient à parer aux départs de feu, ne virent pas s'installer, peu à peu, une faune omnivore que rien n'arrêtera plus dans sa voracité prévaricatrice. Tout est bon à prendre : Lots à bâtir, logements sociaux (seule formule de l'époque), passeports « Hadj », postes de travail. Certains d'entre eux, à force de toupet et d'entrisme constituèrent de véritables fortunes pour devenir des hommes d'affaires ou des capitaines d'industrie dont les avis comptent aujourd'hui. Cette période de pain béni, fit que les grands palaces d'Alger, ne désemplissaient pas. Des membres du C.N.T logeaient avec leur famille, ils se restauraient en buffet. Et c'est probablement en ces lieux fastueux que les gueux prirent gout au luxe et à la mondanité. Ils ne se privaient pas, à l'occasion, d'inviter des proches à la bombance payée par le Trésor public. Beaucoup de journalistes, sous le motif sécuritaire, logeaient au complexe hôtelier de Sidi Fredj. Aux dernières nouvelles, cette pratique s'est pérennisée jusqu'à ce jour. Au pays où la faveur devient un droit acquis, autant faire prolonger le plaisir. L'arrivée au pouvoir par des voies non démocratiques, mais du moins consensuelles de Liamine Zeroual, allait apaiser, quelque peu, la turbulence sanglante imposée au pays. Son élection à la fonction suprême en 1995 jetait les bases d'une nouvelle république où le multipartisme devait détenir les clefs du cheminement vers le pouvoir. La nouvelle instance législative, nourrie au sein de la période transitoire fera tout pour garder des acquis réputés chèrement payés. Et c'est ainsi, que l'élu national en oubliait son extraction élective, il prenait gout à la vie de nabab offerte par son nouveau mandat. Il ne recevra plus le membre du gouvernement en visite dans sa circonscription électorale, mais l'accompagnera. Il se fera même son défenseur contre de velléitaires tentatives de déstabilisation. Il ne voudra à aucun moment perdre en la personne de l'illustre personnage, un appui au moment des grands choix. La plèbe attendra des jours meilleurs. Il s'est, d'ailleurs, constitué un nouveau voisinage fait de personnes de rang social plus valorisant. Ses fréquentations ministérielles et dans la sphère d'officiers supérieurs, fera qu'il ne dévoilera jamais le lieu de sa résidence sur les hauteurs huppées. Même le parti qui se targuait, hier, d'être l'émanation du peuple, s'est refugié dans le quartier le plus résidentiel de la capitale et ce n'est pas le simple militant de Ain Kercha ou même de Baraki qui y aura ses entrées. Les opulentes indemnités perçues pour la fonction élective ne sont perçues que par les membres du gouvernement eux-mêmes, quoique que pour ces derniers ce ne sera pas à vie. Après son mandat, l'élu qui ferait partie du bureau exécutif ou présiderait une commission oubliera, en fin de mandat, de restituer la ou les limousines mises à sa disposition. Ces responsables d'un genre nouveau se confondent avec le pays qu'ils en oublient tous les repères limitatifs. La chose publique devient la chose à eux. Voici pourquoi, nous sommes tous concernés pour mettre le holà à cette dérive suicidaire. Les centaines de milliards mobilisés pour créer et entretenir une commission de surveillance des élections n'est moins rien qu'un aveu d'échec par anticipation. On reconnait, à travers sa création, la pratique de la fraude érigée en système. On ne s'arrête pas en si bon chemin ; on invite l'UE et les instances internationales à venir surveiller nos éventuelles inconséquences. Nous ne voyons pas un seul pays européen, dut-t-il avoir appartenu au défunt bloc de l'Est demander à l'Union africaine de venir surveiller ses joutes électorales. A quoi donc servirait la commission de M. Derbal ? Si la carte politique du pays reste en l'état, il n'y a pas lieu de demander à ces jeunes d'être concernés par les prochaines échéances électorales, car leur vécu quotidien n'aura pas beaucoup changé dans ce marasme ambiant et sournoisement entretenu. Le prétendant à ces hautes fonctions électives, devra, d'abord, se faire connaitre par ceux-là même qui seront appelés à le choisir. Sa crédibilité sera son seul atout à l'effet de gagner la confiance du suffrage, après quoi sa probité intellectuelle et son exemplarité lui garantiront sa survie politique. La mentalité qui a, jusqu'ici prévalu, était plus fondée sur les opportunités offertes que sur une volonté affichée de faire évoluer les choses. Ces jeunes, des deux sexes, sont en attente d'un accompagnement rassurant aussi bien au cours de leur cursus scolaire que professionnel. La dernière grève des étudiants en pharmacie, médecine dentaire et ceux des Beaux arts auraient du interpeller les élus des deux chambres bien avant le gouvernement. Ne va-t-il pas de l'avenir de la future élite du pays ? En ce qui concerne le déroulement du scrutin en lui même, on se focalise souvent sur la partialité de l'administration oubliant souvent les dépassements observés lors des choix des candidats au niveau des directions politiques elles-mêmes. Il est rapporté çà et là que des micro-partis, dans une « saine » émulation, proposent leurs têtes d'affiche à pas moins de 5.000.000 DA. Il ne sera pas dit que le caniveau n'est pas sans dorures. Des cabinets noirs, font et défont les listes supposées remonter de la base et c'est souvent le fait du prince qui prédomine. Un confrère arabophone à grande audience, avance même que le sésame de « Chekara » n'a plus cours, il est supplanté, présentement, par « El Baky » (paquet d'euros). Au vu de ces pratiques mafieuses révélées au grand jour dont tout le monde semble s'en accommoder, que reste-t-il donc comme choix à ces jeunes électeurs que celui de la désaffection avec le sentiment d'avoir été trahis ou de boire le calice jusqu'à la lie. |