Le marché des changes des Algériens est nerveux ces
dernières semaines. En quelques jours, en février dernier, il a dégringolé,
après une bulle démesurée qui a fait exploser la devise européenne face au
pauvre dinar. Face au billet vert, le dinar ne s'en porte pas mieux. Tous les
revendeurs de devises sur les places publiques algériennes, que ce soit à
Alger, Oran Annaba, Sétif ou Constantine, sont sur une affreuse descente : la
demande faiblit, et le marché est malade. En face, le cours officiel, celui
administré par Eddaoula, c'est-à-dire la Banque
centrale d'Algérie, est également en surchauffe. A l'achat, l'euro coûte 122,51
DA et 122,55 à la vente. Le dollar lui est à 109,9 DA à l'achat et 110,00 à la
vente. Ce sont là les cours de la Banque d'Algérie pour la journée du 14 mars
avec valeur pour la journée du 16 mars. En Algérie donc, contrairement à toutes
les places de change dans le monde, il y a bien deux places pour le change de
devises, une officielle pour les officiels dont ceux qui vont en mission avec
un nombre de jours gonflé pour avoir un ?'max'' de pognon même si la mission ne
dure que deux ou trois jours, et l'autre? officielle pour les Algériens comme
vous et l'auteur de cette chronique. Résumons-nous : la banque algérienne ne
donne que des devises «officiellement officielles», le Square Port Saïd d'Alger
et les autres ?squares' du pays, de Bab El Assa à Bir El Atter, ne donnent que des
devises officiellement pas officielles. Mais des devises quand même, qui
permettent aux Algériens qui n'émargent pas sur les ordres de mission d'aller
faire une Omra, une virée à Napoli
ou voir les cousins de Mizrana qui habitent à Aix. Le
marché des devises en Algérie échappe en réalité à tout contrôle des instances
et ceux payés, et grassement payés, pour en assumer la protection et la vigueur
face aux autres. On serait même tenté de dire que les cours des devises dans
notre pays ne sont pas déterminés par l'offre et la demande interbancaire
quotidienne entre banques de la place, mais par le marché parallèle. C'est lui
en fait qui fait marcher le cours des devises, et c'est grâce à ce marché que
le Biznsess des gens de la moyenne fonctionne, car le
gros des liquidités bancaires en devises est siphonné par les importateurs qui,
souvent, se rabattent sur le marché parallèle pour faire leurs appoints, et
avoir du liquide. Comme pour bien signifier que le marché financier algérien,
et à plus forte raison, le marché des devises au jour le jour, marche sur la
tête. Les cambistes du Square Port Saïd ne sont en réalité que cette face
cachée d'un système bancaire qui a mis sur le bas côté
les citoyens désireux de voyager au moindre ?'euro'', pour ne prendre en
considération que les gars du Credoc, ceux qui gonflent notre facture
alimentaire mensuelle, des pois chiche aux haricots et légumes secs importés.
Eux, les importateurs, prennent donc à pleines mains les devises du peuple des
banques du peuple pour lui acheter ses denrées alimentaires au prix fort, en
provoquant la flambée des cours des devises sur le marché parallèle, vu que le
peuple n'a droit qu'à une anémique allocation touristique datant d'avant l'ère Hamrouchienne et la formation géofinancière
du CMC. Ah ! Les temps antéhamrouchisme ! Espérons
cependant que les banques et les gars du marché parallèle de la devise
prendront un peu de repos, et iront en vacances, le temps de laisser refroidir
là l'euro, et redevenir à taille humaine.