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L'Instance de Concertation et de Suivi de l'Opposition (ICSO), issue des
recommandations de la première conférence nationale pour l'action démocratique
(Mazafran-Zeralda le 10 juin 2014) vient de tenir une réunion pour évaluer une
année de son action politique et définir sa feuille de route.
Comme à son habitude, elle a chargé le gouvernement en critiquant au passage, le dernier remaniement qu'il a subi « par la logique de rotation et d'héritage, loin de toute volonté populaire et de l'intérêt suprême national », a-t-elle affirmé dans son communiqué. Elle invite, à l'occasion, et de nouveau, « les Algériennes et les Algériens à adhérer à un processus salutaire dont l'objectif est l'instauration d'un système démocratique et social, seul en mesure d'assurer la justice, la liberté et l'égalité entre tous ses enfants ». En un mot, elle réédite sa proposition de mise en place d'une « transition démocratique » tout en étant convaincue que celle-ci n'aurait de sens que si le peuple, dans toutes ses composantes, sa jeunesse et ses élites politiques et socioprofessionnelles est convaincu de sa justesse et de la sincérité des femmes et des hommes qui l'animent. Son programme : une série de rencontres, de sit-in, de marches et de conférences thématiques dont les dates seront annoncées prochainement. C'est un pari fou pour une opposition qui a mué rapidement d'un état d'émiettement avancé en bloc résistant et dynamique. Une preuve de maturité donnée par l'ICSO, selon un éditorialiste. De nouvelles personnalités nationales sont annoncées au conclave de l'ICSO prévu le 4 juillet prochain. Des renforts, pensent certains, qui aideraient à terme, à contrebalancer le rapport de force en faveur de l'opposition. On croit savoir que l'ancien ministre délégué au Trésor Ali Benouari fera son entrée dans l'instance. Celui-là même qui a vécu plus de 27 ans en Suisse et qui veut, coûte que coûte, retrouver une place au pouvoir, sous les bombes et les missiles des Américains, a dit de lui Louisa Hanoune ; sinon comment expliquer, dit-elle, les trois lettres qu'il a envoyées au secrétaire général de l'ONU Ban ki Moon, au président de l'UE José Manuel Barosso et le président américain Barack Obama pour leur demander d'intervenir dans les élections présidentielles algériennes. L'opposition, en l'état, a-t-elle vraiment les moyens et l'influence pour mobiliser autour de son appel à une « transition démocratique » ? Il faut savoir que de tous temps, ceux qui ont prôné le changement « de haut en bas » ont échoué dans leur entreprise. Tout comme ceux qui ont pensé que la violence était la solution. Ils se sont trompés, tous, sur le peuple algérien, celui-là même qui a étonné le monde. Il a échappé au « printemps arabe » ! Beaucoup, d'ailleurs, se demandent pourquoi il ne se passe rien en Algérie. Pour tenter de résoudre l'énigme, écrivait l'éditorialiste d'un magazine étranger, il faut prendre en compte un élément capital : la quête obsessionnelle de stabilité, compte tenu d'une histoire contemporaine marquée par des épreuves particulièrement sanglantes et douloureuses. Une quête perceptible chez les Algériens « d'en haut » comme chez ceux « d'en bas ». Car il ne faut pas se leurrer : comme partout ailleurs, ou presque, la majorité de la population aspire bien au changement. Mais, en Algérie, l'obtenir est une autre paire de manches. Les Algériens donnent l'impression d'être résignés et sont prêts à accepter beaucoup de choses y compris cette image souvent négative que leur pays renvoie, pourvu qu'il y ait la paix ! Deuxième élément d'explication, et non des moindres : la complexité de l'organisation du pouvoir. Le « système » comme on dit, celui qui préside, réellement, aux destinées du pays, n'a rien à voir avec les engrenages « kleptocratiques » de certains pays voisins avant 2011 (Tunisie, Lybie, Egypte). En Algérie, ce n'est pas une poignée de personnes qui tiennent les rênes, mais au bas mot, des dizaines de milliers d'obligés et de relais. Cela en ferait du monde à bouter dehors ! Et de cela, les animateurs de l'ICSO n'en parlent pas. Ils veulent être califes à la place des califes, sans plus. Les internautes qui ont pris connaissance du communiqué de l'ICSO transmis aux rédactions des journaux, n'y sont pas allés de main morte pour qualifier la démarche. D'accord, a dit l'un deux, on prend le peuple algérien à témoin de la situation qui prévaut dans le pays, mais on propose quoi ? Pour aller vers où ? Et avec qui ? Des islamistes éradicateurs, laïcs, ultralibéraux, gauchistes, nationalistes, en gros tout le monde ? Les acteurs de l'ICSO sont différents idéologiquement, philosophiquement et même méthodologiquement et en l'état, ils ne peuvent pas prendre le pouvoir. Gagner le pouvoir, ajoute un autre, veut dire gagner la confiance du peuple et de la société toute entière. L'ICSO ne connait pas le terrain. Plus encore, elle ignore tout de la sociologie des Algériens : leur adresser un appel à se mobiliser, en masse, derrière elle, un mois de ramadan, c'est aller vers le bide complet, en vertu de l'adage « ventre affamé n'a pas d'oreilles ! ». Il en est de même de tous ces partis qui sont loin de proposer un programme, une politique, un projet de société. Ils ne font que réagir à la politique du gouvernement sur le plan rhétorique et ne peuvent être crédibles ! Il faut dire aussi que la majorité des partis vivent une crise d'identité dans la mesure où chacun s'inspire, à la base, d'un modèle étranger et s'accroche à un projet de société qui n'est pas reconnu par les Algériens. L'appel de l'ICSO va-t-il faire choux blanc ? Selon le politologue Rachid Grim, l'instance n'a aucune chance, dans les conditions actuelles, que le pouvoir réponde positivement à ses doléances ; ce dernier va d'ailleurs tout entreprendre pour la disloquer de l'intérieur. Dans un tel environnement, l'instance de l'opposition se parle, en fait, à elle-même : sa proposition de « transition démocratique », du réchauffé, ne trouvera pas l'écho escompté. A qui la faute ? A ses animateurs, peut-être. Ces derniers n'en démordent pas : transition démocratique, institutionnalisation d'une commission indépendante pour la gestion des élections avant l'organisation d'une présidentielle anticipée ! L'un des animateurs de l'ICSO, le patron du RCD a été prié par un journal en ligne d'expliquer, par exemple, l'échec de l'instance à mobiliser les citoyens autour de la question du « gaz de schiste ». Il a répondu ceci : « Il n'y a qu'en Algérie que les médias et l'opinion estiment qu'il faut mobiliser des milliers de personnes pour l'organisation d'un sit-in. En Europe et aux Etats-Unis, ce sont des regroupements qui rassemblent 20, 30, 40 et 50 personnes lorsqu'il s'agit de gaz de schiste et ce n'est pas rien ! Mais la presse a largement médiatisé l'appel de l'ICSO a fait observé le journaliste ; « je veux parler des médias publics notamment audiovisuels a répondu le patron du RCD ; ils sont les seuls à avoir assez de moyens pour couvrir toutes les activités politiques mais ils ne l'ont pas fait ! C'est à se demander où sont passées les idées novatrices ? Depuis l'été passé, en n'entend parler que de « transition démocratique » et d'élections présidentielles « anticipées ». Et de propositions, point. Une ligne rouge à ne pas dépasser vient d'affirmer sur un ton péremptoire Ahmed Ouyahia à l'occasion de son retour aux affaires. Il y a plusieurs points de divergences entre le gouvernement et l'opposition a-t-il affirmé. Parmi celles-ci la « transition démocratique » inacceptable de son point de vue, tout comme les appels à répétition à une conférence nationale et à l'intervention de l'armée ; ces demandes ont des répercutions dangereuses sur la société algérienne qui a déjà vécu les conséquences de la transition dans les années 1990. Tout en se défendant d'entrer en confrontation avec ceux de l'ICSO, il leur prête des velléités de vengeance et de haine : « Arrêtez de détruire, arrêtez de casser, n'essayez pas d'hériter des cimetières, tendez à hériter de jardins ! » leur a-t-il asséné. Beaucoup d'Algériens, éloignés de la politique, pensent qu'il est temps d'en finir avec le déni, le fatalisme et le nombrilisme, les trois maux qui caractérisent l'opposition actuelle. Même si l'on est en droit de juger imparfaite la politique actuelle menée par le gouvernement, le redressement du pays devrait être la priorité pour tous. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a donner le ton en ces périodes de vaches maigres : le pays doit cesser de dépenser plus que de raison, crise de pétrole oblige. Autrement dit, il faut faire maigre. L'heure, c'est vrai, est au patriotisme, mot, hélas, galvaudé y compris par les animateurs de l'ICSO qui s'en remettent au peuple dans une tentative de remake de « l'appel du 1er-Novembre ». Les responsables de l'opposition l'ont osé, furieusement égocentrés et convaincus que le peuple entier va les suivre dans leur aventure. En définitive, ils continuent de participer à notre aveuglement collectif, rongés qu'ils sont par le cynisme, le pessimisme et?l'ambition ! Telles sont donc les postures des dirigeants des partis dits « d'opposition » ; ils n'ont de cesse de tirer la sonnette d'alarme pour surfer sur les problèmes récurrents des Algériens : chômage, crise de logement et pouvoir d'achat, notamment à l'occasion du mois sacré du ramadan. Mais, ce serait gravement sous-estimer l'intelligence politique de ces derniers que de les croire, uniquement, sensibles à de telles thématiques. Sinon les partis qui spéculent, presque exclusivement, sur ces ressorts en auraient profité en termes électoraux. Tel n'est pas le cas. Et jusqu'à preuve du contraire, ce sont les partis du FLN et du RND, ou leurs sympathisants, qui sont aux commandes des institutions du pays. Au nom de la sécurité et de la stabilité, nous-a-t-on affirmé. Par la fraude électorale, rétorquent ceux d'en face, pour poursuivre ce qui ne marche pas et, si possible, faire pire, ajoutent les plus radicaux parmi eux. Oui mais, comment voulez-vous, alors, que le peuple vous croie ? Si vraiment tous les dangers menacent le pays comme vous persistez à le répéter, oserez-vous continuer de refuser de vous parler entre républicains, patriotes, sous prétexte que parmi vous il y a des démocrates, des laïcs, des islamistes et d'autres partisans de courants fondamentalement opposés aux vôtres ? Montrez des pistes pour autre chose, mettez en valeur ce qui se crée d'alternatif dans le pays. Valorisez les idées novatrices. Il y a des modèles économiques et même des sociétés dans le monde qui peuvent nous apporter une réflexion positive grâce à laquelle on pouvait se projeter. On aspire à autre chose que de faire partir le président, alors parlez-nous de sociétés inventives ! Creusez dans les programmes alternatifs pour nous faire connaitre les orientations d'une bonne gouvernance et patientez jusqu'en 2019 ! Si nous sommes tombés si bas, entend-on souvent, c'est parce que nos politiciens ne sont pas à la hauteur. Depuis le général De Gaulle qui se fichait comme d'une guigne de la prochaine élection, nos hommes politiques sont tous obsédés par leur propre réélection et, partant, le pouvoir. Le sens de l'Etat n'étant plus ce qu'il était, ils se garderaient, sitôt assis sur leur auguste fauteuil, de bouger une oreille, de peur d'effaroucher le bon peuple à moitié endormi?et qui pourrait leur demander des comptes ! Il est incompréhensible que des hommes politiques de la stature d'Ahmed Benbitour, Ali Benflis ou encore Mouloud Hamrouche plastronnent, gonflent leur poitrine, avec l'assurance de détenir « la solution » et en même temps privent le pays de leurs bons conseils ! Quelle défaite pour l'intelligence démocratique qui subsiste encore dans ce pays, que de laisser comme alternative au citoyen que l'option de choisir entre la « stagnation » de ceux qui sont au pouvoir et la « fuite en avant » de ceux qui aspirent à y être ! Mais, ne nous y trompons pas, c'est cette défaite intellectuelle que le pays paye actuellement et qui transparait à travers un taux d'abstention le plus fort depuis l'instauration du suffrage universel dans l'Algérie indépendante. Et puis, franchement, l'opposition décrépite serait-elle en mesure de gouverner un jour, si les électeurs le lui demandaient ? Privées de chefs légitimes, fracturées par des querelles idéologiques et de « leadership », sans oublier les coups de boutoir des « redresseurs », ces formations politiques qui foisonnent auraient sans doute du mal à assumer demain de telles responsabilités. Surtout, il y a fort à parier que le manque de cap, de vision et d'autorité raillés depuis des mois par les Benflis, Mokri, Sofiane Djilali, Touati et consorts seraient, au moins, aussi criards dans leurs rangs. |
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